Пьер Луис - Cet obscur objet du désir / Этот смутный объект желания. Книга для чтения на французском языке

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Cet obscur objet du désir / Этот смутный объект желания. Книга для чтения на французском языке: краткое содержание, описание и аннотация

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Французский поэт и писатель Пьер Луис хорошо известен любителям чувственной поэзии и прозы. Представляем читателю два его произведения – «Афродита. Античные нравы» и «Женщина и паяц».
Блестящая и скандальная «Афродита» сделала 26-летнего автора знаменитым и выдержала не менее ста переизданий у себя на родине.
Самый знаменитый роман автора «Женщина и паяц» волнует уже не одно поколение читателей. На страницах, свободных от условностей, живет чувственная любовь во всех ее проявлениях. Книга была многократно экранизирована, в том числе великим Луисом Бунюэлем под названием «Этот смутный объект желания».
В книге представлен полный неадаптированный текст произведений на языке оригинала.
В формате PDF A4 сохранен издательский макет.

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– Eh bien, qu’elle n’y retourne plus, interrompis-je.

Je sortis de ma poche deux billets et je les posai sur une table.

Exclamations. Mains jointes. Larmes. Je passe sur ce que vous devinez. Mais quand les cris eurent cessé, la mère m’avoua en secouant la tête qu’il faudrait bien néanmoins que l’enfant reprît son travail, car la somme était due, et au-delà, au logeur, à l’épicier, au pharmacien, à la fripière. Bref, je doublai mon offrande et pris congé sur-le-champ, mettant une pudeur et un calcul également naturels à me taire ce jour-là sur mes sentiments.

* * *

Le lendemain, je ne le nie pas, il était dix heures à peine quand je frappai à la porte.

– Maman est sortie, me dit Concha. Elle fait son marché. Entrez, mon ami.

Elle me regarda, puis se mit à rire.

– Eh bien! je me tiens sage devant maman. Qu’en dites-vous?

– En effet.

– Ne croyez pas au moins que ce soit par éducation. Je me suis élevée toute seule; c’est heureux, car ma pauvre mère en aurait été bien incapable. Je suis honnête et elle s’en vante; mais je m’accouderais à la fenêtre en appelant les passants, que maman me contemplerait en disant: ¡Qué gracia! Je fais exactement ce qu’il me plaît du matin au soir. Aussi j’ai du mérite à ne pas faire tout ce qui me passe par la tête, car ce n’est pas elle qui me retiendrait malgré les phrases qu’elle vous a dites.

– Alors, jeune personne, le jour où un novio sera candidat, c’est à vous qu’il devra parler?

– C’est à moi. En connaissez-vous?

– Non.

J’étais devant elle, dans un fauteuil de bois dont le bras gauche était cassé. Je me vois encore, le dos à la fenêtre, près d’un rayon de soleil qui zébrait le plancher…

Soudain elle s’assit sur mes genoux, mit ses deux mains à mes épaules, et me dit:

– C’est vrai!

Je ne répondis plus.

Instinctivement, j’avais refermé mes bras sur elle et d’une main j’attirais à moi sa chère tête devenue sérieuse, mais elle devança mon geste et posa vivement elle-même sa bouche brûlante sur la mienne en me regardant profondément.

Primesautière, incompréhensible: telle je l’ai toujours connue. La brusquerie de sa tendresse m’affola comme un breuvage. Je la serrai de plus près encore. Sa taille cédait à mon bras. Je sentais peser sur moi la chaleur et la forme ronde de ses jambes à travers la jupe.

Elle se leva.

– Non, dit-elle. Non. Non. Allez-vous-en.

– Oui, mais avec toi. Viens.

– Que je vous suive? et où cela? chez vous? Mon ami, vous n’y comptez pas.

Je la repris dans mes bras, mais elle se dégagea.

– Ne me touchez pas, ou j’appelle; et alors nous ne nous reverrons plus.

– Concha, Conchita, ma petite, es-tu folle? Comment, je viens chez toi en ami, je te parle comme à une étrangère; tout à coup tu te jettes dans mes bras, et maintenant c’est moi que tu accuses?

– Je vous ai embrassé parce que je vous aime bien; mais vous, vous ne m’embrasserez pas sans m’aimer.

– Et tu crois que je ne t’aime point, enfant?

– Non, je vous plais, je vous amuse; mais je ne suis pas la seule, n’est-ce pas, caballero? Les cheveux noirs poussent sur bien des filles, et bien des yeux passent dans les rues. Il n’en manque pas, à la Fabrique, d’aussi jolies que moi et qui se le laissent dire. Faites ce que vous voudrez avec elles, je vous donnerai des noms si vous en demandez. Mais moi, c’est moi, et il n’y a qu’une moi de San Roque à Triana. Aussi je ne veux pas qu’on m’achète comme une poupée au bazar, parce que, moi enlevée, on ne me retrouverait plus.

Des pas montaient l’escalier. Elle se retourna vers la porte et ouvrit à sa mère.

– Monsieur est venu pour prendre de tes nouvelles, dit l’enfant. Il t’avait trouvé mauvaise mine et te croyait malade.

…Je sortis une heure après, très nerveux, très agacé, et doutant à part moi si je reviendrais jamais.

Hélas! je revins; non pas une fois, mais trente. J’étais amoureux comme un jeune homme. Vous avez connu ces folies. Que dis-je! vous les éprouvez à l’heure même où je vous parle, et vous me comprenez. Chaque fois que je quittais sa chambre, je me disais: «Vingt-deux heures, ou vingt heures jusqu’à demain», et ces douze cents minutes ne finissaient pas de couler.

Peu à peu, j’en vins à passer la journée entière en famille. Je subvenais aux dépenses et même aux dettes, qui devaient être considérables, si j’en juge par ce qu’elles me coûtèrent. Ceci était plutôt une recommandation et d’ailleurs aucun bruit ne courait dans le quartier. Je me persuadai facilement que j’étais le premier ami de ces pauvres femmes solitaires.

Sans doute, je n’avais pas eu grand-peine à devenir leur familier; mais un homme s’étonne-t-il jamais des facilités qu’il obtient? Un soupçon de plus aurait pu me mettre en garde, auquel je ne m’arrêtai point: je veux dire l’absence de mystères et de contrainte à mon égard. Il n’y avait jamais d’instant où je ne pusse entrer dans leur chambre. Concha, toujours affectueuse, mais toujours réservée, ne faisait aucune difficulté pour me rendre témoin même de sa toilette. Souvent, je la trouvais couchée le matin, car elle se levait tard depuis qu’elle était oisive. Sa mère sortait, et elle, ramenant ses jambes dans le lit, m’invitait à m’asseoir près de ses genoux réunis.

Nous causions. Elle était impénétrable.

J’ai vu à Tanger des Mauresques en costume, qui entre leurs deux voiles ne laissaient nus que leurs yeux, mais par là, je voyais jusqu’au fond de leur âme. Celle-ci ne cachait rien, ni sa vie ni ses formes, et je sentais un mur entre elle et moi.

Elle paraissait m’aimer. Peut-être m’aimait-elle. Aujourd’hui encore, je ne sais que penser. À toutes mes supplications, elle répondait par un «plus tard» que je ne pouvais pas briser. Je la menaçai de partir, elle me dit: «Allez-vous-en.» Je la menaçai de violence, elle me dit: «Vous ne pourrez jamais.» Je la comblai de cadeaux, elle les accepta, mais avec une reconnaissance toujours consciente de ses bornes.

Pourtant, quand j’entrais chez elle, une lumière naissait dans ses yeux, qui n’était point artificieuse.

Elle dormait neuf heures la nuit, et trois heures au milieu du jour. Ceci excepté, elle ne faisait rien. Quand elle se levait, c’était pour s’étendre en peignoir sur une natte fraîche, avec deux coussins sous la tête et un troisième sous les reins. Jamais je ne pus la décider à s’occuper de quoi que ce fût. Ni un travail d’aiguille, ni un jeu, ni un livre ne passèrent entre ses mains depuis le jour où, par ma faute, elle avait quitté la Fabrique. Même les soins du ménage ne l’intéressaient pas: sa mère faisait les chambres, les lits et la cuisine, et chaque matin passait une demi-heure à coiffer la chevelure pesante de ma petite amie encore mal éveillée.

Pendant toute une semaine, elle refusa de quitter son lit. Non pas qu’elle se crût souffrante, mais elle avait découvert que s’il était inutile de se promener sans raison dans les rues, il était encore plus vain de faire trois pas dans sa chambre et de quitter les draps pour la natte, où le costume de rigueur gênait sa nonchalance. Toutes nos Espagnoles sont ainsi: à qui les voit en public, le feu de leurs yeux, l’éclat de leur voix, la prestesse de leurs mouvements paraissent naître d’une source en perpétuelle éruption; et pourtant, dès qu’elles se trouvent seules, leur vie coule dans un repos qui est leur grande volupté. Elles se couchent sur une chaise longue dans une pièce aux stores baissés; elles rêvent aux bijoux qu’elles pourraient avoir, aux palais qu’elles devraient habiter, aux amants inconnus dont elles voudraient sentir le poids chéri sur leur poitrine. Et ainsi se passent les heures.

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