Пьер Луис - Cet obscur objet du désir / Этот смутный объект желания. Книга для чтения на французском языке

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Cet obscur objet du désir / Этот смутный объект желания. Книга для чтения на французском языке: краткое содержание, описание и аннотация

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Французский поэт и писатель Пьер Луис хорошо известен любителям чувственной поэзии и прозы. Представляем читателю два его произведения – «Афродита. Античные нравы» и «Женщина и паяц».
Блестящая и скандальная «Афродита» сделала 26-летнего автора знаменитым и выдержала не менее ста переизданий у себя на родине.
Самый знаменитый роман автора «Женщина и паяц» волнует уже не одно поколение читателей. На страницах, свободных от условностей, живет чувственная любовь во всех ее проявлениях. Книга была многократно экранизирована, в том числе великим Луисом Бунюэлем под названием «Этот смутный объект желания».
В книге представлен полный неадаптированный текст произведений на языке оригинала.
В формате PDF A4 сохранен издательский макет.

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V. Où la même personne reparaît dans un décor plus connu

L’été suivant, je la retrouvai tout à coup.

J’étais depuis longtemps revenu à Séville, assez tôt pour reprendre encore une liaison déjà ancienne et pour la rompre.

De ceci, je ne vous dirai rien. Vous n’êtes pas ici pour entendre le récit de mes mémoires et j’ai d’ailleurs peu de goût à livrer des souvenirs intimes. Sans l’étrange coïncidence qui nous réunit autour d’une femme, je ne vous aurais point découvert ce fragment de mon passé. Que du moins cette confidence reste unique, même entre nous.

Au mois d’août, je me retrouvai seul dans ma maison qu’une présence féminine emplissait depuis des années. Le second couvert enlevé, les armoires sans robes, le lit vide, le silence partout: si vous avez été amant, vous me comprenez; c’est horrible.

Pour échapper à l’angoisse de ce deuil pire que les deuils, je sortais du matin au soir, j’allais n’importe où, à cheval ou à pied, avec un fusil, une canne ou un livre; il m’arriva même de coucher à l’auberge pour ne pas rentrer chez moi. Une après-midi, par désœuvrement, j’entrai à la Fábrica [4] La manufacture de tabacs de Séville. .

C’était une accablante journée d’été. J’avais déjeuné à l’hôtel de Paris, et pour aller de Las Sierpes à la rue San-Fernando, «à l’heure où il n’y a dans les rues que les chiens et les Français», j’avais cru mourir de soleil.

J’entrai, et j’entrai seul, ce qui est une faveur, car vous savez que les visiteurs sont conduits par une surveillante dans ce harem immense de quatre mille huit cents femmes, si libres de tenue et de propos.

Ce jour-là, qui était torride, je vous l’ai dit, elles ne mettaient aucune réserve à profiter de la tolérance qui leur permet de se déshabiller à leur guise dans l’insoutenable atmosphère où elles vivent de juin à septembre. C’est pure humanité qu’un tel règlement, car la température de ces longues salles est saharienne et il est charitable de donner aux pauvres filles la même licence qu’aux chauffeurs des paquebots. Mais le résultat n’en est pas moins intéressant.

Les plus vêtues n’avaient que leur chemise autour du corps (c’étaient les prudes); presque toutes travaillaient le torse nu, avec un simple jupon de toile desserré de la ceinture et parfois retroussé jusqu’au milieu des cuisses. Le spectacle était mélangé. C’était la femme à tous les âges, enfant et vieille, jeune ou moins jeune, obèse, grasse, maigre, ou décharnée. Quelques-unes étaient enceintes. D’autres allaitaient leur petit. D’autres n’étaient même pas nubiles. Il y avait de tout dans cette foule nue, excepté des vierges, probablement. Il y avait même de jolies filles.

Je passais entre les rangs compacts en regardant de droite et de gauche, tantôt sollicité d’aumônes et tantôt apostrophé par les plaisanteries les plus cyniques. Car l’entrée d’un homme seul dans ce harem monstre éveille bien des émotions. Je vous prie de croire qu’elles ne mâchent pas les mots quand elles ont mis leur chemise bas, et elles ajoutent à la parole quelques gestes d’une impudeur ou plutôt d’une simplicité qui est un peu déconcertante, même pour un homme de mon âge. Ces filles sont impudiques comme des femmes honnêtes.

Je ne répondais pas à toutes. Qui peut se flatter d’avoir le dernier mot avec une cigarrera? Mais je les regardais curieusement et leur nudité se conciliant mal avec le sentiment d’un travail pénible, je croyais voir toutes ces mains actives se fabriquer à la hâte d’innombrables petits amants en feuilles de tabac. Elles faisaient, d’ailleurs, ce qu’il faut pour m’en suggérer l’idée.

Le contraste est singulier, de la pauvreté de leur linge et du soin extrême qu’elles apportent à leurs têtes chargées de cheveux. Elles sont coiffées au petit fer comme à l’heure d’entrer au bal et poudrées jusqu’au bout des seins, même par-dessus les saintes médailles. Pas une qui n’ait dans son chignon quarante épingles et une fleur rouge. Pas une qui n’ait au fond de son mouchoir la petite glace et la houppette blanche. On les prendrait pour des actrices en costume de mendiantes.

Je les considérais une à une, et il me parut que même les plus tranquilles montraient quelque vanité à se laisser examiner. J’en vis de jeunes qui se mettaient à l’aise, comme par hasard, au moment où j’approchais d’elles. À celles qui avaient des enfants je donnais quelques perras; à d’autres des bouquets d’œillets dont j’avais empli mes poches, et qu’elles suspendaient immédiatement sur leur poitrine à la chaînette de leur croix. Il y avait, n’en doutez pas, de bien pauvres anatomies dans ce troupeau hétéroclite, mais toutes étaient intéressantes, et je m’arrêtai plus d’une fois devant un admirable corps féminin, comme vraiment il n’y en a pas ailleurs qu’en Espagne, un torse chaud, plein de chair, velouté comme un fruit et très suffisamment vêtu par la peau brillante d’une couleur uniforme et foncée, où se détachent avec vigueur l’astrakan bouclé des sous-bras et les couronnes noires des seins.

J’en vis quinze qui étaient belles. C’est beaucoup, sur cinq mille femmes.

Presque assourdi, et un peu las, j’allais quitter la troisième salle, quand au milieu des cris et des éclats de paroles, j’entendis près de moi une petite voix futée qui me disait:

– Caballero, si vous me donnez une perra chica [5] Un sou. , je vous chanterai une petite chanson.

Je reconnus Concha avec une stupéfaction parfaite. Elle avait—je la vois encore—une longue chemise un peu usée, mais qui tenait bien à ses épaules et ne la décolletait qu’à peine. Elle me regardait en redressant avec la main un piquet de fleurs de grenadier dans le premier maillon de sa natte noire.

– Comment es-tu venue ici?

– Dieu le sait. Je ne me souviens plus.

– Mais ton couvent d’Avila?

– Quand les filles y reviennent par la porte, elles en sortent par la fenêtre.

– Et c’est par là que tu es sortie?

– Caballero, je suis honnête, je ne suis pas rentrée du tout de peur de faire un péché. Eh bien, donnez-moi un réal [6] Cinq sous. et je vous chanterai une soledad pendant que la surveillante est au fond de la salle.

Vous pensez si les voisines nous regardaient pendant ce dialogue. Moi, sans doute, j’en avais quelque embarras, mais Concha était imperturbable. Je poursuivis:

– Alors avec qui es-tu à Séville?

– Avec maman.

Je frémis. Un amant, pour une jeune fille, est encore une garantie; mais une mère, quelle perdition!

– Maman et nous, nous nous occupons. Elle va à l’église; moi je viens ici. C’est la différence d’âge.

– Tu viens tous les jours?

– À peu près.

– Seulement?

– Oui. Quand il ne pleut pas, quand je n’ai pas sommeil, quand cela m’ennuie d’aller me promener. On entre ici comme on veut; demandez-le à mes voisines; mais il faut être là à midi, ou alors on n’est pas reçue.

– Pas plus tard?

– Ne plaisantez pas. Midi, ¡Dios mio! comme c’est matin déjà! J’en connais qui n’arrivent pas deux jours sur quatre à se lever d’assez bonne heure pour trouver la grille ouverte. Et vous savez, pour ce qu’on gagne, on ferait mieux de rester chez soi.

– Combien gagne-t-on?

– Soixante-quinze centimes pour mille cigares ou mille paquets de cigarettes. Moi, comme je travaille bien, j’ai une petite piécette; mais ce n’est pas encore le Pérou… Donnez-moi aussi une piécette, caballero, et je vous chanterai une séguédille que vous ne connaissez pas.

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