F. Wilson - Le donjon

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Adressé durant l'hiver 41 au Q.G. des armées du III
Reich, cet incroyable message, venu d'une antique forteresse de Transylvanie, est signé du capitaine Woermann, un soldat d'expérience…
Aussitôt le major SS Kaempffer lui est envoyé. Homme de fer, il va cependant découvrir la peur face au spectacle des cadavres atrocement déchiquetés. Et sa garde de SS est impuissante : chaque nuit fait une nouvelle victime, gorge sectionnée…
Alors Kaempffer, qui ne veut ni fuir ni renoncer, appelle à la forteresse un vieil archéologue et sa fille qui ont été tous deux initiés aux sciences interdites…
Mais d'où vient qu'à cet instant, au Portugal, un homme reçoit en rêve l'ordre impérieux de se rendre là-bas ? Il partira.
Bientôt tout est prêt pour un combat aux dimensions de l'humanité…

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F. Paul Wilson

La forteresse noire

Pour Al Zuckerman

REMERCIEMENTS

L’auteur tient à remercier Rado L. Lencek, professeur de langues slaves à l’université de Columbia, pour l’enthousiasme dont il a su faire preuve devant la requête bien étrange qui lui a été soumise. L’auteur a de plus une dette toute naturelle envers Howard Phillips Lovecraft, Robert Ervin Howard et Clark Ashton Smith.

Paul Wilson

Avril 1979–Janvier 1981

PROLOGUE

VARSOVIE, POLOGNE
Lundi 28 avril 1941
8 heures 15

Un an et demi plus tôt, il y avait eu un autre nom sur la porte, un nom polonais, et puis aussi un titre et le nom d’un département ou d’un bureau du gouvernement polonais. Mais la Pologne n’appartenait plus à ses habitants, et le nom avait été grossièrement effacé à grands coups de peinture noire. Erich Kaempffer fit halte devant la porte et tenta de se souvenir du nom. Pas vraiment par intérêt, plutôt pour faire travailler sa mémoire. Une plaque d’acajou dissimulait les traînées noirâtres mais quelques taches apparaissaient encore çà et là. Des mots y étaient inscrits :

SS-Oberführer W. Hossbach

RSHA – Division de la Race et du Repeuplement

District de Varsovie

Il chercha à se tranquilliser. Que pouvait bien lui vouloir Hossbach ? Pourquoi cette convocation matinale ? Il se reprochait de réagir de la sorte mais aucun membre de la SS, quelle que fût sa position, pas même un officier à l’ascension aussi rapide que la sienne, ne pouvait être appelé à se rendre « sur-le-champ » au bureau de son supérieur sans éprouver une légère appréhension.

Kaempffer prit son souffle, dissimula son angoisse et poussa la porte. Le caporal qui servait de secrétaire au général Hossbach attira son attention. L’homme était nouveau, et Kaempffer vit que le soldat ne le reconnaissait pas. C’était bien compréhensible – Kaempffer avait passé l’année précédente à Auschwitz.

— Sturmbannführer Kaempffer ! lança-t-il au caporal, qui pénétra dans le bureau pour en ressortir immédiatement.

— L’Oberführer Hossbach va vous recevoir, Herr Major.

Kaempffer passa devant le caporal et entra dans la pièce, où il trouva Hossbach assis au bord de son bureau.

— Ah, Erich ! Bonjour ! dit Hossbach avec une bonne humeur qui lui était inhabituelle. Du café ?

— Non, merci, Wilhelm.

Il en avait eu très envie jusqu’à cet instant mais le sourire de Hossbach l’avait mis sur ses gardes ; et, maintenant, son estomac vide se nouait.

— Comme vous voudrez. Enlevez tout de même votre manteau, mettez-vous à l’aise.

C’était le mois d’avril mais il faisait encore froid à Varsovie. Kaempffer se débarrassa lentement de son pardessus d’officier SS ainsi que de sa casquette, qu’il accrocha soigneusement au portemanteau, obligeant ainsi Hossbach à l’observer et, peut-être, à constater leurs différences physiques. Corpulent, la cinquantaine, Hossbach perdait ses cheveux. Kaempffer avait dix ans de moins, un corps musclé et une chevelure d’un blond juvénile. Et surtout, il avait le vent en poupe.

— A propos, félicitations pour votre promotion et votre nouvelle affectation. La position de Ploiesti est capitale.

— Oui, fit Kaempffer d’un ton neutre. J’espère me montrer digne de la confiance de Berlin.

— J’en suis persuadé.

Kaempffer savait que les vœux de Hossbach étaient aussi creux que les promesses faites aux Juifs polonais. Comme tout officier SS, Hossbach aurait voulu Ploiesti pour lui tout seul. Les possibilités d’avancement et l’intérêt personnel qu’il y avait à commander le principal camp de Roumanie étaient énormes. Et il était impossible de croire à la sincérité de vœux au sein de cette monstrueuse bureaucratie créée par Heinrich Himmler, où il fallait toujours avoir un œil tourné vers la nuque vulnérable de celui qui vous précédait et l’autre vers l’individu qui marchait derrière vous.

Kaempffer profita du silence pesant pour détailler les murs et réprima un sourire amusé lorsqu’il remarqua les carrés et les rectangles de couleur plus vive laissés par les nombreux brevets et citations du précédent occupant. Hossbach n’avait pas fait repeindre la pièce. C’était typique d’un homme qui voulait faire croire qu’il était bien trop occupé par les problèmes des SS pour s’intéresser à des broutilles telles que la peinture d’un mur. Kaempffer, quant à lui, n’avait pas besoin d’afficher aussi grossièrement sa dévotion à la SS. Il consacrait chaque heure de veille à l’amélioration de sa position dans cette organisation.

Il fit semblant d’étudier la grande carte de Pologne, hérissée d’épingles de couleurs représentant les concentrations d’indésirables. Le bureau de Hossbach à la RSHA avait connu une année difficile ; c’est par son intermédiaire que la population juive de Pologne avait été dirigée vers le « centre de réinstallation » proche du nœud ferroviaire d’Auschwitz. Kaempffer imagina son futur bureau de Ploiesti : sur le mur s’étalerait une carte de Roumanie, où il planterait ses propres épingles. Ploiesti… l’attitude amicale de Hossbach ne présageait rien de bon. Quelque chose ne tournait pas rond et Hossbach allait profiter des derniers jours où il était encore le supérieur de Kaempffer pour le confronter à ce problème.

— Est-ce que je peux vous être utile à quelque chose ? demanda finalement Kaempffer.

— Pas à moi, mais au Commandement Suprême. Il y a un petit problème en ce moment en Roumanie. Rien d’important, vraiment.

— Ah ?

— Oui. Un petit détachement stationné dans les Alpes au nord de Ploiesti a subi quelques pertes – certainement de la part des partisans locaux – et l’officier désirerait abandonner sa position.

— Cela regarde l’armée. Les SS n’ont rien à voir là-dedans.

— Si, dit Hossbach, qui se saisit d’une feuille de papier posée sur son bureau. Le Commandement Suprême a transmis cette affaire au bureau de l’Obergruppenführer Heydrich. Et il me semble approprié que je vous la transmette à mon tour.

— Pourquoi, approprié ?

— L’officier concerné est le capitaine Klaus Woermann, celui que vous m’aviez signalé il y a un an environ à la suite de son refus d’adhérer au Parti.

Kaempffer se sentit quelque peu soulagé.

— Et comme je serai en Roumanie, c’est à moi qu’il revient de régler cette affaire.

— Exactement. Votre année à Auschwitz ne devrait pas seulement vous avoir appris à diriger efficacement un camp mais aussi à mater les partisans. Je suis certain que vous n’en aurez pas pour longtemps.

— Je peux voir ce papier ?

— Certainement.

Kaempffer prit la feuille et en lut les deux lignes. Puis il les relut.

— Il a été convenablement décodé ?

— Oui. J’en ai trouvé le texte assez étrange et j’ai fait procéder à un nouveau décodage. C’est tout à fait correct.

Kaempffer lut une nouvelle fois le message :

Demande réaffectation immédiate.

Quelque chose extermine mes hommes.

Curieux message. Il avait connu Woermann pendant la Grande Guerre et avait toujours vu en lui un individu particulièrement obstiné. Aujourd’hui, alors que la guerre faisait à nouveau rage, l’officier de la Reichswehr Woermann avait à plusieurs reprises refusé de rejoindre le Parti en dépit des pressions incessantes qu’il subissait. Il n’était pas homme à abandonner une position, stratégique ou autre, après l’avoir adoptée. Les choses devaient aller très mal pour qu’il demande une nouvelle affectation.

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