Gene Wolfe - Le Nouveau Soleil de Teur. Livre 1

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Le Nouveau Soleil de Teur. Livre 1: краткое содержание, описание и аннотация

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Voici Sévérian, devenu Autarque de l’Empire, en route pour Yesod où l’attend le tribunal de Tzadkiel, chargé de le juger et de juger Teur : une épreuve dont il doit triompher pour ramener le Nouveau Soleil, la Fontaine Blanche seule capable de ranimer le Vieux Soleil agonisant. Mais sera-t-il seulement en mesure de se présenter à cette épreuve ?
Dans cette première partie de la coda imaginée par Gene Wolfe pour couronner son
, Sévérian, simple passager d’un voilier stellaire géant, formant un monde à lui tout seul, devra d’abord affronter les avatars déroutants de mystérieux assassin à la solde de ceux qui ne veulent pas du Nouveau Soleil...

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CHAPITRE XXI

Tzadkiel

On avait installé la veille les marins de face, dans la Salle d’Examen. La première chose que je remarquai en y pénétrant pour la deuxième fois fut leur absence à ces places. Ceux qui les occupaient étaient emmitouflés dans une chape de ténèbres qui semblait émaner d’eux, tandis que les marins se tenaient près de l’entrée et sur les bords de la salle.

Mon regard quitta les silhouettes sombres et suivit l’allée qui conduisait au Siège de Justice de Tzadkiel, et je vis Zak. Il était assis sur le trône. De chaque côté de lui, se déployait devant les murs de pierre blanche ce qui me parut être des tapisseries tissées dans les fils les plus fins, et ornées de motifs d’yeux aux couleurs resplendissantes. Ce n’est que lorsqu’elles bougèrent que je me rendis compte qu’il s’agissait de ses ailes.

Aphéta m’avait laissé au pied des marches et depuis lors j’avançai sans escorte. Comme je m’étais immobilisé, ne pouvant détacher mes yeux de Zak, deux marins vinrent me prendre chacun par un bras pour me conduire à lui.

Ils me laissèrent, et je restai au pied du trône, la tête baissée. Aucun discours du vieil autarque ne vint couler spontanément de ma bouche, cette fois ; mon esprit n’était que confusion. À la fin j’arrivai à balbutier : « Zak, je suis venu plaider la cause de Teur.

— Je sais, répondit-il. Sois le bienvenu. » Il avait une voix profonde et claire aux sonorités qui allaient s’épanouissant comme une trompe entendue au loin ; ce qui me rappela une certaine histoire insensée de Gabriel, qui portait la trompe de guerre céleste en travers du dos, suspendu à un arc-en-ciel. Ce qui me rappela à son tour le livre de Thécle, dans lequel je l’avais lue ; et finalement le grand volume de cuir irisé que m’avait montré le vieil autarque lorsque je lui avais demandé le chemin du jardin le jour où, ayant entendu parler de moi, il avait supposé que j’étais arrivé pour le remplacer et qu’il allait immédiatement partir plaider pour Teur.

Je sus alors que j’avais vu Tzadkiel avant d’aider Sidero et les autres à s’en emparer en tant que Zak, et que la forme masculine que je voyais n’était pas plus vraie (mais pas moins non plus) que la femme ailée dont le regard m’avait alors frappé de stupeur, et que ni l’une ni l’autre de ces formes n’était plus vraie, ou moins, que la forme animale qui m’avait sauvé la vie lorsque Purn avait essayé de me tuer à l’extérieur de sa cage.

Et je m’écriai : « S’gneur – Zak – Tzadkiel, puissant hiérogrammate – je ne comprends pas.

— Veux-tu dire par là que tu ne me comprends pas ? Et pourquoi le devrais-tu ? Je ne me comprends pas moi-même, Sévérian, et je ne te comprends pas. Cependant je suis comme je suis, ta propre race m’ayant créé ainsi avant l’apocatastase. Ne t’a-t-on pas dit qu’ils nous avaient formés à leur image ? »

J’essayai de parler, mais en fus incapable. Finalement, j’acquiesçai.

« La forme que tu as maintenant fut leur première, la forme qu’ils possédaient lorsqu’ils venaient de jaillir de l’animalité. Toutes les races se transforment, sous l’effet du temps. En as-tu conscience ? »

Je me souvins des hommes-singes de la mine et répondis : « Pas toujours en mieux.

— En effet. Mais les hiéros ont maîtrisé leur propre évolution, ainsi que la nôtre afin que nous puissions les suivre.

— S’gneur…

— Demande. Ton procès final ne va pas tarder à commencer et il ne peut pas être juste. Toutes les réparations que nous pourrons faire, nous les ferons. Maintenant ou plus tard. »

À ces mots, mon cœur se pétrifia ; derrière moi, tous ceux qui étaient installés sur les bancs murmurèrent, et leurs voix étaient comme les branches qui soupirent dans la forêt alors que je ne savais qui ils étaient.

Quand je pus de nouveau parler, je dis : « C’est une question ridicule, S’gneur. Mais j’ai entendu autrefois deux histoires de changeurs de forme et dans l’une d’elles un ange – et je crois que vous en êtes vous-même un – s’ouvrait la poitrine et donnait le pouvoir qu’il avait de se transformer à une oie de basse-cour. L’oie l’utilisa aussitôt pour se transformer pour toujours en une oie sauvage au vol rapide. La nuit dernière la dame Aphéta m’a déclaré que je ne serais peut-être pas toujours boiteux. Est-ce que cet homme, ce Mélito, S’gneur, avait pour instruction de me raconter cette histoire ? »

Un petit sourire vint jouer aux commissures des lèvres de Tzadkiel, me rappelant ceux que m’adressait Zak. « Qui pourrait le dire ? Pas moi, en tout cas. Tu dois comprendre que lorsqu’une vérité est connue, comme tant l’ont su pendant tant de millénaires, elle se répand partout et se transforme, empruntant de multiples aspects. Mais si tu me demandes de te transmettre mes talents, je ne le peux. Si nous pouvions les distribuer à volonté, nous les donnerions à nos propres enfants. Tu les as rencontrés, et ils sont toujours emprisonnés dans la forme qui est la tienne actuellement. As-tu une autre question avant que nous procédions ?

— Oui, S’gneur. Des milliers, en fait. Mais s’il ne m’en est permis plus qu’une, pour quelles raisons êtes-vous arrivé à bord du vaisseau comme vous l’avez fait ?

— Parce que je souhaitais te connaître. Quand tu étais jeune garçon sur ton propre monde, n’as-tu jamais ployé le genou devant le Conciliateur ?

— Le jour de la Sainte-Catherine, S’gneur.

— Et croyais-tu en lui ? Y croyais-tu de tout ton être ?

— Non, S’gneur. » J’avais l’impression d’être sur le point de subir une punition pour mon impiété et aujourd’hui encore je ne sais ce qu’il en était.

— Supposons que ta foi était sincère. N’as-tu pas connu quelqu’un de ton âge dont c’était le cas ?

— Les acolytes, S’gneur. C’était du moins ce qui se disait parmi nous, les apprentis des bourreaux.

— N’auraient-ils pas souhaité l’accompagner, s’ils l’avaient pu ? Se tenir à ses côtés au moment du danger ? Ou s’occuper de lui, peut-être, s’il était tombé malade ? Je fus moi-même un tel acolyte, dans une création maintenant disparue. Dans celle-là aussi existaient un Conciliateur et un Nouveau Soleil, même si ce n’étaient pas les termes que nous utilisions.

« Mais nous devons maintenant parler de quelque chose d’autre, sans plus tarder. J’ai de nombreux devoirs, dont certains sont plus exigeants que celui-ci. Permets-moi de te dire sans ambages que nous t’avons mystifié, Sévérian. Tu es venu subir notre examen, et ainsi t’en avons-nous parlé ; nous t’avons même déclaré que ce bâtiment est notre Cour de Justice. Tout cela est faux. »

Je ne pus qu’écarquiller les yeux.

« Ou bien, si tu préfères que je te présente autrement les choses, tu as déjà subi ton épreuve, qui était un examen de l’avenir que tu créeras. Tu es le Nouveau Soleil. Tu seras renvoyé sur ton monde, Teur, et la Fontaine Blanche t’accompagnera. Les affres de l’agonie de ce monde seront offrande à l’Incréé. Et elles seront indescriptibles – des continents s’effondreront, comme il a été dit. Bien des splendeurs périront, et avec elles la plupart de ceux de ta race ; mais son foyer connaîtra une nouvelle naissance. »

S’il m’est possible, comme je le fais, de rapporter les mots qu’il a employés, je suis incapable de rendre la force et la conviction qu’il y mettait. Ses pensées semblaient rouler comme le tonnerre, soulever dans l’esprit des images plus réelles que toute réalité, si bien que tandis qu’il parlait, je voyais s’enfoncer les continents, j’entendais s’effondrer les grands bâtiments et je sentais souffler les âpres vents marins de Teur.

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