À quinze kilomètres de là, dans leur campement, Val et Walter observaient également les cieux. « De petits météores, commenta Walter.
— Et je parie qu’un de ces troglodytes superstitieux, en face, va attribuer ces feux d’artifice à Olga, se gaussa Val.
— Probablement. Ecoute ça, ça vient du chapeau de puits. Ils chantent ces vieux cantiques que nous avions captés sur le récepteur à faisceau dense.
— « C’est la dernière fois qu’ils chantent, dit Val. Demain arrivent cent vaisseaux de plus. Nous serons assez nombreux pour les défaire. »
Les bipennes, les épées et les javelots jonchaient la poussière, à travers tout le campement. L’aube trouva les troupes désarmées et épuisées par la danse rituelle. Cependant, les sentinelles étaient toujours à leur poste ; et, lorsque apparut le premier appareil ennemi, les autres se dégrisèrent aussitôt et reprirent les armes. Des archers néchiffes, vêtus de blanc, montaient à l’assaut des spirales. Les vaisseaux de Chasse sillonnaient le ciel, faisant pleuvoir les flèches.
Josephson parla au C.U., pour réclamer de l’aide.
« Vous devrez résoudre le problème au niveau local, lui fut-il répondu. Des soulèvements semblables se sont produits partout sur la planète. Cela implique un million de Broncos, à quelque chose près. Mais nous sommes plus de trois trillions, et il ne devrait y avoir aucun problème. Utilisez les commandes manuelles, mais réglez le problème localement. »
Un lourd javelot frappa l’appareil qu’il pilotait. La pointe métallique perça la coque, d’où s’échappa un fluide bleuâtre. Une lumière s’alluma hors de propos. Il quitta le champ de bataille et se posa en catastrophe.
Le Bricoleur, à la tête d’une compagnie, pénétra dans un chapeau de puits pour balayer un groupe de chasseurs. Il descendit la spirale, faisant voltiger sa bipenne. Les têtes roulaient. Ses hommes le suivaient, armés de haches ou d’épées, dévastant la base du puits et les couloirs du métro. Ils abattaient les parois et les machines. Une masse molle de cadavres emplissait le métro. Ils quittèrent le tunnel, où plus rien ne bougeait, et se rendirent dans le chapeau voisin ; ils chargèrent une unité de chasseurs, qu’ils acculèrent contre la porte du Garage. Lorsque le Bricoleur regagna enfin la surface, c’était le début de l’après-midi. Son bras droit était lourd de fatigue. Une flèche l’avait légèrement blessé au poignet gauche. Une pouliche lui fit un pansement. Il rejoignit Mu Ren et fit la sieste.
Hugh Konte le réveilla, une heure plus tard.
« Bricoleur ! Moïse et le Sage tiennent une sorte d’assemblée dans les rocailles. Nous avons abattu deux vaisseaux de chasse, et quelques autres se sont écrasés. Curedent a identifié certains des insignes. Les appareils viennent des quatre coins du continent. Il en arrive de nouveaux en ce moment. Et les troupes ne cessent d’affluer dans les galeries du métro. Je crois que nous allons devoir prendre une décision. »
Le Bricoleur prit sa hache et suivit Hugh à l’assemblée. Le Sage avait l’air déprimé. « La conjonction aurait dû se produire la nuit dernière. Et aujourd’hui nous devrions être à l’abri, dans les bras d’Olga », dit-il.
Le Bricoleur fit du regard le tour des chefs de groupe qui étaient rassemblés. La plupart étaient blessés. Il y avait parmi eux une pouliche. Dans le lointain, on entendit vrombir les engins de Chasse, qui se regroupaient.
« Il faut faire quelque chose ; et tout de suite. Si je prenais quelques Agrimaches et des soldats et que nous attaquions leur campement ? proposa le Bricoleur.
— Ça ne servirait à rien, dit Moïse. D’ici demain, ils auront près de cinq cents appareils, peut-être plus. Tes cinq ou dix Agrimaches ne feraient pas le poids. Elles seront plus utiles sur le pourtour du camp, à assurer la surveillance. »
Le Sage éleva Balle entre ses mains. « La raison pour laquelle j’ai convoqué cette assemblée, c’est… que ma boule de cristal s’est éteinte. Tout ce qu’elle demande à présent, c’est d’être conduite à leur chef. Elle ne parle plus d’Olga.
— Elle parle ? s’étonna le Bricoleur.
— Quand je pose les mains dessus, j’entends des voix. Pas dans mes oreilles… mais dans ma tête, je crois », dit le Sage.
Balle restait terne et opaque.
Le Bricoleur s’en empara. Une voix lui dit d’aller dans la fourmilière trouver le chef des Néchiffes. Il posa la sphère et les voix se turent. Bizarre.
« Elle veut que je l’emmène dans la fourmilière », dit-il en souriant.
Moïse prit la boule à son tour, n’entendit rien, et la fit passer à la ronde. Elle ne parlait qu’au Sage et au Bricoleur. Hugh se dressa et prit la parole.
« Si nous combattons sur place, ils useront notre résistance. Ils nous sont infiniment supérieurs en nombre, un million contre un. Mais nous avons une forte chance d’atteindre leur centre nerveux. S’il est situé dans l’un quelconque de ces chapeaux de puits, vous vous rendez compte de la facilité de la chose. Si Balle sait où trouver leur chef, le Bricoleur et moi-même pourrions emmener une section d’assaut et l’anéantir. Ou peut-être même le ramener ici. Le Bricoleur s’y entend avec les cerveaux-maches.
— Nous avons des chances de réussir, en effet », dit le Bricoleur.
Le Sage et le Bricoleur firent posément le tour du camp pour recruter des volontaires. Ils écartèrent de nombreux Broncos et la majorité des rescapés de Dundas. Seuls les mieux armés et les plus musclés auraient une chance de survivre à ce raid.
L’acromégalique tenait à deux mains son robuste javelot fait d’un bâton pris à un garde néchiffe et d’une large pointe de fer. Il se porta volontaire.
Le Bricoleur secoua la tête.
« Non, gentil géant ; ton arme ne servirait à rien pour le combat au corps à corps, et tes articulations t’empêcheraient de courir en cas de besoin. »
Mu Ren assistait à la scène, l’air triste, serrant Junior contre son corps au ventre proéminent. Elle avait tenté de persuader le Bricoleur de rester auprès d’elle et de leur fils. Mais elle comprenait la nécessité de frapper la fourmilière dans son centre nerveux. Des centaines de ses amis avaient péri au cours de la brève escarmouche d’aujourd’hui ; et il en serait de même chaque jour. Les forces ennemies attaquaient toujours plus nombreuses les Broncos de plus en plus faibles. Plusieurs familles avaient essayé de s’échapper en traversant l’Agrimousse, pour être prises en chasse par les vaisseaux. Elle doutait qu’aucun d’entre eux ait réussi à passer et à regagner le refuge fortifié de la montagne. Elle ne demanda pas au Bricoleur de renoncer à l’attaque. Mais elle versa quelques pleurs quand il s’en alla.
Le Sage s’adressa aux troupes d’assaut qu’ils avaient réunies : cinq escadrons armés de haches ; cinq autres de courtes lances ; et vingt d’épées, en tout quelque deux cents hommes.
« Rendez cette planète digne du retour d’Olga », dit-il avec solennité ; il tendit Balle au Bricoleur. « Délivrez-nous de la fourmilière !
« Délivrez-nous ! » psalmodia la foule rassemblée. Le Bricoleur promena son regard sur ces visages décharnés et ces corps couverts de pansements. Très peu étaient indemnes. Et, bientôt, très peu seraient en vie s’il échouait dans sa mission. Il brandit sa bipenne.
« J’ai affûté les deux tranchants de ma hache. L’un est pour les Néchiffes que je trouverai sur mon passage ; l’autre, je le réserve au cerveau-mache tyrannique qui gouverne la fourmilière. »
La foule l’acclama.
Une centaine de lanciers pleins d’ardeur s’élancèrent dans le chapeau de puits pour dégager le passage jusqu’aux couloirs du métro. Les troupes d’assaut pourraient épargner leurs forces jusqu’à ce qu’elles aient atteint le cœur de la fourmilière.
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