Ursula Le Guin - Le nom du monde est Forêt

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Le nom du monde est Forêt: краткое содержание, описание и аннотация

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Davidson, le capitaine, sait ce qu’il a à faire. La Terre manque de bois ; Athshe, la planète-forêt, en fournit autant qu’il faut. Les créâtes, ces singes verts, abattent les arbres sous les ordres de Davidson. Athshe deviendra un vrai paradis et les créâtes n’en profiteront pas.
Le seul qui les protège, c’est Lyubov, ce crétin de spé. Il a sauvé l’un deux, Selver, qui renâclait parce qu’on avait tué sa femme. Un comble ! Et maintenant Selver et quelques autres ont fui dans la forêt ; ils sont un peu moins rêveurs ; ils deviennent violents, commes les umins. Mais le pire, c’est que la Terre entre dans la Ligue des Mondes et qu’il faut arrêter le massacre. Et Selver songe à se venger en chantant. Alors là, non ! non ! NON !

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C’est un fait, le seul instant où un homme est vraiment, totalement un homme, c’est quand il vient de se faire une femme ou de tuer un autre homme. Ce n’était pas original, il l’avait lu dans quelques vieux livres ; mais c’était vrai. C’était pourquoi il se plaisait à imaginer de telles scènes. Même si les créates n’étaient pas vraiment des hommes.

La Nouvelle Java était la plus méridionale des cinq grandes terres, juste au nord de l’équateur, et donc plus chaude que Central ou Smith dont le climat était presque parfaitement tempéré. Plus chaude et bien plus humide. Pendant les saisons des pluies, des chutes d’eau incessantes recouvraient toute la Nouvelle Tahiti, mais dans les Terres du Nord c’était une sorte de douce bruine qui tombait continuellement sans jamais vous transir ni vous tremper vraiment. Ici, ça dégringolait à pleins seaux, et il y avait une tempête de mousson dans laquelle on ne pouvait même pas marcher, encore moins travailler. Seul un toit solide vous protégeait de la pluie, ou alors la forêt. Cette sacrée forêt était si épaisse qu’elle arrêtait les tempêtes. Vous étiez mouillé à cause de toutes ces feuilles qui gouttaient, bien sûr, mais en vous trouvant réellement à l’intérieur de la forêt pendant un de ces ouragans, vous remarquiez à peine que le vent soufflait ; et puis vous sortiez en terrain découvert et vlan ! étiez renversé par le vent et tout taché de cette boue rouge et liquide en quoi l’eau transformait la terre, et vous ne replongiez jamais assez vite vers les arbres ; et dans la forêt il faisait sombre, et chaud, et l’on pouvait facilement se perdre.

Et puis le chef de camp, le major Muhamed, était un rude salaud. À la N.J., tout était fait d’après le manuel : l’abattage en kilo-bandes uniquement, cette merde de plante fibreuse plantée dans les bandes déboisées, les permissions à Central étaient accordées selon une rotation strictement non préférentielle, les hallucinogènes étaient rationnés, leur utilisation en service était sanctionnée, et ainsi de suite. Néanmoins, un bon point pour Muhamed était qu’il n’appelait pas tout le temps Central par radio. La Nouvelle Java était son camp, et il le dirigeait à sa manière. Il n’appréciait pas les directives du Q.G. Il leur obéissait entièrement, et dès que les consignes étaient arrivées, il avait libéré les créates, et placé toutes les armes sous clef, à l’exception des petits pistolets à air comprimé. Mais il ne courait pas après les ordres ou les conseils. Ni de Central, ni de personne. Il était du genre puritain : il s’en tenait à la lettre. C’était son grand défaut.

Lorsqu’il faisait partie de l’état-major de Dongh, au Q.G., Davidson avait eu parfois l’occasion de voir les dossiers des officiers. Sa mémoire exceptionnelle s’accrochait à ce genre de choses, et il pouvait se souvenir, par exemple, que le QI de Muhamed était de 107. Alors que le sien atteignait 118. Il y avait une différence de onze points ; mais bien entendu, il ne pouvait pas le dire à ce vieux Mu, et comme Mu ne pouvait pas le voir, il n’y avait donc aucun moyen de lui faire entendre quoi que ce soit. Il pensait qu’il était plus capable que Davidson, point final.

En fait, ils étaient tous un peu désagréables au début. Aucun de ces hommes de la N.J. ne savait rien des atrocités du Camp Smith, sinon que le chef de camp était parti pour Central une heure avant le massacre, et qu’il en était donc l’unique rescapé humain. Exposé de cette manière, ça faisait franchement mauvais effet. On pouvait comprendre pourquoi ils le regardèrent d’abord comme une sorte de Jonas, ou pire, comme une sorte de Judas. Mais quand ils auraient appris à le connaître, ils se rendraient mieux compte. Ils finiraient par s’apercevoir que, loin d’être un déserteur ou un traître, il était tout désigné pour préserver de la trahison la colonie de la Nouvelle Tahiti. Et ils comprendraient que se débarrasser des créates allait être la seule façon de rendre ce monde suffisamment sûr pour que les Terriens puissent y vivre.

Ce n’était pas trop difficile de faire passer ce message aux bûcherons. Ils n’avaient jamais aimé les petits rats verts, car ils devaient les forcer à travailler toute la journée, et les surveiller toute la nuit ; mais maintenant, ils commençaient à se rendre compte que les créates n’étaient pas seulement répugnants mais dangereux. Quand Davidson leur dit ce qu’il avait trouvé au Camp Smith ; quand il leur expliqua comment les deux humanoïdes venus sur le vaisseau de la Flotte avaient abruti le Q.G. ; quand il leur démontra que balayer les Terriens de la Nouvelle Tahiti n’était qu’une petite part de toute la conspiration étrangère contre la Terre ; quand il leur rappela la dure réalité des statistiques, vingt-cinq centaines d’humains contre trois millions de créates – alors ils commencèrent à vraiment se masser derrière lui.

Même l’Officier de Contrôle Écologique était avec lui. Pas comme ce pauvre Kees, furieux parce que des hommes tiraient sur les cerfs rouges, et tué lui-même à bout portant par les créates sournois. Ce gars, Atranda, détestait les créates. En fait, ils le rendaient complètement dingue, il avait dû subir un géochoc ou quelque chose comme ça ; il avait tellement peur que les créates n’attaquent le camp qu’il se comportait comme une femme craignant d’être violée. Mais, de toute façon, il était utile d’avoir le spé local de son côté.

Pas la peine d’essayer de gagner le chef de camp à la cause ; sachant bien juger les hommes, Davidson avait vu presque tout de suite que cela ne servirait à rien. Muhamed était borné. Et il éprouvait aussi envers Davidson un préjugé qu’il n’abandonnerait pas ; cela devait être lié à l’affaire du Camp Smith. Il avait été jusqu’à dire à Davidson qu’il ne le considérait pas comme un officier digne de confiance.

C’était un salaud borné, mais sa façon très sévère de diriger le camp de la N.J. constituait un avantage. Il était plus facile de s’emparer d’une organisation rigide, habituée à obéir aux ordres, que d’une organisation trop souple et pleine de caractères indépendants, et il était plus facile, une fois au commandement, de la maintenir en une unité homogène pour accomplir des opérations militaires défensives ou offensives. Et il faudrait qu’il prenne le commandement. Mu était un bon chef pour un camp de déboisement, mais pas un soldat.

Davidson ne ménagea pas ses efforts pour regrouper fermement derrière lui les meilleurs bûcherons et sous-officiers. Il ne se pressa pas. Quand il eut assez d’hommes auxquels il pouvait véritablement faire confiance, une escouade de dix hommes faucha quelques articles dans la salle verrouillée par le vieux Mu, située au sous-sol du Dépôt et pleine de jouets guerriers. Puis, un dimanche, ils s’en allèrent jouer dans les bois.

Davidson avait repéré la ville créate quelques semaines auparavant, et n’avait rien dit pour réserver le festin à ses hommes. Il aurait pu le faire tout seul, mais c’était mieux ainsi. Cela renforce le sentiment de camaraderie, d’un véritable lien entre les hommes. Ils entrèrent tranquillement dans la ville, en plein jour, et ils brûlèrent tous les créates surpris au-dessus du sol en les arrosant de flambe, puis ils versèrent du kérosène sur les toits de la lapinière et rôtirent tous les autres. Ceux qui tentaient de s’échapper étaient flambés ; c’était le côté artistique de la chose, attendre devant les trous que les petits rats sortent, leur laisser penser qu’ils y étaient parvenus, et les frire en commençant par les pieds pour qu’ils se transforment en torches. Cette fourrure verte grésillait d’une façon extraordinaire.

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