Isaac Asimov - Cailloux dans le ciel

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Cailloux dans le ciel: краткое содержание, описание и аннотация

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Pour Joseph Schwartz, la chose arriva à l’instant où il avait un pied en l’air. Il se trouvait dans la ban­lieue de Chicago et s’apprêtait à enjamber une poupée de chiffon. Lorsqu’il reposa le pied, après avoir éprouvé une fugitive impression de vertige, sa chaussure s’enfonça dans l’herbe. Il était alors dans une forêt.
Ce qu’ignorait Joseph Schwartz, c’est qu’il ne s’était pas déplacé dans l’espace, mais qu’il avait effec­tué un immense bond dans le temps. Désormais, la Terre n’était plus qu’une petite planète d’intérêt stratégique secondaire dans l’im­mense empire galactique dirigé de­puis Trantor.
La présence d’un homme venu du passé ne va-t-elle pas modifier les rapports de force existant entre les Terriens et la garnison de soldats impériaux ?

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Natter gisait, recroquevillé, sur la chaussée, dans l’ombre qui s’épaississait. Schwartz s’approcha lentement de lui. Malingre comme il était, il ne fut pas difficile à Joseph de le retourner. Les affres de l’agonie marquaient profondément ses traits. Schwartz tâta la poitrine de l’homme au masque torturé : Je cœur ne battait plus.

Il se redressa, horrifié.

Il avait tué un être humain !

A l’horreur succéda une intense stupéfaction…

Il l’avait tué sans le toucher ! Uniquement en déchargeant sa haine, en frappant d’une façon ou d’une autre l’attouchement.

Quels autres pouvoirs possédait-il ?

Prenant rapidement une décision, il fouilla les poches de Natter et y trouva de l’argent. Bonne chose ! Cela pourrait toujours servir. Puis il tira le cadavre dans les champs où les hautes herbes le dissimuleraient. Il marcha encore deux heures sans percevoir le moindre contact mental. Cette nuit-là, il dormit à la belle étoile et, le lendemain matin, après deux nouvelles heures de marche, il parvint aux faubourgs de Chica.

Pour lui, ce n’était qu’un village et, par comparaison avec le Chicago qu’il se rappelait, la circulation était rare et sporadique. Cependant, et pour la première fois, les attouchements d’esprit étaient nombreux, si nombreux qu’ils le déconcertaient et l’embrouillaient.

Il y en avait des quantités ! Parfois paresseux et diffus, parfois accentués et intenses. De l’esprit de certains passants, fusaient d’infimes explosions, d’autres n’avaient rien dans le crâne, sinon, peut-être, un vague souvenir de petit déjeuner qui s’attardait.

Au début, chaque attouchement qu’il accrochait faisait sursauter et se retourner Schwartz comme si c’était un contact personnel, mais au bout d’une heure, il finit par ne plus y prêter attention. A présent, il entendait des mots, même non formulés. C’était une expérience nouvelle et il se surprit à tendre l’oreille. C’étaient des lambeaux de phrases désincarnés et mystérieux, décousus, semblables à des bouffées de vent. Et lointains, lointains… Et chargés d’émotions, de tout un grouillement de choses subtiles défiant la description, de sorte que ce conglomérat de mots était un panorama palpitant de vie qui n’était visible que pour lui.

Il constata qu’il pouvait s’introduire à l’intérieur des bâtiments qu’il longeait, y projeter son esprit comme une bête tenue en laisse capable de s’insinuer dans des recoins échappant aux regards pour en rapporter la substance même des pensées intimes des hommes.

Il fit halte devant un énorme édifice à la façade de pierre et se mit à réfléchir. On le pourchassait, encore qu’il ignorât qui était ce on. Il avait tué son suiveur, mais il y en avait forcément d’autres – ceux que sa victime voulait prévenir. Le mieux serait peut-être de ne pas bouger pendant quelques jours. Mais comment faire ? Trouver du travail ?

Il sonda l’édifice et capta un attouchement lointain qui lui apprit qu’il pourrait peut-être se faire embaucher. On cherchait des ouvriers du textile – et, autrefois, il était tailleur.

Il entra. Personne ne fit attention à lui.

— Où dois-je aller pour du travail ? demanda-t-il à quelqu’un.

— Prenez cette porte.

L’attouchement mental était grognon et méfiant.

Dans la pièce où il entra, il se trouva en présence d’un individu fluet au menton en pointe qui le bombarda de questions. Il enregistrait ses réponses en pianotant sur le clavier d’une machine de classement.

Schwartz débitait mensonges et vérités avec une égale incertitude, mais le chef du personnel qui l’assaillait du feu roulant de ses questions semblait parfaitement indifférent : « Age ? …Cinquante-deux ? Hmm. Etat de santé ?… Situation de famille ?… Expérience antérieure ? …Vous avez travaillé dans le textile ? …Quelle sorte de textiles ? …Les thermoplastes ? Les élastomères ? …Toutes les sortes ? Que voulez-vous dire ?… Quel était votre dernier employeur ?… Veuillez épeler ce nom …Vous n’êtes pas de Chica, n’est-ce pas ? …Où sont vos papiers ? …Il faudra les apporter si vous voulez qu’on vous engage …Quel est votre matricule ? »

Schwartz fit machine arrière. Il n’avait pas prévu que l’interrogatoire prendrait cette tournure. Et l’attouchement de son interlocuteur changeait. Il était maintenant chargé d’une méfiance quasiment obsessionnelle. Et de circonspection. Le vernis d’amabilité et de cordialité recouvrant l’animosité sous-jacente était si mince que c’était le détail le plus inquiétant de tous.

— Je ne pense pas que je ferai l’affaire, dit nerveusement Schwartz.

— Mais si, mais si… Ne vous en allez pas. Nous avons quelque chose pour vous. Laissez-moi seulement consulter les archives.

Il souriait, mais l’attouchement était plus clair et encore plus hostile.

L’homme avait appuyé sur un bouton de sonnette… Soudain pris de panique, Schwartz se rua vers la porte.

— Arrêtez-le ! cria aussitôt l’autre en se précipitant à ses trousses.

L’esprit de Schwartz cingla violemment l’attouchement. Le tailleur jeta un rapide coup d’œil derrière lui en entendant un râle : le chef du personnel, assis par terre, le visage tordu de douleur, se tenait les tempes. Quelqu’un se pencha sur lui, puis se redressa d’un mouvement brusque et se dirigea vers Schwartz qui ne demanda pas son reste.

Il se retrouva dans la rue. Il était sûr et certain qu’un mandat d’arrestation allait être lancé contre lui, que son signalement serait publié et que le chef du personnel, au moins, l’avait reconnu.

Il fuyait à l’aveuglette et attirait l’attention. De plus en plus. Il y avait davantage de monde dans les rues, à présent, et il sentait partout la suspicion – parce qu’il courait, parce que ses vêtements étaient fripés et lui allaient mal…

La multiplicité des contacts mentaux et la confusion qui régnait dans ses pensées, engendrée par la peur et le désespoir, étaient telles qu’il était incapable de détecter ses véritables ennemis, ceux qui n’étaient pas simplement soupçonneux mais savaient à quoi s’en tenir. Aussi la matraque neuronique qui le frappa le prit-elle totalement par surprise.

Il éprouva seulement une douleur atroce qui le cingla comme une mèche de fouet, comme une avalanche de rochers broyés. Il glissa pendant quelques secondes dans l’abîme de la souffrance puis sombra dans la nuit.

13. L’ARAIGNÉE TISSE SA TOILE

L’atmosphère qui baigne le domaine du Collège des Anciens, à Washenn, est calme, c’est le moins qu’on puisse en dire. Le maître mot, en ces lieux, est austérité, et une profonde gravité émane des petits groupes de novices qui font leur promenade vespérale sous les arbres du Tétragone que nul ne peut franchir hormis les Anciens. De temps en temps, on aperçoit un supérieur en robe verte qui traverse la pelouse, répondant aimablement aux révérences.

On peut aussi, mais la chose est rarissime, assister au passage du haut ministre.

Mais jamais on ne le voit, comme c’était à présent le cas, arriver presque au pas de course, en sueur, aveugle aux mains qui se tendaient respectueusement, indifférent aux regards prudents qui le suivaient, aux coups d’œil déconcertés qu’échangeaient les témoins, à leurs sourcils qui se haussaient.

Il s’engouffra par l’entrée privée de la Chambre législative, et dégringola l’hémicycle désert. La porte sur laquelle il tambourina s’ouvrit quand celui qui se trouvait de l’autre côté actionna la pédale de commande et le haut ministre entra.

Ce fut à peine si son secrétaire, assis derrière un modeste petit bureau, leva la tête. Penché sur un téléviseur miniature à protection de champ, il écoutait d’un air absorbé tout en promenant le regard sur la pile de messages d’allure officielle qui s’amoncelaient devant lui.

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