Robert Silverberg - Ciel brûlant de minuit

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Ciel brûlant de minuit: краткое содержание, описание и аннотация

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XXIVe siècle. Effet de serre. Plus de couche d'ozone. La Terre a basculé dans les bouleversements climatiques, et le ciel brûlant de minuit ne laisse jamais filtrer la moindre fraîcheur.Tandis que Paul Carpenter remorque un iceberg monstrueux afin d'alimenter Los Angeles en eau potable, Nick Rhodes, biologiste, cherche à adapter l'humanité à une atmosphère pauvre en oxygène, pour le compte d'un conglomérat japonais. Isabelle cherche l'amour, et Jolanda le dépassement de l'art.Ils sont tous pris au piège de ce monde dégradé, de leurs vies bancales et de leurs amours furtives, aussi déboussolés que la Terre brûlante qui les porte.Et tous, ils cherchent la sortie.Dans les étoiles…
Robert Silverberg, consacré par quatre prix Hugo et cinq prix Nebula, dresse ici le tableau d'un avenir plausible, terrifiant et fascinant.

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Il y avait autre chose que Farkas ne paraissait pas être non plus : aveugle. S’il n’avait pas d’yeux, cela ne semblait aucunement nuire à sa perception de l’espace environnant. En sortant de l’enceinte des douanes, il se retourna et indiqua le portrait géant d’El Supremo.

— Qui est-ce ? demanda-t-il. Votre président ?

— Le Défenseur, c’est son titre. Le Generalissimo. El Supremo, don Eduardo Callaghan.

Juanito se rendit soudain compte de la situation.

— Excusez-moi, monsieur Farkas, fit-il, les yeux écarquillés. Vous voyez ce portrait ?

— D’une certaine manière.

— Je ne vous suis pas. Le voyez-vous, oui ou non ?

— Oui et non.

— Merci beaucoup, monsieur Farkas.

— Nous en reparlerons une autre fois.

Juanito logeait toujours les nouveaux dinkos dans le même hôtel, le San Bernardito, à quatre kilomètres du moyeu, dans la commune périphérique de Cajamarca.

— Suivez-moi, dit-il à Farkas. Nous allons prendre l’élévateur du Rayon C.

Farkas ne semblait avoir aucune difficulté à le suivre. Quand Juanito jetait de loin en loin un coup d’œil par-dessus son épaule, il voyait à trois ou quatre pas derrière lui le grand dinko qui suivait le couloir d’un pas régulier. Il n’a pas d’yeux, se disait Juanito, mais il voit quand même. C’est sûr, il voit.

D’un bout à l’autre des quatre kilomètres du trajet en élévateur le long du Rayon C jusqu’à la périphérie, la vue était spectaculaire. L’élévateur était une grande cabine aux parois vitrées, qui se déplaçait à l’intérieur d’un tube placé à l’extérieur du rayon et offrait à la vue un panorama extraordinaire : la gigantesque machinerie aux engrenages complexes constituant la planète artificielle en orbite terrestre qui portait le nom de Valparaiso Nuevo, les sept gigantesques rayons reliant le moyeu à la périphérie lointaine et portant chacun sept globes de verre et d’aluminium renfermant les zones résidentielles, les secteurs d’affaires, les terres cultivées, les espaces de loisirs et les réserves forestières. À mesure que l’élévateur descendait – la pesanteur augmentant pour atteindre celle de la Terre dans les cités périphériques –, on découvrait le reflet brillant du soleil sur les rayons adjacents, on entrevoyait le gros globe bleu de la Terre emplissant le ciel, à cent cinquante mille kilomètres, et les scintillements plus proches de la multitude de stations orbitales habitées, comme un banc de méduses flottant dans l’immensité d’un océan de ténèbres. C’est ce que disaient tous ceux qui arrivaient de la Terre : « Comme des méduses dans l’océan. » Juanito ne comprenait pas comment une station orbitale avec ses sept rayons pouvait ressembler à un poisson quelconque, mais ils disaient tous la même chose.

Farkas ne fit pas allusion aux méduses, mais, d’une manière ou d’une autre, rien ne semblait véritablement lui échapper de ce qui se présentait à la vue. Debout devant la paroi vitrée de l’élévateur, plongé dans une profonde concentration, il agrippait la rambarde sans ouvrir la bouche. De loin en loin, quand quelque chose de particulièrement impressionnant leur apparaissait, il émettait un léger sifflement. Juanito l’observait du coin de l’œil. Que pouvait-il bien voir ? Rien ne semblait se mouvoir derrière les renfoncements plus sombres où auraient dû se trouver les yeux. Et pourtant, sous la large et lisse surface de peau luisante surmontant son nez, quelque chose lui permettait de voir.

C’était bougrement déconcertant. C’était carrément bizarre.

Le San Bernardito donna à Farkas une chambre sur l’extérieur, avec vue sur les étoiles. Juanito payait les employés pour que ses clients soient bien traités. C’est ce que son père lui avait enseigné quand il n’était encore qu’un gamin, trop jeune pour distinguer un bas de soie d’un bas de laine. « Paie pour ce dont tu auras besoin, lui répétait son père. Achète-le et tu auras au moins une chance de pouvoir en disposer le moment venu. » Son père avait été un révolutionnaire en Amérique centrale, au temps de l’Empire. Il serait devenu Premier ministre si la révolution avait réussi. Mais elle avait échoué.

— Voulez-vous que je vous aide à défaire vos bagages ? demanda Juanito.

— Je me débrouillerai.

— D’accord.

Il se planta devant la fenêtre, la tête levée vers le ciel. Comme toutes les autres stations orbitales, Valparaiso Nuevo était protégée des dégâts des rayons cosmiques et des météorites par un double bouclier renfermant une couche de scories lunaires de trois mètres d’épaisseur. Des rangées d’ouvertures en V couraient le long du bouclier ; leur surface réfléchissante laissait passer la lumière du soleil mais pas les radiations nocives. L’hôtel avait disposé ses chambres de telle sorte que chacune de celles qui donnaient de ce côté avait une vue sur l’espace à travers les ouvertures en V. Toute la cité de Cajamarca était à ce moment orientée vers les ténèbres où les étoiles brillaient avec un vif éclat.

Quand Juanito se retourna, il vit que Farkas avait soigneusement suspendu ses vêtements dans la penderie et qu’il se rasait – méthodiquement, avec application – à l’aide d’un petit laser à main.

— Je peux vous poser une question personnelle ? demanda-t-il.

— Tu veux savoir comment je vois.

— Je dois avouer que je n’en reviens pas.

— Je ne vois pas. Pas comme tout le monde. Je suis aussi aveugle que tu l’imagines.

— Mais, alors…

— C’est ce qu’on appelle la vision aveugle, poursuivit Farkas. La vision proprioceptive.

Hein ?

— Il y a toutes sortes de choses en mouvement qui n’ont pas la forme de la lumière réfléchie, c’est-à-dire de ce que les yeux voient, expliqua Farkas avec un petit rire. Il y a dans cette pièce une multitude de vibrations autres que celles qui se trouvent à l’intérieur de la partie visible du spectre électromagnétique. Les courants d’air contournent les obstacles et sont déformés par ce qu’ils rencontrent. Et il n’y a pas que les courants d’air. Les objets ont une masse et une chaleur propres : ils ont une particularité liée à l’interaction entre la masse et la forme, Comprends-tu de quoi je parle ? Je suppose que non… Mais, pour moi, c’est très clair. Et pour détecter les images à deux dimensions, j’ai une autre technique. Tu sais, à côté de ce que l’on peut voir avec les yeux, il y a des tas d’informations disponibles pour celui qui en a besoin. Et j’en ai besoin.

— Vous utilisez une sorte de machine pour les capter ? demanda Juanito.

— Tout est là-dedans, répondit Farkas en se tapotant le front. Je suis né avec.

— Une sorte d’organe sensoriel à la place des yeux ?

— Tu n’es pas loin de la vérité.

— Mais alors, que voyez-vous ? À quoi les choses ressemblent-elles pour vous ?

— Et pour toi ? rétorqua Farkas. À quoi ressemble une chaise pour toi ?

— Eh bien, elle a quatre pieds, un dossier…

— À quoi ressemble un pied ?

— C’est plus long que large.

— Exact.

Farkas s’agenouilla et fit courir ses mains le long des pieds tubulaires de l’affreuse petite chaise noire placée près du lit.

— Je touche cette chaise, reprit-il. Je sens la forme de ses pieds, mais je ne vois pas des formes de pied.

— Qu’est-ce que vous voyez ?

— Des globes d’argent qui ondulent en larges courbes. Le dos du siège se plie en deux et se rabat sur lui-même. Le lit est une flaque brillante de mercure d’où sortent de longues pointes vertes. Toi, tu es six sphères bleues posées les unes sur les autres et reliées par un gros câble orange. Et ainsi de suite.

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