1959
Les Trois Baudets, avec Gainsbourg en première partie (mars) ; quatrième 25 cm ( La Valse à mille temps …) avec François Rauber désormais seul à la direction d’orchestre (novembre) ; Bobino (du 5 au 16 novembre) pour la première fois en vedette dans une grande salle parisienne (création de Ne me quitte pas ), puis Ancienne Belgique de Bruxelles (le 20) avec Aznavour. « On est environné de mots qui sont tout à fait bêtes. Est-ce que vous connaissez un mot plus idiot que le mot vedette ? Il y a star… Star, c’est encore plus bête. »
1960
Prix de l’Académie du disque. Signe un contrat d’agent artistique avec Charley Marouani (« Mon dernier service aura sans doute été de confier la suite de sa carrière au plus doux et plus patient des Marouani : Charley », écrira Canetti dans son livre On cherche jeune homme aimant la musique ). Tournées incessantes (deux cent cinquante à trois cents concerts par an en moyenne) : Ancienne Belgique (19 au 24 mars), puis tournée Canetti d’été avec Jean Corti, désormais à l’accordéon ; Le Caire, Jérusalem, Tel-Aviv (octobre)… « Un spectacle, je ne sais pas ce que c’est. Cela ne veut rien dire. C’est une fonction, un spectacle. On fait un spectacle comme on est savetier. C’est la manière d’être savetier qui compte. Je connais plein de types qui ne sont pas dans le spectacle et qui, pourtant, sont bourrés de talent : ils ont du talent dans leur fonction. »
1961
Bobino, avec Colette Deréal en première partie (du 12 au 25 janvier). Programmé à la Comédie-Canadienne de Montréal, avec Raymond Devos (du 3 au 19 mars), il termine ses nuits Chez Clairette, la boîte à chansons de Claire Oddera qui deviendra une grande amie ; découvre l’avion de tourisme, invité par un ami à survoler la région. Sa liaison avec Suzanne Gabriello ayant pris fin, sa nouvelle « deuxième femme », ex-compagne de Serge Gainsbourg, s’appelle Sylvie. « On dit toujours que je suis misogyne. Mais je crois que les femmes ont une part de responsabilité. Elles apprennent trop la prudence aux hommes. Trop de “Ne dis rien, pense à l’avenir !” Comme si on pouvait penser à l’avenir ! On n’est que le présent ! »
Album n° 5 ( Marieke… ) ; « Discorama » (2 juin) ; enregistre quatre chansons en flamand pour le marché néerlandophone. Achète une petite maison à Roquebrune et s’initie aux rudiments de la voile : « Je n’ai pas de projets. Je n’ai que des rêves… » Chante à Moscou (11 septembre), au Proche-Orient, en Turquie, au Portugal, au Danemark… ; premier Olympia en vedette avec le grand orchestre dirigé par François Rauber (du 12 au 29 octobre) ; sixième 25 cm huit titres dont six enregistrés à l’Olympia (novembre). « Je trouve qu’il faut un singulier manque de pudeur pour se présenter devant une scène et chanter. Un manque de pudeur que j’ai essayé de rendre tolérable pour les gens. C’est de l’exhibitionnisme et rien de plus. Quand j’arrive devant les gens, il faut que je sois le plus parfait possible. Et c’est pour ça que j’ai travaillé 325 jours par an. Et même plus que ça, d’ailleurs. »
1962
Signe chez Barclay le 7 mars et premier 33 tours 30 cm avec Les Bourgeois … « Les bourgeois, c’est tout ce qui tue le rêve. C’est la sécurité. C’est une forme de médiocrité de l’âme. C’est tout ce que je n’aime pas. » Philips sort alors un 30 cm du récital intégral de l’Olympia (mars). Écrit les trois histoires de Jean de Bruges pour l’examen de composition de François Rauber au Conservatoire de Paris (27 juin). Fin novembre, il crée avec Miche sa propre maison d’édition, Pouchenel (Polichinelle, en bruxellois). Nouveau passage à « Discorama » (9 décembre). Avec 327 spectacles dans l’année, il devient recordman de la profession. « Je ne connais pas ce mot-là. Je ne veux pas savoir ce qu’il veut dire. Ma profession, c’est ma vie. »
1963
Nouveau 25 cm ( Les Bigotes …) ; deuxième Olympia en vedette, avec Robert Nyel et Isabelle Aubret en première partie (du 1 erau 9 mars), puis Bobino (du 4 au 22 avril). Enregistre Jean de Bruges et Il neige sur Liège (30 mai) pour un 25 cm hors commerce, puis Pourquoi faut-il que les hommes s’ennuient ? (été) pour le film Un roi sans divertissement . En mai, il offre les droits à vie de La Fanette à Isabelle Aubret, victime d’un grave accident. Tournées : Portugal, Danemark, Turquie, Israël, URSS… et Canada (chez Clairette, à Montréal, il rencontre Henri Tachan qu’il incite à rentrer à Paris). Récital au casino de Knokke-le-Zoute (23 juillet) ; Festival mondial des jeunes pour la paix, à Helsinki (août). Achète son premier voilier, l’ Albena (en copropriété avec un ami de Menton, Max), à bord duquel il se fracture le pied (13 octobre). Immobilisé trois semaines, il travaille aux chansons de son prochain album : Mathilde, Le Tango funèbre, Jef, Les Bonbons, Le Dernier Repas … « Je crois qu’il faut faire les choses de tout son cœur et c’est tout. […] Je suis une aspirine, c’est la seule solution décente que je me sois trouvée. »
1964
Décès de son père Romain (8 janvier), puis de sa mère Lisette (7 mars). « Ma mère aimait aimer. Mais elle n’aimait pas tellement qu’on l’aime, ça ne lui faisait pas grand-chose… Ou, en tout cas, elle le dissimulait… admirablement… Je ne saurai jamais. » Chante un mois à Montréal, à la Comédie-Canadienne (février-mars). Nouvel album 25 cm ( Mathilde …). Décide d’apprendre à piloter (brevets du 1 eret 2 edegrés, avec Paul Lepanse pour instructeur) et s’achète un premier avion, un monomoteur Gardan d’occasion (octobre). S’installe à l’Olympia, où il crée Amsterdam (du 16 octobre au 19 novembre). « Les gens qui vibrent sur scène sont des gens qui vibrent dans la vie. Le public ne s’y trompe pas. Quand un chanteur arrive sur scène et qu’il s’aime, lui, les gens le sentent immédiatement. Moi, j’ai envie d’aimer et je crois que je crèverai en aimant. » Album 25 cm Olympia 64 , prix de l’Académie du disque français ; un premier livre lui est consacré par Jean Clouzet (Seghers).
1965
Fête ses douze ans de chanson à l’Échelle de Jacob, chez Suzy Lebrun (du 21 au 30 janvier) ; nouveau 45 tours quatre titres en flamand ; reçoit les Bravos du music-hall (palmarès annuel de l’artiste le plus populaire, dressé par la revue Music-Hall de Pierre Barlatier). Participe à une manifestation antinucléaire à Bruxelles (28 mars), où il chante Les Bourgeois , repris en chœur par la foule. Tournées incessantes : Pays-Bas, Arménie, URSS (cinq semaines, dont Moscou du 21 octobre — où il doit bisser Amsterdam — au 26 octobre), Canada (Comédie-Canadienne, avec Claire Oddera en première partie)… puis triomphe au Carnegie Hall de New York (4 décembre). « Optimiste ? Non. Je suis parfaitement désespéré et très heureux. »
1966
Dernier 25 cm ( Ces gens-là …) ; tournée dans l’océan Indien (Djibouti, Madagascar, Réunion et Maurice du 21 avril au 3 mai), puis en France où, le 21 août au casino de Vittel, il annonce à ses musiciens qu’il a décidé d’arrêter la scène (en fait, la décision est prise depuis un concert à Laon, au début de l’été, où il a doublé machinalement un couplet des Vieux : « J’arrête », dit-il alors à Jojo). Dernier Olympia (du 6 octobre au 1 er novembre), avec Michel Delpech en vedette américaine ; le dernier soir, longuement ovationné, il revient saluer sept fois, et une fois encore en peignoir : « Je vous remercie, parce que ça justifie… parce que ça justifie quinze années d’amour… » Le 10, il enregistre dans l’après-midi le « Palmarès des chansons » de Guy Lux (dix chansons en direct, dont Ne me quitte pas ) et chante le même soir à la Mutualité pour le gala annuel du Monde libertaire ; Palais des Beaux-Arts de Bruxelles (15 novembre), Royal Albert Hall de Londres, tournée au Maroc… Passe Noël en famille à Bruxelles (il vit alors à Paris, XIV e, dans le même immeuble que Brassens).
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