L'officier de garde au poste, une femme, avait cependant suivi les événements à Nykvarn dans la matinée et avait compris qu'il y avait un certain rapport avec cette Lisbeth Salander qu'on recherchait partout. Nils Bjurman étant lié à cette enquête, elle en tira ses conclusions. Elle prit trois mesures. Elle détacha le seul véhicule d'intervention disponible à Strängnäs en cette journée chargée pour l'expédier de toute urgence à Stallarholmen. Elle appela ses collègues de Södertälje et leur demanda de l'assistance. La police de Södertälje n'était pas moins submergée de travail, puisqu'une grande partie de ses ressources avait été concentrée sur des fouilles autour d'un entrepôt qui avait brûlé au sud de Nykvarn, mais le lien éventuel entre Nykvarn et Stallarholmen amena l'officier de garde à Södertälje à détacher deux voitures pour qu'elles filent immédiatement à Stallarholmen en renfort du véhicule d'intervention de Strängnäs. Finalement, la femme de garde au poste de Strängnäs prit son téléphone pour appeler l'inspecteur Jan Bublanski à Stockholm. Elle le joignit sur son portable.
Bublanski se trouvait à Milton Security pour une discussion accablante avec son PDG Dragan Armanskij et les deux collaborateurs Fräklund et Bohman. Leur collaborateur Niklas Eriksson brillait par son absence.
La réaction de Bublanski fut d'ordonner à Curt Bolinder de se rendre de toute urgence à la maison de campagne de Bjurman. Il devait emmener Hans Faste, au cas où on pouvait mettre la main sur lui. Après un moment de réflexion, Bublanski appela aussi Jerker Holmberg, qui se trouvait encore au sud de Nykvarn, ce qui faisait une distance plus courte à parcourir. Holmberg avait des nouvelles à lui communiquer.
— J'étais sur le point de t'appeler. On vient d'identifier le corps dans le trou.
— Ce n'est pas possible. Pas aussi vite.
— Tout baigne, quand les macchabées sont assez sympas pour avoir leur portefeuille sur eux, avec leur carte d'identité plastifiée.
— D'accord. C'est qui ?
— Il est connu chez nous. Kenneth Gustafsson, quarante-quatre ans et domicilié à Eskilstuna. On l'appelait le Vagabond. Ça t'évoque quelque chose ?
— Tu parles. Evidemment. Alors comme ça, le Vagabond était enterré à Nykvarn. Je ne l'ai pas surveillé de près, ce voyou-là, mais il me semble qu'il opérait pas mal dans les années 1990, il est de la faune des trafiquants, des petits voleurs et des tox.
— C'est lui. En tout cas, c'est sa carte d'identité dans le portefeuille. Les légistes se chargent de l'identification définitive. Ils vont s'amuser, pour le recoller. Le mec est en pièces détachées, au moins cinq ou six morceaux.
— Hmm. Paolo Roberto a raconté que le blondinet avec qui il s'est battu avait menacé Miriam Wu avec une tronçonneuse.
— Le découpage a très bien pu être fait à la tronçonneuse, je n'ai pas regardé de trop près. On vient de commencer les fouilles de l'autre emplacement. Ils sont en train de monter la tente.
— C'est bien. Jerker, je sais que tu as eu une longue journée, mais est-ce que tu peux t'arrêter dans la soirée ?
— Oui. D'accord. Je commence par faire un tour à Stallarholmen.
Bublanski raccrocha et se frotta les yeux.
LE DÉTACHEMENT DE STRÄNGNÄS arriva à la maison de campagne de Bjurman à 15 h 44. Au chemin d'accès, ils entrèrent littéralement en collision avec un homme qui tentait de quitter les lieux sur une Harley Davidson instable qu'il alla incruster dans l'avant du fourgon de la police. Le choc ne fut pas très violent. Les policiers descendirent du fourgon et identifièrent Benny Nieminen, trente-sept ans, un assassin connu du milieu des années 1990. Nieminen n'avait pas l'air d'avoir la forme, et on lui passa les menottes. Quand les policiers les refermèrent sur ses poignets, ils découvrirent assez étonnés que le dos de son blouson de cuir était abîmé. Il manquait un carré d'environ vingt centimètres sur vingt en plein milieu. L'impression était assez curieuse. Benny Nieminen ne voulut pas commenter la chose.
Puis ils parcoururent les deux cents mètres environ jusqu'à la maison. Ils y trouvèrent un ancien docker du nom d'Öberg en train de faire un bandage de soutien au pied d'un Carl-Magnus Lundin, trente-six ans et patron de la bande de voyous pas tout à fait inconnue du MC Svavelsjö.
Le commandant du fourgon d'intervention était l'inspecteur de police Nils-Henrik Johansson. Il descendit, ajusta son ceinturon et contempla le triste personnage par terre. Il laissa tomber la réplique de police classique.
— Qu'est-ce qu'il se passe ici ?
Le docker à la retraite interrompit ses soins au pied de Magge Lundin et jeta un bref regard sur Johansson.
— C'est moi qui vous ai appelé.
— Vous avez signalé des coups de feu.
— J'ai signalé que j'ai entendu un coup de feu et que je suis allé vérifier et que j'ai trouvé ces types. Ce gars-là s'est ramassé une balle dans le pied et une bonne raclée. Je crois qu'il a besoin d'une ambulance.
Öberg tourna les yeux vers le fourgon d'intervention.
— Tiens, vous avez chopé l'autre canaille. Il était hors jeu quand je suis arrivé, mais il ne semblait pas blessé. Il a récupéré au bout d'un moment, et il ne voulait pas rester.
JERKER HOLMBERG ARRIVA avec les policiers de Södertälje au moment où l'ambulance quittait le lieu. Le détachement de Strängnäs lui fit un bref résumé de ses observations. Ni Lundin ni Nieminen n'avaient voulu expliquer la raison de leur présence sur les lieux. Lundin n'était d'ailleurs pas en état de parler.
— Donc, deux motards en combi de cuir, une Harley Davidson, une blessure par balle et pas d'arme. Ai-je bien tout compris ? demanda Holmberg.
Le commandant Johansson hocha la tête. Holmberg réfléchit un instant.
— On peut supposer qu'ils ne sont pas venus ici à deux sur une moto.
— Je crois que c'est considéré comme peu viril dans leurs cercles de n'être que passager, dit Johansson.
— Dans ce cas, il manque une moto. De même que l'arme manque aussi, on peut en tirer la conclusion qu'un troisième larron a déjà quitté les lieux.
— Ça me semble plausible.
— Ce qui nous crée un problème logique. Si ces deux messieurs de Svavelsjö sont arrivés chacun sur sa moto, il manque aussi le véhicule qu'aurait utilisé le troisième individu. Il n'a tout de même pas pu partir avec son propre véhicule et sur une moto en même temps. Et ça fait assez long de venir à pied de la route de Strängnäs.
— A moins que le troisième individu n'ait habité dans la maison.
— Hmm, fit Jerker Holmberg. Cette maison appartenait à feu maître Bjurman qui définitivement n'y habite plus.
— Il peut aussi y avoir eu un quatrième individu qui serait parti en voiture.
— Mais alors pourquoi ne pas partir ensemble dans ce cas ? J'ai le sentiment que cette histoire ne se résume pas au vol d'une Harley Davidson, même si elles sont très convoitées.
Il réfléchit un moment et demanda ensuite au détachement d'envoyer deux agents à la recherche d'un véhicule abandonné sur une piste forestière quelque part dans les parages et aussi pour frapper aux portes des maisons proches et demander si quelqu'un aurait vu quelque chose d'inhabituel.
— A cette époque de l'année, il n'y a pas beaucoup de gens qui habitent dans le coin, dit le commandant du détachement, mais il promit de faire de son mieux.
Ensuite Holmberg ouvrit la porte de la maison qui n'avait pas été refermée à clé. Il trouva immédiatement les classeurs restés sur la table de la cuisine, contenant l'enquête de Bjurman sur Lisbeth Salander. Il s'assit et se mit à feuilleter avec stupéfaction.
JERKER HOLMBERG AVAIT DE LA CHANCE. trente minutes seulement après qu'avait commencé l'opération porte-à-porte parmi les maisonnettes très peu habitées, on tomba sur Anna Viktoria Hansson, soixante-douze ans, qui avait passé cette journée printanière à nettoyer un jardin à la bifurcation pour le village de vacances. Mais oui, elle avait de bons yeux. Mais oui, elle avait vu une fille de petite taille avec une veste sombre passer à pied vers midi à peu près. Vers 15 heures, deux hommes sur des motos étaient passés. Ils faisaient un de ces boucans. Et peu après la fille était repassée en sens inverse sur l'une des motos. Ensuite les voitures de police étaient arrivées.
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