Gérard De Villiers - Dossier Kennedy

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Dossier Kennedy: краткое содержание, описание и аннотация

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— Je serai là dans dix minutes, annonça-t-il laconiquement. L’homme de garde donna encore plusieurs coups de fil. La réunion extraordinaire était fixée à minuit trente. Il y eut une brève discussion pour savoir s’il fallait réveiller le Président ou non. Finalement on décida que ce n’était pas absolument nécessaire, les gens prévus ayant tous pouvoirs pour décider des mesures à prendre.

Ils arrivèrent les uns après les autres, à l’heure dite. David Wise était encore en smoking. Il sortait d’une réception à l’Ambassade du Pakistan.

Immédiatement les cinq hommes se mirent au travail. La réunion fut très brève, ponctuée de coups de téléphone à différents services officiels. La machine de recherches était déjà en route et fonctionnait sans à-coups, mue par toute la puissance de la N.S.A., du F.B.I. et de la C.I.A.

Il y eut une discussion rapide sur les moyens à employer, si on envisageait la pire des solutions. Tous furent d’accord pour confier l’affaire à des éléments sûrs, bien entendu, mais dont l’élimination éventuelle ne poserait pas trop de cas de conscience.

L’affaire ne devait pas laisser de traces. Elle ne devait jamais avoir existé.

David Wise partit le premier. Il monta dans une Oldsmobile noire conduite par un chauffeur et se fit conduire à son bureau secret proche du Lincoln Mémorial. De ses fenêtres, il voyait la pièce d’eau de la Maison Blanche. Il n’y avait aucune plaque sur la porte. Pourtant, c’était l’un des centres nerveux de la Division des Plans. Attenante au bureau de David Wise, il y avait une grande pièce insonorisée avec une vingtaine de télé-types codés, reliés aux principaux centres de la C.I.A. dans le monde.

Après avoir téléphoné, David Liebeler rangea la pièce, ôta la literie du canapé, referma le coffre-fort, ouvrit une fenêtre. C’était la seule éclairée dans son immeuble cossu, à cette heure indue. La tête enveloppée d’une serviette, il s’assit à son bureau dans la pièce voisine et se mit à griffonner sur son buvard.

Le téléphone sonna une demi-heure plus tard. C’était David Wise, la voix impassible et précise.

— Nous avons retrouvé Jerry, annonça-t-il. Dans le sous-sol de votre immeuble. Tué de trois balles. Meurtre de professionnel. Ça va beaucoup plus loin que vous ne le pensiez.

— Je ne peux plus vous être d’aucune utilité ? interrogea David faiblement.

— Non. Ne dites rien à personne, et c’est tout. Il avait raccroché.

David Liebeler resta un moment abattu. Puis il sortit son stylo et se mit à écrire. Une longue lettre qu’il cacheta et posa bien en évidence sur la photo de sa femme.

Wise avait raison. Il ne pouvait plus servir à rien. Ce qu’il avait fait était trop grave. Il ouvrit le tiroir de gauche de son bureau et y prit le beau pistolet nickelé qu’il avait rapporté de son voyage au Mexique, l’hiver précédent. Une réplique exacte du Colt 45. Après avoir un peu hésité, il se tira une balle dans la bouche, en orientant le canon vers le haut. Il n’entendit même pas la détonation et tomba en arrière, la moitié du crâne arrachée.

3

Serge Goldman salivait comme le chien de Pavlof en contemplant Marisa Platner. Les filles pas trop tartes et vraiment compréhensives étaient plutôt rares dans le métier. Surtout qu’il n’avait pas des masses à offrir le père Goldman : 92 kilos de graisse jaunâtre dans des costumes de Playboy d’occasion, quelques petites verrues réparties harmonieusement sur sa face de méduse et un crâne en pain de sucre. Ça, surtout, lui donnait des complexes. Un jour, dans un bar, un type l’avait pris au collet et secoué parce qu’il lorgnait les jambes de sa petite amie. Il avait jeté d’un air dégoûté :

— Quand on te remue, ça fait un bruit d’évier dans ton crâne. Depuis Serge Goldman évitait les mouvements brusques.

Avec Marisa Platner, tout avait marché comme sur des roulettes. Il l’avait levée chez P.J. Clarks, un restaurant-bar irlandais de la Troisième Avenue où on trouvait un tas de cover-girls plus ou moins affamées. Pour 2 dollars 75, le prix d’un London broil {Sorte de rosbif.} Serge s’était fait une amie. En dépit de son vison blanc acheté à crédit, Marisa était fauchée comme les blés. Elle arrivait de Chicago où elle était strip-teaseuse. A New York, elle voulait chanter ou jouer la comédie.

— Je peux vous aider très fortement, avait susurré Goldman dans un américain approximatif. Justement, je monte un film…

C’était presque vrai. Le lendemain, elle était à son bureau à six heures, après le départ de la secrétaire. Rougissante comme une première communiante dans une robe qui lui couvrait quand même le ventre et le tiers des seins.

Elle avait posé sur son bureau un petit sac du soir, entrouvert. La coquine mousseline noire d’un slip de femme en dépassait. Marisa, qui n’était pourtant pas une intellectuelle, avait sûrement lu Comment se faire des amis, par Dale Carnegie.

Commencée sous des auspices aussi riants, la conversation ne pouvait qu’être profitable au septième art.

Mais Serge Goldman – contrairement à son habitude – n’avait pas été rassasié par cette brève étreinte sur le coin d’un bureau. Pour Marisa, il avait conçu des projets gigantesques de luxure et de générosité : il allait l’emmener en week-end aux Iles Vierges, pas moins ! Il avait des places en solde parce que ce n’était plus tout à fait la saison sèche, mais quand même.

Il voulait lui faire la surprise et lui avait seulement dit de prendre son passeport. Son studio tranquille de la 52 erue se prêtait parfaitement à un embarquement pour Cythère.

Cette fois, Marisa était arrivée dans une robe verte, qui s’arrêtait pratiquement à la taille. Elle avait le tort de découvrir un peu trop des jambes de coureur cycliste, mais Serge Goldman ne voulait voir que le visage angélique encadré de cheveux blonds. Il lui tripotait les cuisses sans s’être attiré la moindre remarque, quand il parla du week-end. Elle gloussa et se serra contre lui. Ce qui le remplit de mauvaises pensées. Après tout ce n’était peut-être pas indispensable d’aller si loin pour passer un week-end agréable. Serge, congestionné, avait mis l’électrophone en marche et retiré sa veste. Marisa pouffa :

— Pourquoi que vous avez deux montres ? Il prit son air le plus sérieux.

— Dans mon métier, c’est indispensable. Celle de droite m’indique toujours l’heure d’Hollywood ; et celle de gauche est à l’heure de l’endroit où je suis. Comme ça, je sais toujours quand téléphoner sans déranger les gens importants avec qui je traite.

Elle en était restée muette d’admiration. Il en profita pour lui coller un verre plein à ras bord de whisky dans les mains. Dix minutes plus tard, le divan offrait un spectacle à pousser au suicide une dame patronnesse. Serge en avait profité pour dire :

— Si vous voulez faire carrière dans le cinéma, il ne faudra pas avoir trop de pudeur, n’est-ce pas ?

Le whisky faisait son effet : Marisa se leva d’un bond, indignée.

— Comment je suis faite, Toto !

D’une charmante contorsion, elle défit la fermeture-éclair de sa robe. Un tour de reins et elle jaillit en guêpière noire, l’œil espiègle et lubrique.

— La Vénus de Limo, fit-elle, avec les bras en plus !

Et elle se jeta dans ceux de Goldman, dardant une langue aiguë dans sa bouche.

La sonnette de la porte d’entrée carillonna gaiement.

Serge Goldman sursauta. Personne ne connaissait cette adresse. Sauf ses vrais patrons. Ceux-là n’ignoraient jamais où il était.

Il faut dire que peu de gens savaient qu’avant de s’occuper de cinéma il avait été délégué du Komintern pour les Balkans. A l’époque, il avait faim et croyait au communisme. Sa remarquable souplesse d’esprit et son origine arménienne l’avaient servi. Le Komintern avait été dissous. Bons princes, au lieu de le fusiller, les gens du M.V.D.{Police secrète soviétique, jusqu’en 1952.} lui avaient proposé de s’infiltrer aux Etats-Unis pour y créer un réseau de renseignements. On lui avait fait miroiter un avenir doré, et des notes de frais sans limites. Il avait débarqué à New York, fier comme Artaban, ingénieur émigrant de Lettonie, pas mécontent de fuir le paradis des purges. New York c’était quand même mieux que Vorkouta.

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