Gérard de Villiers - Le disparu de Singapour
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- Название:Le disparu de Singapour
- Автор:
- Издательство:Plon
- Жанр:
- Год:1976
- Город:Paris
- ISBN:2-259-00080-0
- Рейтинг книги:4 / 5. Голосов: 1
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— Un crocodile ? Ici, à Singapour ?
Malko hocha la tête affirmativement.
L’Australien partit d’un rire énorme. Il s’en étranglait ! Timidement, Sani sourit, approuvant son seigneur et maître.
— C’est l’histoire la plus drôle que j’ai jamais entendue, rugit-il. Comme le tigre qui est entré dans le bar ici. La pauvre bête, il aurait eu trop peur de s’empoisonner…
Malko ne se laissa pas démonter.
— Il n’y a plus de crocodiles à Singapour ?
— Empaillés, rugit Phil Scott. Dans toutes les boutiques de Orchard Road. Et dans les fermes à crocodiles. Ailleurs, ils n’auraient que du ciment à bouffer. Qui est-ce qui vous a raconté ce conte de fées ?
Chapitre IV
Malko attendit pour répondre que le garçon ait enlevé les crèmes caramel auxquelles ils avaient à peine touché. C’était encore plus ignoble que le reste. Le fantôme de Sir Bernard Raffles, découvreur de Singapour, devait se retourner dans sa tombe…
— C’est, en tout cas, la version officielle de sa mort, dit Malko.
Phil Scott l’examina un instant et dit d’une voix beaucoup plus sérieuse :
— Je n’étais pas à Singapour tous ces derniers temps. Mais si le type dont vous parlez s’est fait bouffer par un crocodile, ce n’est pas dans l’île. Peut-être en Malaisie. Et encore. Ce n’est pas assez sauvage. Les crocodiles sont des animaux timides. Il n’y a pas un coin de Singapour qui ne soit pas habité. Donc, il y a un loup dans votre croco…
Ravi de son jeu de mot, il éclata de rire, pétrissant la cuisse de Sani. Le dîner et le vin l’avaient détendu. Malko commençait à se poser des questions. Il n’avait aucune raison de mettre en doute la parole de la veuve du journaliste. Et pourtant ? Tandis qu’il payait l’addition, il dit :
— Bon, laissons ce crocodile tranquille. Mais Jurong Suntory m’a dit que vous pourriez peut-être m’aider dans mon enquête sur Tong Lim.
— Quelle enquête ? fit Phil Scott.
— Oh, c’est pour un magazine américain, dit Malko. Ce malheureux journaliste devait fournir des informations, mais…
Ils se retrouvèrent dans le hall aux murs d’acajou, parsemé de grands fauteuils d’osier. L’écho d’un orchestre malais venait du bar. Les grands ventilateurs tournaient au plafond. Sani se coula contre Phil Scott. L’Australien alluma une cigarette et se tourna vers Malko.
— Je ne sais rien sur Tong Lim.
Ils s’arrêtèrent sur le porche. Malko était furieux. Il avait gâché une soirée pour rien. La dévotion de Sani pour l’Australien l’agaçait un peu. Il dit :
— Bon, je vais vous laisser et aller reprendre ma voiture.
Phil Scott lui jeta un regard en coin, jouant avec son bracelet de cuivre.
— Venez boire un verre à la maison, proposa-t-il. Vous irez chercher votre voiture à pied. J’habite tout près. Si vous n’avez pas peur de rencontrer un crocodile…
Quelque chose venait de se passer dans sa tête… Malko se dit qu’un homme aussi sur la défensive que l’Australien ne faisait rien sans raison. Autant accepter. À nouveau, ils s’entassèrent dans un taxi. Sani se lova aussitôt contre l’Australien et glissa ses longs doigts entre les boutons de sa chemise les défaisant un à un. Ensuite, elle posa ses lèvres sur la poitrine de son amant. Comme si Malko n’existait pas. Phil Scott avait fermé les yeux et se laissait faire. Une bête de proie au repos. Une des mains de Sani glissa le long de la toile de son pantalon et s’arrêta sur la bosse du sexe. Personne ne disait plus rien. Pour échapper à cette atmosphère chargée d’électricité, Malko regarda à l’extérieur.
Le taxi remontait vers le nord, évitant Orchard Road en sens unique. Puis il revint sur Orchard par Patterson, presque en face du Goodwood et tourna dans une petite allée qui montait perpendiculairement le long du Hilton. Malko nota le nom au passage : Anguilla Road. C’était bordé de petites maisons de bois pleines de charme. Phil Scott les guida le long d’un petit sentier jusqu’à un minuscule bungalow au fond d’un jardin en friches.
— Attention, avertit-il. Il n’y a pas de crocodile, mais j’ai déjà tué trois cobras, dont un royal…
À peine avait-il refermé la bouche que quelque chose bougea dans l’ombre, au pied d’un cocotier. Malgré lui, Malko fit un bond en arrière. Avant de reconnaître une silhouette humaine. Un jeune Chinois qui attendait, accroupi dans l’ombre. Il se leva, échangea quelques mots avec Phil Scott, lui glissa un paquet dans la main et disparut dans l’obscurité. La porte de la maison n’était pas fermée.
— Vous ne fermez pas, s’étonna Malko.
Phil Scott eut un rire satisfait.
— Ici, il n’y a que les cons qui se font voler. Il suffit de se faire protéger par le bon gang… Cela coûte dix dollars par mois. Et on peut tout laisser ouvert. Sinon, ils perdraient la face et on ne les paierait plus…
L’intérieur de la maison était sommairement meublé, avec des sièges de rotin, l’éternel ventilateur au plafond, des coussins en batik et des nattes. Tout cela ne respirait pas la richesse. À peine entré, Phil Scott acheva de déboutonner sa chemise et apparut torse nu. Il s’étira et jeta à Sani :
— Va chercher les sarongs.
La jeune Tamil disparut docilement derrière un rideau.
— Dès que je rentre, je me fous en sarong, expliqua Phil Scott. On est tellement mieux. Un jour, j’irai m’installer à Tahiti. Un bungalow sur la plage. Sani me fera la cuisine… Il s’arrêta brusquement, face à Malko.
— Elle est chouette, non ? 18 ans.
— Elle semble extrêmement docile, remarqua Malko.
L’Australien sourit silencieusement.
— Elle espère que je vais l’épouser. Mais il faut se méfier avec les Malaises. Un jour, elle est foutue de me coller un couteau dans le ventre sans cesser de m’adorer… Vous comprenez, c’est une Tamil, de basse classe, elle a des complexes. À douze ans, ses parents l’ont vendue comme pute à un Chinois. Pour 1 000 dollars. Cela se fait pas mal ici. Il y a des réseaux…
— C’est comme ça qu’elle a connu Tong Lim.
— Right.
Malko ne put pas s’étendre sur le sujet. Sani revenait, des sarongs en batik sur les bras. Phil Scott en jeta un à Malko.
— Faites comme chez vous.
Lui-même acheva de se déshabiller. Sani entoura le sien autour de son corps splendide et se déshabilla avec beaucoup de pudeur, évitant de regarder Malko. Ce dernier ôta ses vêtements et s’enroula à son tour dans son sarong, se demandant ce qui allait se passer. Dans le jardin, on entendait chanter des grillons. Le ventilateur tournait lentement, brassant un air tiède.
Phil Scott s’installa sur une natte, appuyé à des coussins et demanda d’une voix égale :
— Vous aimez tirer sur le bambou ?
— Modérément, dit Malko. Je ne sais pas si j’ai très envie.
Ainsi, ce que le jeune Chinois avait apporté, c’était de l’opium. Voilà pourquoi Phil Scott était si nerveux au début de soirée. Le manque… Malko ne se souciait pas de fumer. La drogue ne l’avait jamais attiré.
Sentant sa réticence, Phil Scott dit, mi-figue, mi-raisin :
— Si vous voulez faire du business avec moi, il faut d’abord qu’on soit copains…
Sani attendait. L’Australien lui flatta la croupe.
— Va chercher ce qu’il faut.
Elle s’éclipsa. Aussitôt les yeux bleus clairs de l’Australien se fixèrent sur Malko avec intensité.
— Votre histoire Lim, qu’est-ce que vous voulez au juste ?
Malko décida de ne pas mentir.
— Le retrouver, d’abord. Il semble intouchable.
Phil Scott fit claquer sa langue.
— Écoutez, dit Scott. Vous rencontrez toujours des types qui nous disent, je connais Dieu, je suis une merveille, et qui sont des merdes. Qui ne savent rien, qui ne connaissent que leur amah. Moi, je connais tout le monde à Singapour. Et tout le monde me connaît. Alors, je peux vraiment vous aider.
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