Gérard de Villiers - Les fous de Baalbek

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Les fous de Baalbek: краткое содержание, описание и аннотация

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Malko n’osait plus bouger, même d’un millimètre. L’explosion pouvait se produire s’il tendait encore plus le fil. Mais la première tension pouvait aussi avoir été le système d’armement de la machine infernale, se déclenchant alors si on relâchait le fil…
Dans les deux cas, il était cloué au sol.

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— Bonjour, je suis Jocelyn Sabet.

Elle avait une poignée de main chaude, énergique comme celle d’un homme.

— Enchanté, fit Malko. Je suis Malko Linge.

— Asseyez-vous. Robert m’a annoncé votre visite.

Devant le regard de Malko qui la détaillait, une lueur furieuse passa dans ses prunelles sombres, tout de suite transformée en sourire ironique.

— Ici, chez les maronites, les femmes font l’amour et la guerre. Je suis responsable des questions de Sécurité depuis trois ans déjà. Il y a eu deux attentats contre moi et ma sœur a été assassinée avec une voiture piégée. Une partie de ma famille est restée ensevelie dans les décombres de notre maison écrasée sous les obus jumblattistes. Cela vous suffit comme référence ?

Malko se sentit rougir. La véhémence et les mots amers trahissaient une sensibilité à fleur de peau. Difficile de soupçonner de double-jeu quelqu’un d’aussi entier. Peut-être Robert Carver avait-il une mauvaise appréciation de la jeune femme ? Jocelyn Sabet s’assit en face de lui, croisa les jambes très haut, comme pour lui montrer qu’elle était aussi une jolie femme. Son chemisier était déformé là où il le fallait et finalement elle avait beaucoup de magnétisme.

— Très bien, dit-il, parlez-moi de Abu Nasra.

Sans répondre, elle ouvrit un tiroir, y fouilla, lui tendit une photo et alluma une cigarette avant qu’il ne puisse l’y aider. Il regarda le document. Un Arabe, avec une grosse moustache, les cheveux courts, le nez cassé, pas rasé, les sourcils très rapprochés, de grosses lèvres. La trentaine.

— Cela date de 1973, prévint-elle, depuis, personne n’a pu le photographier.

— Vous savez où il est ?

— Oui. À Baalbek.

— Il vient à Beyrouth ?

— D’après nos renseignements, pratiquement jamais. Les Israéliens ont mis sa tête à prix.

Elle se mit à fumer nerveusement en le fixant de ses grandes prunelles noires.

— Que savez-vous de plus sur lui ? demanda Malko.

La jeune phalangiste eut un rictus amer.

— Pourquoi ? Vous voulez vous attaquer à lui ?

— En principe, oui.

Elle écrasa sa cigarette dans le cendrier.

— Bravo ! J’espère que vous dites la vérité. Les Américains sont toujours pleins de bonnes intentions, ensuite, ils ne font rien.

Sauf se faire tuer.

— Je n’ai pas beaucoup de temps maintenant, enchaîna-t-elle, mais je vous invite à dîner. Il y a une soirée amusante chez des amis. Ensuite, nous parlerons …

Malko se rappela la mise en garde de Robert Carver. Cependant, une soirée mondaine ne pouvait pas beaucoup l’engager. D’une voix autoritaire, Jocelyn poursuivit :

— Je vous attendrai à huit heures et demie au coin de la rue Hamra et de la rue Sadoul. Il y a le couvre-feu, personne ne nous verra, c’est mieux ainsi. Si vous voulez vraiment trouver Abu Nasra, je pense pouvoir vous aider.

Il y avait plus d’énergie dans cette petite femme que dans beaucoup d’hommes.

— Pourriez-vous recouper une information pour moi ? demanda encore Malko. Trouver le propriétaire d’une voiture dont je vous donne le numéro.

— Donnez-le-moi.

Elle le nota sur un bloc et se leva :

— Je vous communiquerai la réponse ce soir. Vous êtes en voiture ?

— Oui.

Elle lui tendit la main.

— Alors, à ce soir.

Mahmoud et Malko se retrouvèrent au passage du Musée, célèbre carrefour de la Mort, du temps où Beyrouth était partagé en deux. Un embouteillage indescriptible, le mur ocre de la Résidence des Pins, hérissé de barbelés, et, de l’autre côté, des immeubles vides et détruits. Dans le concert de klaxons, Malko n’arrivait pas à se détendre. Où allait le mener la piste de la Volvo ?

Chapitre IV

Malko traversa le hall du Commodore, poursuivi par les sifflements du perroquet fou. La rue de Baalbek devant l’hôtel était déserte, vidée par le couvre-feu. À huit heures vingt. Il s’engagea à pied dans la rue Rachid Nehme qui rejoignait la rue Hamra. Atmosphère oppressante, contrastant avec l’animation de la journée … Ses pas résonnaient dans le silence. Il aperçut une voiture rouge, une Mitsubishi Lancer, garée au coin de Hamra. Elle fit un appel de phares. Jocelyn Sabet était à l’heure. Au même moment, des pas pressés se firent entendre derrière lui. Une brusque poussée d’adrénaline le glaça. Il avait laissé au Commodore le 357 Magnum, cadeau de Robert Carver. C’est ainsi qu’on se faisait tuer. Il se retourna, vit quelqu’un qui courait dans sa direction. Il lui fallut encore quelques secondes pour reconnaître dans la pénombre une femme avec un manteau blanc.

— Excusez-moi, je suis en retard !

C’était Mona, l’hôtesse de l’air ! Perchée sur des escarpins bleus, outrageusement maquillée, sa bouche presque phosphorescente dans la pénombre. Elle s’accrocha, essoufflée au bras de Malko.

— Heureusement que le chasseur vous a vu partir à pied ! Où allez-vous ?

Malko maudit intérieurement le chasseur. Le parfum de Mona le grisait d’un nuage agréable. Soudain, un faisceau de lumière aveuglante les enveloppa. Les phares de la voiture rouge. Mona cligna des yeux.

— Une patrouille ! s’exclama la jeune Libanaise. Vous avez un laissez-passer ?

Malko n’eut pas le temps de répondre. Les phares s’éteignirent et la portière de la voiture rouge s’ouvrit. Jocelyn Sabet sortit et se dirigea vers le couple d’un pas décidé. Mona resta quelques secondes déconcertée, puis eut un petit rire sec.

— Eh bien, cette salope avec sa voiture de pompiers vous a déjà mis le grappin dessus !

Apparemment, elles se connaissaient. Jocelyn Sabet arriva à leur hauteur, arborant un sourire éblouissant et se jeta dans les bras de Mona.

— Comment vas-tu, ma chérie ? Tu es revenue de Paris ?

— Hier Comme je suis contente de te voir ! roucoula l’hôtesse de l’air. Justement, nous cherchions un taxi. Nous allons chez Serge.

— Tiens, moi aussi, fit Jocelyn, imperturbable. Je venais chercher mon ami Malko. Allons-y tous ensemble.

Après quelques roucoulements de plus, ils montèrent dans la Lancer rouge. Mona s’installa à l’arrière, laissant ostensiblement Malko à côté de Jocelyn Sabet. Celle-ci démarra comme si c’était les 24 heures du Mans, filant à travers les rues sombres et désertes, sans un feu rouge, sans un piéton. Sa Mitsubishi était une petite bombe. Un kilomètre plus loin, premier barrage de l’armée. Plafonnier allumé. Sourire à un soldat emmitouflé. On brandit les laissez-passer et on repart.

Devant eux s’ouvrait l’autoroute urbaine déserte, bordée de buildings détruits, noirs et sinistres.

— Le Ring, annonça Jocelyn.

Il se terminait par le sempiternel barrage de vieux pneus, de blockhaus en sacs de sable et de soldats nerveux. Quatre barrages encore avant qu’ils ne s’arrêtent dans une rue étroite, en face d’un hôtel particulier blanc d’où sortait de la musique pop.

— Ils ont de la lumière, eux, remarqua Malko.

L’absence à peu près totale d’éclairage public accentuait le côté tragique des ruines, et l’atmosphère oppressante des rues désertes. Jocelyn leva le bras et Malko aperçut un gros câble noir tendu en travers de la rue.

— Ils se débrouillent, annonça la Libanaise, ils piquent de l’électricité sur une clinique qui a un groupe. Serge sait y faire … Venez.

D’autorité, elle prit la main de Malko et le guida dans un sentier sombre serpentant dans un jardin en friche, laissant Mona trébucher derrière eux. Un valet noir comme de l’anthracite, impeccablement sanglé dans une tenue blanche, leur ouvrit la porte d’un hall de marbre, décoré comme une villa hollywoodienne. Débarrassée de son vison, Jocelyn enveloppa Malko d’un regard gourmand et lança à la cantonade :

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