Gérard Villiers - La taupe de Langley

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La taupe de Langley: краткое содержание, описание и аннотация

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La discrétion absolue…

Toute la journée, les voitures se succédaient, avec des passagères s’aplatissant sur leur siège à l’entrée pour qu’on ne puisse pas les reconnaître…

C’est Mercedes, la jeune femme qui l’avait contacté en pleine rue, qui avait amené Paul et sa compagne dans ce motel, après lui avoir donné l’ordre de quitter leur hôtel. Succinctement, elle avait expliqué au défecteur de la CIA que « Mike » son « traitant » soviétique l’avait chargée, à travers de multiples intermédiaires, de veiller sur lui, en attendant qu’on puisse le faire partir pour un pays sûr où ses mérites seraient reconnus… Il n’avait pu prendre le contact prévu à cause de la surveillance du FBI à Washington, mais ses peines touchaient à leur fin…

Paul Kramer l’aurait embrassée. Sa joie était un peu retombée quand Mercedes l’avait averti :

— La CIA va tout faire pour vous retrouver. Nous savons qu’ils ont envoyé des tueurs pour vous abattre s’ils n’arrivent pas à vous faire revenir. Il faut vous cacher. Je m’occupe de tout. Une voiture viendra vous chercher dans une heure. Ne posez aucune question et faites ce que vous dira le chauffeur.

Cela s’était passé comme prévu. Kareen avait trouvé bizarre leur déménagement brusqué. En plus, Mercedes leur avait interdit de sortir. Finie la plage. Les premières heures, la vidéo l’avait distraite. Paul lui avait raconté une vague histoire de concurrence commerciale qu’elle avait fait semblant de gober… Le soir, Mercedes était revenue leur répéter de ne pas se montrer dehors et assurer Paul Kramer qu’il serait contacté par un « responsable ». Elle avait éludé toutes les questions et il ignorait même si c’était une Dominicaine travaillant pour un réseau de soutien communiste ou si elle était cubaine.

La seconde journée s’était écoulée, interminable et personne ne s’était montré. De nouveau, l’angoisse étreignait Paul Kramer. Il sursauta : Kareen était en train de secouer la porte comme une folle. Il bondit du lit et l’arracha du battant. Folle de rage, elle lui fit face.

— Qu’est-ce que c’est que cette salade ! hurla-t-elle. Pourquoi on est enfermés ? Je veux me tirer.

Violemment, Paul la gifla. Deux fois, trois fois, quatre fois. Jusqu’à ce qu’elle s’effondre en sanglots. Il la prit par les épaules et lui dit d’une voix pleine de fureur contenue :

— Écoute. J’ai décidé d’aller travailler dans un pays étranger pour des gens qui me paient très bien. Tu as vu ? Seulement, la CIA ne voulait pas que je parte. C’est pour cela que je dois me cacher, sinon, je serais obligé de revenir à Washingon et je n’aurais plus de fric. Tu veux continuer à te foutre à poil pour les connards des Good Guys ?

Elle baissa la tête, ses sanglots se calmant et demanda d’une petite voix :

— Où on va aller ?

— En Europe, fît-il évasivement.

Il n’eut pas le temps de préciser. Un coup venait d’être frappé à la porte. Une clef tourna dans la serrure et la porte fut rabattue vers l’intérieur. Personne n’entra. Intrigué, Paul Kramer fit un pas en avant, scrutant l’obscurité.

Une voix étouffée demanda aussitôt :

Señor Kramer ?

— Oui.

— Je suis la personne que vous attendez. Suivez-moi.

Le pouls de Paul Kramer monta instantanément à 150.

Il rentra une seconde dans la chambre pour lancer à Kareen, matée :

— Je reviens !

— Fermez à clef, intima l’inconnu d’une voix sans réplique.

Paul s’exécuta, prit la clef et rejoignit l’homme qui le guida dans un sentier traversant les massifs de bananiers. Ils débouchèrent au bord de l’avenida de Las Americas. Ils traversèrent pour gagner les rochers surplombant la mer des Caraïbes. Les phares d’une voiture éclairèrent un visage basané et Paul Kramer fut déçu : ce n’était pas un Soviétique.

Il lui tendit la main et dit d’une voix un peu chargée d’emphase, en anglais rocailleux.

— Je suis le capitaine Manuel Rodriguez, des forces armées cubaines.

Un petit frisson parcourut Paul Kramer. Un Cubain des Services de Renseignement. Un de ceux contre qui il avait lutté pendant un quart de siècle.

— Enchanté, bredouilla-t-il. Vous êtes venu de la part de Mike ?

— Exact, confirma le Cubain, ma mission consiste à vous exfïltrer de la République Dominicaine vers Cuba. De là, vous serez acheminé à votre destination définitive. Moscou.

— Moscou ! répéta Paul Kramer.

— Bien sûr, renchérit le Cubain. Vous y serez récompensé comme vous le méritez et travaillerez désormais à bâtir la paix mondiale.

Toujours le même discours. Il avait l’impression de rêver. Mais il se reprit aussitôt.

— Que dois-je faire ?

— Rien, dit son interlocuteur. Je suis désolé de vous imposer cette résidence indigne de vous, mais le gouvernement de ce pays est aux ordres de l’impérialisme américain, aussi nous devons être prudents. Des agents de la CIA vous cherchent dans toute la ville. Il faudra partir clandestinement. Je suis en train de mettre les détails au point.

— Je vais attendre longtemps ? demanda anxieusement Paul Kramer.

— Non. Mais nous devons nous organiser. Les Américains ont promis une grosse prime. Je pense que je reviendrai vous chercher dans deux jours. D’ici là, courage. Vous n’avez besoin de rien ?

— Des journaux.

— Je vous en ferai porter.

— Et s’ils me découvrent ici ?

Le Cubain lui adressa un sourire rassurant.

— Ne craignez rien. Vous êtes sous notre protection.

Ils retraversèrent et avant de rentrer au motel, le Cubain étreignit Paul Kramer. Il sentait l’eau de toilette bon marché.

Adios, amigo !

Il se perdit dans l’ombre des bas-côté et Paul le vit monter dans une voiture qui n’alluma pas ses feux de position tout de suite : impossible de distinguer son numéro. Un bon professionnel… Il regagna le bungalow à la fois exalté et angoissé. Cette fois, il devenait un traître à part entière. Il essaya de chasser de son esprit l’image de Mary et de ses deux enfants.

Kareen était prostrée sur le lit. Il annonça, fanfaron :

— Nous partons dans deux jours.

* * *

Le large rebord du feutre noir porté droit comme les Indiens de Bolivie cachait en partie le visage de Flor Mochis. Quand elle leva la tête, Malko aperçut deux yeux noirs étirés d’une dureté inattendue chez une femme, des pommettes saillantes et une large bouche pulpeuse rouge comme une grenade. Elle s’ouvrit sur des dents éblouissantes lorsque la jeune femme tendit à Malko une longue main fine.

Buenos noches, señor .

Elle avait une voix rauque, comme si elle s’était rincé la gorge au rhum toute la journée. Sa lourde poitrine était enfermée dans un chemisier noir ouvert très bas ; son pantalon ajusté, de même couleur, disparaissait dans des santiags, sa taille était sanglée dans une large ceinture de cuir cloutée. Malko se dit que le lieutenant Flor Mochis était une des plus attirantes salopes tropicales qu’il ait jamais croisée.

— Allons nous asseoir, suggéra Jim Harley.

Le Raffles était déjà plein de Noirs bruyants, agglutinés au bar. Flor gagna la première un box dans la seconde salle, permettant à Malko d’admirer une croupe ronde et cambrée. Il ne s’attendait pas à une telle créature… Elle laissa tomber son sac sur la table avec un bruit sourd. Il contenait sûrement plus qu’un mouchoir et du rouge à lèvres. La serveuse déposait déjà devant elle une « Pinacolada » et Malko commanda une vodka.

Posément, elle ôta son feutre et planta son regard dans celui de Malko. Avec un intérêt non dissimulé. Les blonds ne couraient pas les rues à Saint-Domingue.

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