Mes baisers sont légers comme ces éphémères
Qui caressent le soir les grands lacs transparents,
Et ceux de ton amant creuseront leurs ornières
Comme des chariots ou des socs déchirants;
Ils passeront sur toi comme un lourd attelage
De chevaux et de bœufs aux sabots sans pitié…
Hippolyte, ô ma sœur! tourne donc ton visage,
Toi, mon âme et mon cœur, mon tout et ma moitié,
Tourne vers moi tes yeux pleins d'azur et d'étoiles!
Pour un de ces regards charmants, baume divin,
Des plaisirs plus obscurs je lèverai les voiles,
Et je t'endormirai dans un rêve sans fin!»
Mais Hippolyte alors, levant sa jeune tête:
– «Je ne suis point ingrate et ne me repens pas,
Ma Delphine, je souffre et je suis inquiète,
Comme après un nocturne et terrible repas.
Je sens fondre sur moi de lourdes épouvantes
Et de noirs bataillons de fantômes épars,
Qui veulent me conduire en des routes mouvantes
Qu'un horizon sanglant ferme de toutes parts.
Avons-nous donc commis une action étrange?
Explique, si tu peux, mon trouble et mon effroi:
Je frissonne de peur quand tu me dis: «Mon ange!»
Et cependant je sens ma bouche aller vers toi.
Ne me regarde pas ainsi, toi, ma pensée!
Toi que j'aime à jamais, ma sœur d'élection,
Quand même tu serais un embûche dressée
Et le commencement de ma perdition!»
Delphine secouant sa crinière tragique,
Et comme trépignant sur le trépied de fer,
L'œil fatal, répondit d'une voix despotique:
– «Qui donc devant l'amour ose parler d'enfer?
Maudit soit à jamais le rêveur inutile
Qui voulut le premier, dans sa stupidité,
S'éprenant d'un problème insoluble et stérile,
Aux choses de l'amour mêler l'honnêteté!
Celui qui veut unir dans un accord mystique
L'ombre avec la chaleur, la nuit avec le jour,
Ne chauffera jamais son corps paralytique
A ce rouge soleil que l'on nomme l'amour!
Va, si tu veux, chercher un fiancé stupide;
Cours offrir un cœur vierge à ses cruels baisers;
Et, pleine de remords et d'horreur, et livide,
Tu me rapporteras tes seins stigmatisés…
On ne peut ici-bas contenter qu'un seul maître!»
Mais l'enfant, épanchant une immense douleur,
Cria soudain: « – Je sens s'élargir dans mon être
Un abîme béant; cet abîme est mon cœur!
Brûlant comme un volcan, profond comme le vide!
Rien ne rassasiera ce monstre gémissant
Et ne rafraîchira la soif de l'Euménide
Qui, la torche à la main, le brûle jusqu'au sang.
Que nos rideaux fermés nous séparent du monde,
Et que la lassitude amène le repos!
Je veux m'anéantir dans ta gorge profonde,
Et trouver sur ton sein la fraîcheur des tombeaux!»
– Descendez, descendez, lamentables victimes,
Descendez le chemin de l'enfer éternel!
Plongez au plus profond du gouffre, où tous les crimes,
Flagellés par un vent qui ne vient pas du ciel,
Bouillonnent pêle-mêle avec un bruit d'orage.
Ombres folles, courez au but de vos désirs;
Jamais vous ne pourrez assouvir votre rage,
Et votre châtiment naîtra de vos plaisirs.
Jamais un rayon frais n'éclaira vos cavernes;
Par les fentes des murs des miasmes fiévreux
Filtrent en s'enflammant ainsi que des lanternes
Et pénètrent vos corps de leurs parfums affreux.
L'âpre stérilité de votre jouissance
Altère votre soif et roidit votre peau,
Et le vent furibond de la concupiscence
Fait claquer votre chair ainsi qu'un vieux drapeau.
Lion des peuples vivants, errantes, condamnées,
A travers les déserts courez comme les loups;
Faites votre destin, âmes désordonnées,
Et fuyez l'infini que vous portez en vous!
LE LETHE
Viens sur mon cœur, âme cruelle et sourde,
Tigre adoré, monstre aux airs indolents;
Je veux longtemps plonger mes doigts tremblants
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Le mot: Genus irritabile votum , date de bien des siècles avant les querelles des Classiques, des Romantiques, des Réalistes, des Euphuistes, etc… Il est évident que par l'irrésistible Nuit M. Charles Baudelaire a voulu caractériser l'état actuel de la littérature, et que les crapauds imprévus et les froids limaçons sont les écrivains qui ne sont pas de son école.
Ce sonnet a été composé en 1862, pour servir d'épilogue à un livre de M. Charles Asselineau, qui n'a pas paru: Mélanges tirés d'une petite bibliothèque romantique ; lequel devait avoir pour prologue un sonnet de M. Théodore de Banville: Le lever du soleil romantique .
(Note de l'éditeur.)
Cette pièce et les cinq suivantes ont été condamnées en 1857, par le tribunal correctionnel, et ne peuvent pas être reproduites dans le recueil des Fleurs du Mal .
(Note de l'éditeur.)