George Gordon Byron - Œuvres complètes de lord Byron, Tome 7
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Me sauver, ma belle maîtresse! Tu es mille fois trop belle; et ce que j'implore de toi, c'est ton amour, et non ta protection.
Et quelle sécurité peut exister loin de l'amour?
Je parle de l'amour des femmes.
La première source de la vie humaine jaillit du sein de la femme; vos premiers bégaiemens sont recueillis de ses lèvres, elle tarit vos premières larmes, elle recueille trop souvent vos derniers soupirs alors que les hommes ont déposé l'ignoble soin de garder la dernière heure de celui qui les commandait.
Ma sublime Ionienne! tes accens sont de la mélodie; c'est le chœur de ces tragédies dont je t'ai entendu parler comme du plaisir favori de tes antiques aïeux. Va, ne pleure pas, – calme-toi.
Je ne pleure pas. – Mais, je te prie, ne parle jamais de mes pères ou de ma patrie.
Pourtant, tu en parles souvent toi-même.
Oui, je l'avoue, l'opiniâtre pensée se fait souvent jour, malgré moi, dans mes paroles; mais quand un autre parle de la Grèce, il m'offense.
Eh bien donc, comment voudrais-tu me sauver, comme tu parles?
En t'apprenant à te sauver toi-même; et non pas toi seul, mais ton vaste empire, de la rage de la plus cruelle guerre-la guerre des concitoyens.
Ignores-tu donc, mon enfant, que j'ai en horreur et la guerre et les guerriers? Je vis dans la paix et les plaisirs: que peut-on exiger de plus d'un homme?
Hélas! seigneur, il faut trop souvent montrer à la multitude l'apparence de la guerre, pour obtenir les bienfaits de la paix; et, pour un roi, il vaut bien mieux être craint qu'aimé.
Je n'ai jamais recherché que ce dernier sentiment.
Et l'un et l'autre t'est échappé.
Est-ce toi, Mirrha, qui parles ainsi?
Je parle de l'amour populaire, amour égoïste, qui témoigne toujours que les hommes sont gouvernés par la crainte et par les lois, sans pourtant être opprimés; – du moins ne le supposent-ils pas. Ou, s'ils l'imaginent, ils le jugent nécessaire pour les préserver d'une tyrannie plus cruelle, celle de leurs passions. Pour un roi de fête, de fleurs, de vin, de banquets, d'amour et d'allégresse, jamais il ne sera un roi de gloire.
Gloire! Qu'est-ce que cela?
Demande-le aux dieux tes ancêtres.
Ils ne me répondront pas; quand les prêtres parlent pour eux, c'est pour obtenir quelques collectes nouvelles pour leurs temples.
Vois les annales des fondateurs de ton empire.
Elles sont tellement souillées de sang, que cela m'est impossible; mais que prétendrais-tu? L'empire a été fondé; je ne puis fonder empire sur empire.
Conserve du moins le tien.
Quoi qu'il arrive, j'en veux jouir. Viens, Mirrha, avance vers l'Euphrate, l'heure nous invite, la barque est prête, et le pavillon disposé pour notre retour après nous avoir offert la décoration d'un nocturne banquet, offrira à nos yeux ravis un globe lumineux, tel qu'un astre opposé aux étoiles célestes qui marcheront sur nos têtes; et cependant nous reposerons couronnés de fleurs, semblables-
A des victimes.
Non, non, mais comme ces souverains rois pasteurs, des tems reculés, qui ne connaissaient pas de plus brillantes pierreries que les guirlandes de l'été, et dont les triomphes ne coûtaient jamais de larmes. Allons.
Vive à jamais le roi!
Pas une heure après qu'il aura cessé d'aimer. Combien je hais ce langage, qui, faisant de la vie un mensonge, ose flatter la fragile poussière, de l'espoir de l'éternité! Eh bien, Pania, sois bref.
Je suis chargé par Salemènes de renouveler au roi sa prière, de ne pas, au moins pour aujourd'hui, sortir du palais: quand le général reviendra, il donnera des motifs capables de justifier sa hardiesse, et peut-être lui feront-ils obtenir le pardon de sa présomption.
Eh quoi! suis-je donc cerné? Suis-je déjà captif? Ne puis-je même respirer l'air du ciel? Dis au prince Salemènes que, toute la Syrie se pressât-elle en fureur et par millions autour de ces murailles, je sortirais.
Je dois obéir, et cependant-
De grâce, roi, écoute. – Combien de jours et de nuits es-tu resté renfermé dans ces murs, dans des robes de soies; combien de fois refusas-tu de te montrer aux vœux du peuple; laissant tes sujets privés de ta vue, les satrapes libres de le tourmenter, les dieux privés de leur culte, tout enfin dans l'anarchie, produit de ton indolence; tout, dans ton royaume assoupi, excepté le génie du mal! Et maintenant tu ne peux demeurer un seul jour, un jour d'où ton salut dépend? Oh! n'accorderas-tu pas au petit nombre de ceux qui te sont encore fidèles quelques heures pour eux, pour toi, pour la vieille race de tes pères, pour l'héritage enfin de tes fils?
Il est vrai! l'empressement extrême avec lequel le prince m'envoya devant votre personne sacrée m'oblige à joindre ma faible voix à celle qui vient de se faire entendre.
Non, il n'en sera rien.
Par le salut de ton royaume!
Sortons!
Par celui de tous tes fidèles sujets qui vont se rallier autour de toi et des tiens.
Pure chimère; il n'y a pas de danger; – c'est une habile invention de Salemènes pour justifier son zèle et pour se rendre plus nécessaire à nos yeux.
Au nom de tout ce qui est bon et glorieux, suis ce conseil.
Les affaires à demain.
Oui, ou la mort à la nuit.
Eh bien, laissons-la venir, inattendue, au milieu de la joie et des grâces, des plaisirs et de l'amour; qu'elle me fasse tomber comme une rose effeuillée, – plus heureuse ainsi que de vieillir fanée.
Ainsi, tu ne veux pas consentir, même au prix de tout ce qui jamais réveilla l'activité d'un monarque, à renoncer à un frivole festin?
Non.
Cède donc au moins pour moi, pour mon salut!
Le tien, chère Mirrha?
C'est la première demande que j'aie faite à un roi d'Assyrie.
Je le sais; et serait-ce celle de mon royaume, qu'il faudrait te l'accorder. Eh bien! pour ton salut, je cède. Pania, hors d'ici! tu as entendu.
Et j'obéis.
Tu me surprends. Quel est donc, Mirrha, le motif de pareilles instances?
Le soin de ta conservation, et la conviction que rien dans le monde, que le plus imminent danger, ne pourrait forcer le prince ton parent à te faire une prière aussi pressante.
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