Brown, Dan - Le symbole perdu

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Katherine tourna la tête vers son frère.

— Il a tué Robert !

Peter Solomon se crispa et secoua la tête violemment de droite à gauche, comme s’il ne pouvait endurer cette douleur supplémentaire.

— Du calme, Peter. Du calme, murmura le tortionnaire en lui caressant à nouveau le crâne. Ne gâchez pas ce moment. Dites au revoir à votre petite sœur. C’est votre dernière réunion de famille.

— Pourquoi nous infligez-vous ça ? s’écria Katherine avec désespoir. Qu’est-ce qu’on vous a fait ? Pourquoi nous haïssez-vous à ce point ?

L’homme tatoué se pencha sur elle, plaquant sa bouche dans le creux de son oreille.

— J’ai mes raisons, Katherine. (Ramassant le grand couteau sur la desserte, il revint vers elle et passa la lame étincelante sur ses joues.) C’est véritablement le couteau le plus extraordinaire de l’Histoire.

Katherine ignorait qu’il existât des couteaux célèbres. Mais celui-ci paraissait effectivement aussi ancien que sinistre. La lame semblait tranchante comme un rasoir.

— Ne craignez rien. Je n’ai pas l’intention de gâcher son précieux pouvoir sur vous. Je le garde pour un sacrifice beaucoup plus élevé... et dans un lieu très sacré. (Il se tourna vers son prisonnier.) Mais vous, Peter, vous reconnaissez ce couteau, n’est-ce pas ?

Les yeux de Peter Solomon s’agrandirent, dans un mélange de terreur et de stupéfaction.

— Oui, Peter... cet instrument a traversé les âges. Et je l’ai retrouvé. Il m’a coûté une fortune, et je l’ai gardé pour vous. Enfin, nous allons pouvoir terminer notre douloureux chemin, ensemble.

Il enveloppa le couteau dans un tissu, avec ses autres accessoires : l’encens, les fioles, des coupons de satin et autres objets cérémoniels. Il glissa le tout dans le sac de Langdon, avec la pyramide et la coiffe. Puis il referma la glissière et se tourna vers Peter Solomon :

— Voulez-vous bien porter ça, Peter ?

Il posa le sac sur les cuisses de son prisonnier. Il ouvrit ensuite un tiroir et farfouilla dedans. On entendit tinter des instruments métalliques. Se retournant vers Katherine, il lui saisit le bras droit. Elle ne pouvait voir ce que le fou lui faisait... mais Peter écarquilla les yeux d’horreur et se mit à ruer dans son fauteuil.

Elle sentit une piqûre dans le creux de son coude, puis son bras sembla chauffer. Peter poussait des borborygmes affolés, tentant en vain de se lever. Katherine sentait ses doigts, puis son avant-bras, s’engourdir.

Quand l’homme recula, elle comprit l’agitation désespérée de son frère. Le démon avait inséré une aiguille dans sa veine, mais l’autre côté n’était relié à aucun cathéter. Son sang s’écoulait d’elle, ruisselant sur son bras, puis sur la table.

— Une clepsydre humaine... Tout à l’heure, Peter, quand je vous demanderai de jouer votre rôle, il faudra vous souvenir de Katherine, agonisant dans l’obscurité.

Le visage de Peter Solomon n’exprimait plus que la souffrance.

— Il ne lui reste qu’une heure. Si vous vous montrez prompt et coopératif, j’aurai le temps de la sauver. Bien sûr, si vous résistez... votre sœur périra seule dans les ténèbres.

Peter marmonna quelque chose derrière son bâillon.

— Je sais, je sais, répondit l’homme en lui tapotant l’épaule. C’est douloureux. Mais vous devriez être habitué, ce n’est pas la première fois que vous abandonnez un membre de votre famille. (Le géant se pencha vers l’oreille de Peter Solomon.) Je fais allusion à votre fils, évidemment. Pauvre Zachary, tout seul dans sa prison de Soganlik.

Le prisonnier tira sur ses liens et poussa un cri étouffé par le bâillon.

— Ça suffit ! cria Katherine.

— Je me souviens très bien de cette nuit, insista l’homme en finissant de ramasser ses affaires. J’ai tout entendu. Le directeur vous a proposé de le relâcher, mais vous avez choisi de lui donner une leçon en l’abandonnant. Votre fils a bien appris sa leçon, n’est-ce pas ? Et plutôt deux fois qu’une, fit-il en souriant. Sa mort a fait ma gloire.

L’homme ramassa un morceau de tissu et l’enfonça dans la bouche de Katherine.

— La mort, chuchota-t-il, doit venir dans le silence.

Peter se débattit avec fureur. Sans ajouter un mot, le démon tatoué fit sortir, à reculons, le fauteuil roulant. Peter regardait sa sœur, ne la quittant pas des yeux.

Ils se disaient adieu.

Puis il fut emporté.

Katherine les entendit remonter la rampe, franchir la porte de métal. Il y eut un bruit de verrou. Quelques minutes plus tard, une voiture démarra et sortit de la propriété.

Le silence tomba sur la maison.

Seule dans le noir, Katherine se vidait de son sang.

108.

L’esprit de Robert Langdon dérivait dans un abîme sans fin.

Pas de lumière, pas de son, pas de sensation.

Seulement un vide infini. Le silence.

Le calme.

L’apesanteur.

Son corps l’avait quitté. Il était délivré.

Le monde physique n’existait plus. Le temps aussi avait disparu.

Il était une simple conscience à présent... Une entité immatérielle dans le vide d’un vaste univers.

109.

Le Faucon noir survolait les demeures luxueuses de Kalorama Heights, se dirigeant vers la zone indiquée par le PC. L’agent Simkins fut le premier à repérer l’Escalade garée en travers de la pelouse. Le portail de la propriété était fermé, et la maison plongée dans l’obscurité.

Sato fit signe au pilote d’atterrir.

L’hélicoptère se posa rapidement devant la bâtisse, au milieu d’autres véhicules garés en désordre. Parmi eux, ils repérèrent la voiture d’une société de surveillance.

Simkins et ses hommes sautèrent au sol, leurs armes à la main, et coururent vers la maison. La porte d’entrée était fermée. Simkins s’approcha d’une fenêtre et aperçut une forme noire gisant dans le hall.

— Merde ! C’est Hartmann.

L’un des agents prit un fauteuil du perron et le lança dans la baie vitrée. Le bruit du verre se brisant sous l’impact fut à peine audible derrière le vacarme de la turbine. Quelques secondes plus tard, l’escouade pénétrait dans la maison. Simkins courut dans le hall et s’agenouilla auprès d’Hartmann pour vérifier son pouls. Rien. Il y avait du sang partout. Puis il vit le tournevis planté dans le cou du cadavre.

Nom de Dieu... Il se releva et fit signe à ses hommes de fouiller la maison.

Les agents s’éparpillèrent dans les pièces du rez-de-chaussée, striant les ombres de leurs rayons laser. Ils ne trouvèrent rien dans le salon, ni dans le bureau, mais dans la salle à manger ils découvrirent l’employée de Premium Sécurité, étranglée. L’espoir de retrouver Robert Langdon et Katherine Solomon vivants s’amenuisait. Le tueur leur avait visiblement tendu un piège... et s’il était parvenu à tuer un soldat de la CIA, ainsi qu’un agent de sécurité, alors un professeur et une scientifique n’avaient aucune chance.

Une fois le rez-de-chaussée sécurisé, Simkins envoya deux hommes fouiller l’étage. Pendant ce temps, il poursuivit ses recherches et trouva, dans la cuisine, un escalier qui descendait au sous-sol. Il s’y engagea. Au bas des marches, il alluma la lumière. Spacieux, l’endroit luisait d’une propreté immaculée, comme si le propriétaire n’y mettait jamais les pieds. Une chaudière, des murs en ciment, quelques cartons. Rien d’intéressant. Simkins retourna dans la cuisine. Ses hommes l’y attendaient. Ils n’avaient rien trouvé non plus.

Il n’y avait personne dans la maison.

Simkins appela Inoue Sato pour lui faire son rapport.

Quand il revint dans le hall d’entrée, Sato montait les marches du perron. Warren Bellamy était resté dans l’hélicoptère, l’air atterré, avec la mallette en titane à ses pieds. Le portable qui se trouvait à l’intérieur donnait accès aux systèmes informatiques de surveillance de la CIA via une liaison satellite cryptée. Plus tôt dans la soirée, Inoue Sato s’en était servie pour lui présenter un document qui l’avait engagé à se montrer coopératif. Simkins ignorait ce que l’Architecte avait vu. Mais, à l’évidence, cela lui avait causé un choc.

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