Маргерит Юрсенар - Les mémoires d'Hadrien

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Chapitre 22

La remontée du fleuve continua, mais je naviguais sur le Styx. Dans les camps de prisonniers, sur les bords du Danube, j’avais vu jadis des misérables couchés contre un mur s’y frapper continuellement le front d’un mouvement sauvage, insensé et doux, en répétant sans cesse le même nom. Dans les caves du Colisée, on m’avait montré des lions qui dépérissaient parce qu’on leur avait enlevé le chien avec qui on les avait accoutumés à vivre. Je rassemblai mes pensées : Antinoüs était mort. Enfant, j’avais hurlé sur le cadavre de Marullinus déchiqueté par les corneilles, mais comme hurle la nuit un animal privé de raison. Mon père était mort, mais un orphelin de douze ans n’avait remarqué que le désordre de la maison, les pleurs de sa mère, et sa propre terreur ; il n’avait rien su des affres que le mourant avait traversées. Ma mère était morte beaucoup plus tard, vers l’époque de ma mission en Pannonie ; je ne me rappelais pas exactement à quelle date. Trajan n’avait été qu’un malade à qui il s’agissait de faire faire un testament. Je n’avais pas vu mourir Plotine. Attianus était mort ; c’était un vieillard. Durant les guerres daces, j’avais perdu des camarades que j’avais cru ardemment aimer ; mais nous étions jeunes, la vie et la mort étaient également enivrantes et faciles. Antinoüs était mort. Je me souvenais de lieux communs fréquemment entendus : on meurt à tout âge ; ceux qui meurent jeunes sont aimés des dieux. J’avais moi-même participé à cet infâme abus de mots ; j’avais parlé de mourir de sommeil, de mourir d’ennui. J’avais employé le mot agonie, le mot deuil, le mot perte. Antinoüs était mort.

L’Amour, le plus sage des dieux… Mais l’amour n’était pas responsable de cette négligence, de ces duretés, de cette indifférence mêlée à la passion comme le sable à l’or charrié par un fleuve, de ce grossier aveuglement d’homme trop heureux, et qui vieillit. Avais-je pu être si épaissement satisfait ? Antinoüs était mort. Loin d’aimer trop, comme sans doute Servianus à ce moment le prétendait à Rome, je n’avais pas assez aimé pour obliger cet enfant à vivre. Chabrias, qui, en sa qualité d’initié orphique, considérait le suicide comme un crime, insistait sur le côté sacrificiel de cette fin ; j’éprouvais moi-même une espèce d’horrible joie à me dire que cette mort était un don. Mais j’étais seul à mesurer combien d’âcreté fermente au fond de la douceur, quelle part de désespoir se cache dans l’abnégation, quelle haine se mélange à l’amour. Un être insulté me jetait à la face cette preuve de dévouement ; un enfant inquiet de tout perdre avait trouvé ce moyen de m’attacher à jamais à lui. S’il avait espéré me protéger par ce sacrifice, il avait dû se croire bien peu aimé pour ne pas sentir que le pire des maux serait de l’avoir perdu.

Les larmes prirent fin : les dignitaires qui s’approchaient de moi n’avaient plus à détourner leur regard de mon visage, comme s’il était obscène de pleurer. Les visites de fermes modèles et de canaux d’irrigation recommencèrent ; peu importait la manière d’employer les heures. Mille bruits ineptes couraient déjà le monde au sujet de mon désastre ; même sur les barques qui accompagnaient la mienne, des récits atroces circulaient à ma honte ; je laissai dire, la vérité n’étant pas de celles qu’on peut crier. Les mensonges les plus malicieux étaient exacts à leur manière ; on m’accusait de l’avoir sacrifié, et, en un sens, je l’avais fait. Hermogène, qui me rapportait fidèlement ces échos du dehors, me transmit quelques messages de l’impératrice ; elle se montra convenable ; on l’est presque toujours en présence de la mort. Cette compassion reposait sur un malentendu : on acceptait de me plaindre, pourvu que je me consolasse assez vite. Moi-même, je me croyais à peu près calmé ; j’en rougissais presque. Je ne savais pas que la douleur contient d’étranges labyrinthes, où je n’avais pas fini de marcher.

On s’efforçait de me distraire. Quelques jours après l’arrivée à Thèbes, j’appris que l’impératrice et sa suite s’étaient rendues par deux fois au pied du colosse de Memnon, dans l’espoir d’entendre le bruit mystérieux émis par la pierre à l’aurore, phénomène célèbre auquel tous les voyageurs souhaitent d’assister. Le prodige ne s’était pas produit ; on s’imaginait superstitieusement qu’il opérerait en ma présence. J’acceptai d’accompagner le lendemain les femmes ; tous les moyens étaient bons pour diminuer l’interminable longueur des nuits d’automne. Ce matin-là, vers la onzième heure, Euphorion entra chez moi pour raviver la lampe et m’aider à passer mes vêtements. Je sortis sur le pont ; le ciel, encore tout noir, était en vérité le ciel d’airain des poèmes d’Homère, indifférent aux joies et aux maux des hommes. Il y avait plus de vingt jours que cette chose avait eu lieu. Je pris place dans le canot ; le court voyage n’alla pas sans cris et sans frayeurs de femmes.

On nous débarqua non loin du Colosse. Une bande d’un rose fade s’allongea à l’Orient ; un jour de plus commençait. Le son mystérieux se produisit par trois fois ; ce bruit ressemble à celui que fait en se brisant la corde d’un arc. L’inépuisable Julia Balbilla enfanta sur-le-champ une série de poèmes. Les femmes entreprirent la visite des temples ; je les accompagnai un moment le long des murs criblés d’hiéroglyphes monotones. J’étais excédé par ces figures colossales de rois tous pareils, assis côte à côte, appuyant devant eux leurs pieds longs et plats, par ces blocs inertes où rien n’est présent de ce qui pour nous constitue la vie, ni la douleur, ni la volupté, ni le mouvement qui libère les membres, ni la réflexion qui organise le monde autour d’une tête penchée. Les prêtres qui me guidaient semblaient presque aussi mal renseignés que moi-même sur ces existences abolies ; de temps à autre, une discussion s’élevait au sujet d’un nom. On savait vaguement que chacun de ces monarques avait hérité d’un royaume, gouverné ses peuples, procréé son successeur : rien d’autre ne restait. Ces dynasties obscures remontaient plus loin que Rome, plus loin qu’Athènes, plus loin que le jour où Achille mourut sous les murs de Troie, plus loin que le cycle astronomique de cinq mille années calculé par Ménon pour Jules César. Me sentant las, je congédiai les prêtres ; je me reposai quelque temps à l’ombre du Colosse avant de remonter en barque. Ses jambes étaient couvertes jusqu’au genou d’inscriptions grecques tracées par des voyageurs : des noms, des dates, une prière, un certain Servius Suavis, un certain Eumène qui s’était tenu à cette même place six siècles avant moi, un certain Panion qui avait visité Thèbes six mois plus tôt… Six mois plus tôt… Une fantaisie me vint, que je n’avais pas eue depuis l’époque où, enfant, j’inscrivais mon nom sur l’écorce des châtaigniers dans un domaine d’Espagne : l’empereur qui se refusait à faire graver ses appellations et ses titres sur les monuments qu’il avait construits prit sa dague, et égratigna dans cette pierre dure quelques lettres grecques, une forme abrégée et familière de son nom : AΔPIANO. C’était encore s’opposer au temps : un nom, une somme de vie dont personne ne computerait les éléments innombrables, une marque laissée par un homme égaré dans cette succession de siècles. Tout à coup, je me souvins qu’on était au vingt-septième jour du mois d’Athyr, au cinquième jour avant nos calendes de décembre. C’était l’anniversaire d’Antinoüs : l’enfant, s’il vivait, aurait aujourd’hui vingt ans.

Je rentrai à bord ; la plaie fermée trop vite s’était rouverte ; je criai le visage enfoncé dans un coussin qu’Euphorion glissa sous ma tête. Ce cadavre et moi partions à la dérive, emportés en sens contraire par deux courants du temps. Le cinquième jour avant les calendes de décembre, le premier du mois d’Athyr : chaque instant qui passait enlisait ce corps, recouvrait cette fin. Je remontais la pente glissante ; je me servais de mes ongles pour exhumer cette journée morte. Phlégon, assis face au seuil, ne se souvenait du va-et-vient dans la cabine de poupe que par la raie de lumière qui l’avait gêné chaque fois qu’une main poussait le battant. Comme un homme accusé d’un crime, j’examinais l’emploi de mes heures : une dictée, une réponse au Sénat d’Éphèse ; à quel groupe de mots correspondait cette agonie ? Je reconstituais le fléchissement de la passerelle sous les pas pressés, la berge aride, le dallage plat ; le couteau qui scie une boucle au bord de la Tempé ; le corps incliné ; la jambe qui se replie pour permettre à la main de dénouer la sandale ; une manière unique d’écarter les lèvres en fermant les yeux. Il avait fallu au bon nageur une résolution désespérée pour étouffer dans cette boue noire. J’essayai d’aller en pensée jusqu’à cette révolution par où nous passerons tous, le cœur qui renonce, le cerveau qui s’enraye, les poumons qui cessent d’aspirer la vie. Je subirai un bouleversement analogue ; je mourrai un jour. Mais chaque agonie est différente ; mes efforts pour imaginer la sienne n’aboutissaient qu’à une fabrication sans valeur : il était mort seul.

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