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Guy de Maupassant: L'inutile beauté (1890)

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Guy de Maupassant L'inutile beauté (1890)

L'inutile beauté (1890): краткое содержание, описание и аннотация

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L'Inutile Beauté est un recueil de nouvelles de Guy de Maupassant, paru en 1890 chez l’éditeur Victor Havard. L'Inutile Beauté est un recueil de onze nouvelles de Guy de Maupassant, paru en avril 1890 chez l’éditeur Victor Havard. Une nouvelle homonyme ouvre ce recueil, le dernier paru du vivant de Maupassant. Avant de paraître pour la première fois chez cet éditeur parisien, avec qui Maupassant travaille régulièrement à l'époque, les nouvelles ici regroupées ont déjà été publiées séparément entre 1886 et 1890 dans plusieurs divers journaux (Gil Blas, Le Gaulois, L'Écho de Paris, Le Figaro1). Une édition bibliophilique illustrée par Robert Lotiron a été publiée par la Librairie de France en 1936.

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L'inutile beauté (1890)

Linutile beauté À Henry Cazalis I La victoria fort élégante attelée de - фото 1

L'inutile beauté

À Henry Cazalis.

I

La victoria fort élégante, attelée de deux superbes chevaux noirs, attendait devant le perron de l’hôtel. C’était à la fin de juin, vers cinq heures et demie, et, entre les toits qui enfermaient la cour d’honneur, le ciel apparaissait plein de clarté, de chaleur, de gaieté.

La comtesse de Mascaret se montra sur le perron juste au moment où son mari, qui rentrait, arriva sous la porte cochère. Il s’arrêta quelques secondes pour regarder sa femme, et il pâlit un peu. Elle était fort belle, svelte, distinguée avec sa longue figure ovale, son teint d’ivoire doré, ses grands yeux gris et ses cheveux noirs ; et elle monta dans sa voiture sans le regarder, sans paraître même l’avoir aperçu, avec une allure si particulièrement racée, que l’infâme jalousie dont il était depuis si longtemps dévoré, le mordit au cœur de nouveau. Il s’approcha, et la saluant :

— Vous allez vous promener ? dit-il.

Elle laissa passer quatre mots entre ses lèvres dédaigneuses.

— Vous le voyez bien !

— Au bois ?

— C’est probable.

— Me serait-il permis de vous accompagner ?

— La voiture est à vous.

Sans s’étonner du ton dont elle lui répondait, il monta et s’assit à côté de sa femme, puis il ordonna :

— Au bois.

Le valet de pied sauta sur le siège auprès du cocher ; et les chevaux, selon leur habitude, piaffèrent en saluant de la tête jusqu’à ce qu’ils eussent tourné dans la rue.

Les deux époux demeuraient côte à côte sans se parler. Il cherchait comment entamer l’entretien, mais elle gardait un visage si obstinément dur qu’il n’osait pas.

À la fin, il glissa sournoisement sa main vers la main gantée de la comtesse et la toucha comme par hasard, mais le geste qu’elle fit en retirant son bras fut si vif et si plein de dégoût qu’il demeura anxieux, malgré ses habitudes d’autorité et de despotisme.

Alors il murmura :

— Gabrielle !

Elle demanda, sans tourner la tête :

— Que voulez-vous ?

— Je vous trouve adorable.

Elle ne répondit rien, et demeurait étendue dans sa voiture avec un air de reine irritée.

Ils montaient maintenant les Champs-Élysées, vers l’Arc de Triomphe de l’Étoile. L’immense monument, au bout de la longue avenue, ouvrait dans un ciel rouge son arche colossale. Le soleil semblait descendre sur lui en semant par l’horizon une poussière de feu.

Et le fleuve des voitures, éclaboussées de reflets sur les cuivres, sur les argentures et les cristaux des harnais et des lanternes, laissait couler un double courant vers le bois et vers la ville.

Le comte de Mascaret reprit :

— Ma chère Gabrielle.

Alors, n’y tenant plus, elle répliqua d’une voix exaspérée :

— Oh ! Laissez-moi tranquille, je vous prie. Je n’ai même plus la liberté d’être seule dans ma voiture, à présent.

Il simula n’avoir point écouté, et continua :

— Vous n’avez jamais été aussi jolie qu’aujourd’hui.

Elle était certainement à bout de patience et elle répliqua avec une colère qui ne se contenait point :

— Vous avez tort de vous en apercevoir, car je vous jure bien que je ne serai plus jamais à vous.

Certes, il fut stupéfait et bouleversé, et, ses habitudes de violence reprenant le dessus, il jeta un – « Qu’est-ce à dire ? » qui révélait plus le maître brutal que l’homme amoureux.

Elle répéta, à voix basse, bien que leurs gens ne pussent rien entendre dans l’assourdissant ronflement des roues :

— Ah ! Qu’est-ce à dire ? Qu’est-ce à dire ? Je vous retrouve donc ! Vous voulez que je vous le dise ?

— Oui.

— Que je vous dise tout ?

— Oui.

— Tout ce que j’ai sur le cœur depuis que je suis la victime de votre féroce égoïsme.

Il était devenu rouge d’étonnement et d’irritation. Il grogna, les dents serrées :

— Oui, dites ?

C’était un homme de haute taille, à larges épaules, à grande barbe rousse, un bel homme, un gentilhomme, un homme du monde qui passait pour un mari parfait et pour un père excellent.

Pour la première fois depuis leur sortie de l’hôtel elle se retourna vers lui et le regarda bien en face :

— Ah ! Vous allez entendre des choses désagréables, mais sachez que je suis prête à tout, que je braverai tout, que je ne crains rien, et vous aujourd’hui moins que personne.

Il la regardait aussi dans les yeux, et une rage déjà le secouait. Il murmura :

— Vous êtes folle !

— Non, mais je ne veux plus être la victime de l’odieux supplice de maternité que vous m’imposez depuis onze ans ! Je veux vivre enfin en femme du monde, comme j’en ai le droit, comme toutes les femmes en ont le droit.

Redevenant pâle tout à coup, il balbutia :

— Je ne comprends pas.

— Si, vous comprenez. Il y a maintenant trois mois que j’ai accouché de mon dernier enfant, et comme je suis encore très belle, et, malgré vos efforts, presque indéformable, ainsi que vous venez de le reconnaître en m’apercevant sur votre perron, vous trouvez qu’il est temps que je redevienne enceinte.

— Mais vous déraisonnez !

— Non. J’ai trente ans et sept enfants, et nous sommes mariés depuis onze ans, et vous espérez que cela continuera encore dix ans, après quoi vous cesserez d’être jaloux.

Il lui saisit le bras et l’étreignant :

— Je ne vous permettrai pas de me parler plus longtemps ainsi.

— Et moi, je vous parlerai jusqu’au bout, jusqu’à ce que j’aie fini tout ce que j’ai à vous dire, et si vous essayez de m’en empêcher, j’élèverai la voix de façon à être entendue par les deux domestiques qui sont sur le siège. Je ne vous ai laissé monter ici que pour cela, car j’ai ces témoins qui vous forceront à m’écouter et à vous contenir. Écoutez-moi. Vous m’avez toujours été antipathique et je vous l’ai toujours laissé voir, car je n’ai jamais menti, Monsieur. Vous m’avez épousée malgré moi, vous avez forcé mes parents qui étaient gênés à me donner à vous, parce que vous êtes très riche. Ils m’y ont contrainte, en me faisant pleurer.

Vous m’avez donc achetée, et dès que j’ai été en votre pouvoir, dès que j’ai commencé à devenir pour vous une compagne prête à s’attacher, à oublier vos procédés d’intimidation et de coercition pour me souvenir seulement que je devais être une femme dévouée et vous aimer autant qu’il m’était possible de le faire, vous êtes devenu jaloux, vous, comme aucun homme ne l’a jamais été, d’une jalousie d’espion, basse, ignoble, dégradante pour vous, insultante pour moi. Je n’étais pas mariée depuis huit mois que vous m’avez soupçonnée de toutes les perfidies. Vous me l’avez même laissé entendre. Quelle honte ! Et comme vous ne pouviez pas m’empêcher d’être belle et de plaire, d’être appelée dans les salons et aussi dans les journaux une des plus jolies femmes de Paris, vous avez cherché ce que vous pourriez imaginer pour écarter de moi les galanteries, et vous avez eu cette idée abominable de me faire passer ma vie dans une perpétuelle grossesse, jusqu’au moment où je dégoûterais tous les hommes. Oh ! Ne niez pas ! Je n’ai point compris pendant longtemps, puis j’ai deviné. Vous vous en êtes vanté même à votre sœur, qui me l’a dit, car elle m’aime et elle a été révoltée de votre grossièreté de rustre.

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