Aucune phrase de transition ne vint ensuite à l’esprit de Mackenzie et vu qu’elle ne s’était jamais considérée comme étant très douée dans l’art de la conversation, elle fit de son mieux pour arriver dans le vif du sujet sans avoir l’air trop impolie.
« Et bien, je suis revenue en ville en espérant trouver davantage d’informations sur le meurtre de mon père. Pendant de longues années, l’enquête était restée en stand-by mais une autre série de meurtres ailleurs au Nebraska ont fait que nous nous y intéressions à nouveau. Je voulais vous parler car il semblerait que vous ayez été proche de ma mère. Je me demandais si vous pouviez m’en dire plus concernant l’état dans lequel elle se trouvait dans les jours précédents et suivants la mort de mon père. »
Amy aspira une bouffée de sa cigarette et s’enfonça dans son fauteuil. Elle n’avait plus l’air méfiant maintenant, mais plutôt triste.
« Mon dieu, ta mère me manque. Comment va-t-elle ? »
« Je ne sais pas, » dit Mackenzie. « On ne s’est pas parlé depuis plus d’un an. Il y a quelques problèmes en suspens entre nous, comme vous pouvez l’imaginer. »
Amy hocha la tête. « A-t-elle fini par sortir de cette… résidence ? »
Elle veut parler de l’hôpital psychiatrique, pensa Mackenzie. « Oui. Puis elle a loué un appartement quelque part et a continué à vivre sa vie. Elle nous a plus ou moins abandonnées, Stéphanie et moi. »
« Quand ton père est mort, ça a vraiment été dur pour elle, » dit Amy. « Le fait qu’elle soit là, sur ce divan, quand c’est arrivé – ça l’a vraiment foutue en l’air. »
Ouais, ça m’a pas mal foutue en l’air aussi, pensa Mackenzie. « Oui, on était tous là. Est-ce que maman vous a raconté quoi que ce soit concernant cette nuit-là ? Quelque chose qu’elle aurait vu ou entendu ? »
« Pas que je me rappelle. Je sais qu’elle était hantée par l’idée que la porte avait dû être ouverte – que la personne qui était entrée et avait tué ton père avait juste eu à traverser la maison. Ça la paniquait vraiment que ça ait pu être toi ou ta sœur. »
« Et pour finir, » dit Mackenzie, « tout le monde s’en est sorti sain et sauf. L’assassin voulait uniquement mon père. Est-ce que maman vous a parlé de quoi que ce soit concernant mon père qui ait pu vous sembler bizarre ? Peut-être des raisons pour que quelqu’un souhaite sa mort ? »
« Franchement, ta mère avait surtout parlé de combien elle le trouvait sexy dans son uniforme de police. Mais il était détective vers la fin, n’est-ce pas ? »
« C’est ça. Alors… est-ce que maman aimait le fait qu’il soit policier ou est-ce que ça la mettait mal à l’aise ? »
« Un peu des deux, je pense. Elle était très fière de lui mais elle s’inquiétait tout le temps pour lui. C’est la raison pour laquelle elle buvait autant. Elle avait tout le temps peur qu’il soit blessé et la boisson était sa façon à elle de gérer le stress. »
« Je vois… »
« Écoute, je sais que certaines rumeurs en ville ne sont pas des plus agréables, mais ta mère aimait ton père. Elle l’aimait vraiment beaucoup. Il faisait tout son possible pour la soutenir. Quand il est devenu policier et qu’ils pouvaient à peine payer leurs factures, il a même fait un prêt et acheté ce minuscule édifice d’appartements en-dehors de la ville. Il essaya d’être propriétaire pendant environ deux ans mais ce n’était pas fait pour lui. Mais les revenus étaient suffisants pour les maintenir à flot, par contre. »
« À quand ça remonte ? » demanda-t-elle.
« Avant que tu ne sois là, ça, c’est sûr, » dit Amy. « On était tous si jeunes à l’époque. Mon dieu, je n’arrive pas à comprendre comment j’oublie certains détails aussi facilement… »
Mackenzie ne put s’empêcher de sourire. Juste comme ça, elle venait d’apprendre quelque chose de nouveau sur son père. Peut-être que sa mère et lui avaient mentionné cette tentative d’être propriétaire devant elle dans le passé mais si c’était le cas, elle n’y avait jamais vraiment prêté attention.
« Amy, à quand date la dernière fois où vous avez parlé avec ma mère ? »
« Le jour avant qu’elle ne parte pour cette résidence. Je ne cherche pas à retourner le couteau dans la plaie, mais même à ce moment-là, je pense qu’elle était fâchée sur toi. Mais elle ne m’a jamais dit pourquoi. »
« Et est-ce qu’elle a dit quoi que ce soit concernant mon père ? »
« Elle disait que c’était arrivé comme un cauchemar. Elle disait que c’était sa faute et qu’elle aurait dû être capable de l’empêcher. J’ai imaginé qu’elle se sentait surtout coupable d’être endormie et de ne pas s’être réveillée quand cette personne est apparemment entrée dans la maison avec une arme. »
« Il y a quoi que ce soit d’autre dont vous vous rappeliez ? » demanda Mackenzie.
Pendant qu’Amy réfléchissait, Mackenzie repensa à une des choses qu’elle venait de lui dire. Elle aurait dû être capable de l’empêcher.
Ça semble un commentaire bien étrange à faire au vu de ce qui s’est passé.
Elle sait quelque chose. Ça a toujours été le cas et j’ai toujours eu bien trop peur de lui poser la question…
Merde. Il va falloir que je l’appelle.
Amy finit par lui répondre : « Non, rien dont je puisse me rappeler pour l’instant. Mais tu as ravivé des souvenirs du passé, alors si je me rappelle de quoi que ce soit, je n’hésiterai pas à t’en informer. »
« Ce serait très apprécié, » dit Mackenzie, en tendant à Amy une de ses cartes de visite.
Elle sortit de la maison, trop contente de pouvoir respirer l’air frais. Elle se dirigea vers sa voiture, consciente d’empester la fumée de cigarette et en méditant sur ce qu’elle avait appris de nouveau sur son père.
Un propriétaire, pensa-t-elle. Je ne peux pas du tout l’imaginer ! Je me demande si Stéphanie savait…
Mais dans la foulée, une autre évidence lui vint à l’esprit.
Je vais devoir rendre visite à ma mère. Je ne vais pas pouvoir l’éviter plus longtemps.
Cette pensée la rendit instantanément nerveuse. Alors qu’elle regagnait la Dublin Road, le simple fait de penser qu’elle allait voir sa mère la mettait mal à l’aise. Elle avait l’impression d’avoir un poids sur l’estomac. Elle roula en direction de la ville, en essayant de penser à ce qu’elle pourrait bien faire d’autre pour reporter l’inévitable visite.
Elle avait encore une autre tâche à faire avant de se tourmenter davantage à l’idée d’une visite avec sa mère. Elle consulta les dossiers de l’enquête et en sortit les informations concernant l’autopsie de son père. Elle trouva le nom du médecin légiste qui avait rédigé le rapport et se mit en quête de le retrouver.
Ce fut assez facile. Bien que le médecin légiste en question ait pris sa retraite deux ans plus tôt, le comté de Morrill était le genre d’endroit qui ressemblait à un trou noir. C’était impossible d’en sortir. C’est pourquoi il y avait autant de visages familiers dans les rues de la ville. Personne n’avait songé à partir, à aller voir ce que la vie pouvait leur offrir ailleurs.
Elle avait appelé l’agent Harrison à Washington pour obtenir l’adresse de Jack Waggoner, le médecin légiste qui avait travaillé sur son père. Elle obtint l’adresse en quelques minutes et se dirigea vers une autre petite ville du nom de Denbrough. Denbrough se trouvait à soixante kilomètres au Sud de Belton, deux petites taches sur la carte du comté de Morrill.
Jack Waggoner vivait dans une maison qui se trouvait à côté d’une grande prairie. De vieux poteaux et du fil barbelé indiquaient que la prairie avait autrefois servi à garder des chevaux ou du bétail. Quand elle gara sa voiture dans l’allée de la jolie maison à un étage de style colonial, elle vit qu’une femme était occupée à arracher les mauvaises herbes d’un jardin de fleurs qui entourait le porche d’entrée.
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