Ils retrouvèrent Penbrook dans la même salle de conférence où ils s’étaient réunis ce matin. Ça avait été une longue journée, encore plus longue avec le vol qu’ils avaient pris aux aurores depuis Washington. Mais en sachant quelle serait leur prochaine étape, Mackenzie se sentait pleine d’énergie et prête à continuer.
Ils racontèrent à Penbrook leur conversation avec Kim Scotts et prirent un peu de temps pour passer en revue les factures qu’elle leur avait données. Ils firent ça rapidement, comme si c’était une sorte d’exercice obligatoire.
« Et ici, au commissariat ? » demanda Ellington. « Des nouveautés ? »
« Aucune, » dit Penbrook. « Franchement, je serai content de savoir quelle autre piste vous allez suivre. J’ai cru comprendre que cette enquête vous était personnelle, agent White. Quelle est votre prochaine étape ? »
« Je voudrais me rendre au comté de Morrill. C’est là où mon père et Jimmy Scotts ont tous les deux été assassinés. Et puisque la mort de mon père semble être la première du genre, je pense que c’est le meilleur endroit où commencer les recherches. »
« Et qu’est-ce que vous allez y chercher, exactement ? » demanda Penbrook.
« Je ne sais pas encore. »
« Mais ne vous y trompez pas, » lui dit Ellington. « Elle obtient d’excellents résultats quand elle part à l’aveuglette à la recherche de quelque chose. »
Elle l’interrompit avec un sourire et retourna son attention vers Penbrook. « J’ai grandi dans une ville du nom de Belton. Je vais commencer par là. Je saurai quelle est la prochaine étape une fois qu’elle se présentera. »
« Si c’est ce que vous voulez faire, je ne vais pas essayer de vous en dissuader, » dit Penbrook. « Mais le comté de Morrill est à quoi… environ six heures de route ? »
« Ça ne me dérange pas de rouler, » dit-elle. « Ça ira. »
« Quand est-ce que vous comptez partir ? »
« Bientôt. Si je peux partir d’ici à dix-huit heures, je serai à Belton vers minuit. »
« Et bien, bonne route alors, » dit Penbrook. Il avait l’air déçu et un peu contrarié. Il était clair qu’il aurait préféré qu’ils restent à ses côtés jusqu’à ce que l’enquête soit résolue.
Ne faisant aucun effort pour dissimuler ses sentiments, Penbrook se dirigea vers la porte. En les regardant à peine, il leur adressa un signe superficiel de la main. « Faites-nous savoir si vous avez besoin de quoi que ce soit. »
Lorsque Penbrook eut refermé la porte derrière lui, Mackenzie laissa échapper un soupir. « Wow, » dit-elle. « Ça ne lui a vraiment pas plu du tout, je me trompe ? »
Ellington réfléchit un moment avant de répondre. Quand il finit par ouvrir la bouche, il parla à voix basse et de manière posée. « Mais je pense comprendre son point de vue. »
« Comment ça ? » demanda Mackenzie.
« Les meurtres les plus récents ont tous eu lieu autour d’Omaha. Se rendre jusqu’à l’autre bout du Nebraska peut sembler tout à fait superflu. »
« Mais c’est là où tout a commencé, » dit-elle. « Ça me paraît logique. »
Elle sentait qu’il avait envie de se lever de son siège et de venir auprès d’elle – peut-être pour la prendre dans ses bras ou lui prendre la main. Mais il s’était toujours efforcé de maintenir des limites claires entre le boulot et leur vie amoureuse. Par conséquent, il resta sur sa chaise.
« Écoute, » dit-il. « Je sais combien cette affaire est importante pour toi. Et je te connais assez bien pour savoir que tu ne t’arrêteras pas tant qu’elle n’est pas résolue. Et si tu veux aller à Belton, alors je pense qu’il faut que tu le fasses. Mais… je pense que c’est peut-être mieux que je reste ici. »
Elle n’avait pas une seule seconde envisagé de retourner dans sa ville natale toute seule. Elle l’avait fait il y a un peu plus d’un an mais c’était différent. À l’époque, elle n’avait pas le soutien d’Ellington sur lequel se reposer.
Apparemment, la déception et la peine envahirent son visage car cette fois-ci Ellington se leva de sa chaise. Il s’approcha et se plaça devant elle. Il prit une de ses mains et la serra.
« J’ai envie d’y aller, vraiment. Mais nous avons déjà fait ce genre d’erreur dans le passé. Nous nous sommes rendus à un endroit éloigné du centre de l’enquête pour finir par constater à notre retour que quelque chose de très important s’était passé. Sur cette affaire, je ne pense pas qu’on puisse se le permettre. Si tu sens qu’il faut que tu ailles dans le comté de Morrill, alors vas-y. Mais je pense qu’il faut que je reste ici, au bureau local. Au risque de paraître insensible… cette enquête ne concerne pas uniquement ton père. Il y a plusieurs cadavres ici aussi, à Omaha. Des meurtres récents. »
Et bien sûr qu’il a raison, pensa-t-elle. Mais en même temps… pourquoi m’abandonner quand j’ai le plus besoin de lui ?
Mais elle hocha la tête. Elle n’allait pas lui faire un drame maintenant. Ni plus tard d’ailleurs, si elle pouvait l’éviter. De plus… pourquoi serait-elle fâchée sur lui alors qu’il parvenait à séparer leur vie professionnelle de leur relation amoureuse ? Et ce n’était pas vraiment son cas pour l’instant.
« C’est logique, » dit-elle. « Peut-être que tu peux commencer à sonder les rues et à parler avec les autres vagabonds. »
« C’est exactement ce à quoi je pensais. Mais écoute, Mac…. Si tu veux que je vienne… »
« Non, » dit-elle. « Ça va aller. Tu as raison. Faisons à ta manière. »
Elle détestait le fait que sa déception soit aussi visible. Elle savait qu’il n’avait aucun doute concernant ses instincts et elle savait également que son approche à lui serait beaucoup plus utile à l’enquête. Mais elle retournait dans sa ville natale pour faire face à des démons qu’elle n’avait fait qu’ignorer et qu’elle n’avait jamais réussi à laisser derrière elle. C’était la première occasion véritable qu’il avait de lui montrer le type d’homme qu’il pouvait être pour elle.
Mais il faisait le choix d’être un bon agent plutôt qu’un bon petit ami.
Elle comprenait très bien et elle n’en tomba que plus amoureuse de lui.
« Je ne suis pas stupide, Mac, » dit-il. « Tu es fâchée. Je peux t’accompagner. Ce n’est pas grave. »
« Je ne suis pas fâchée… pas sur toi. Je déteste juste la manière dont cette enquête me fait sentir comme deux personnes différentes. Mais tu as raison. Il faut que tu restes ici. »
Elle lui donna un petit baiser au coin des lèvres et se dirigea vers la porte.
« Tu pars tout de suite ? »
« C’est mieux que de prolonger et d’être encore plus contrariée, tu ne trouves pas ? Je t’appelle dès que j’ai trouvé une chambre. »
« Tu es sûre que c’est ce que tu veux ? » demanda-t-il.
Je ne sais pas ce que je veux, pensa-t-elle. Et c’est ça, le problème. Au lieu de ça, elle se contenta de répondre : « Oui. C’est ce qu’il y a de mieux à faire. Je t’appelle vers minuit. »
Sur ces mots, elle quitta la salle de conférence. Elle dut se forcer pour ne pas retourner en arrière et lui expliquer qu’elle n’avait aucune idée pourquoi sa proposition de se séparer la dérangeait autant. Mais au lieu de ça, elle continua. Elle garda les yeux baissés, ne souhaitant parler à personne, tout en se dirigeant vers la réception pour y demander une voiture.
Avec le recul, Mackenzie pensa finalement qu’elle aurait mieux fait de passer la nuit à Omaha et de faire la route jusqu’au comté de Morrill durant la journée. Traverser la petite ville de Belton à minuit cinq était plus que sinistre. Il n’y avait pratiquement aucune voiture sur la route et les seules lumières visibles étaient les réverbères le long de Main Street et quelques enseignes lumineuses aux vitrines de bars ainsi qu’au seul endroit qu’elle cherchait actuellement à atteindre, l’unique motel de la ville.
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