Une secousse soudaine fit brusquement ouvrir les yeux de Keira. Elle regarda autour d’elle, désorientée, surprise de se retrouver dans un avion. Ils descendaient à travers les nuages et le voyant pour la ceinture de sécurité était allumé. La dernière approche avait dû commencer. Elle avait dormi durant tout le voyage.
Le rêve l’avait laissée haletante. Elle toucha sa poitrine et sentit son cœur palpiter sous sa chemise. Sa tête lui tournait toujours sous l’effet de l’alcool qu’elle n’avait pas réussi à complètement évacuer pendant son sommeil.
« Je pense que vous faisiez un cauchemar », dit Garrett.
Keira se massa les tempes, et se remémora le rêve étrange qu’elle avait eu. « Oui, je pense que vous avez raison. Au début. J’étais hantée par mon ex-petit ami qui épousait ma sœur. Et tous mes meilleurs amis. Et ma mère. »
L’homme eut l’air perplexe. Keira se demanda ce qu’il pensait vraiment d’elle. D’après son expression, elle supposait qu’il pensait qu’elle était folle. Une cinglée.
L’avion atterrit dans une secousse, puis commença à rouler le long de la piste. Quand il s’arrêta enfin, l’homme à côté de Keira bondit à la seconde où le voyant pour la ceinture de sécurité s’éteignit.
« Pour éviter les files d’attente », dit-il, l’air gêné.
« Bien sûr », répondit Keira avec un rictus dans son sourire.
Les portes de la cabine s’ouvrirent et Garrett se précipita vers elles. Keira se mit à rire intérieurement. Elle avait apprécié sa fausse identité. Peut-être Bryn n’était-elle pas aussi ridicule qu’elle l’avait toujours pensé !
Elle rassembla ses affaires et se détacha, puis récupéra son sac à main dans le compartiment supérieur. Le long de l’allée, Keira réfléchit à la façon dont le jeu auquel elle avait joué avec Garrett allait à présent devoir être réellement appliqué. Pendant les trois semaines à suivre, elle allait devoir faire semblant d’être quelqu’un qu’elle n’était pas, quelqu’un qui croyait encore en l’amour. D’une façon ou d’une autre, elle avait le sentiment que cela allait être beaucoup plus difficile que d’être une œnologue.
Elle sortit de l’avion et laissa la chaleur du soleil lui caresser la peau. C’était beaucoup plus agréable que le temps froid qu’elle avait laissé à New York. Il y avait quelque chose dans le soleil qui la faisait toujours se sentir optimiste. Il rendait tout plus beau, et même si elle ne voyait pas grand-chose de l’Italie en ce moment hormis l’aéroport, les collines environnantes semblaient magnifiques sous la lumière vive.
Elle suivit le chemin vers le hall, en sachant qu’elle rencontrerait bientôt son guide. Pour la première fois depuis son départ de New York, elle se laissa imaginer que son Roméo l’attendait…
Le temps qu’elle récupère sa valise et émerge dans le hall des arrivées, l’esprit rêveur de Keira était passé à la vitesse supérieure. Elle avait fait fusionner le Roméo de son rêve avec le guide touristique qu’elle allait rencontrer, le transformant en un personnage complètement étoffé qui lui ferait perdre la tête avec sa personnalité fougueuse et passionnée. Elle avait simplement hâte de le rencontrer !
Elle se tint là avec sa valise, et observa l’aéroport de Naples autour d’elle. Il y avait des gens tout autour qui tenaient des pancartes et quand Keira vit la sienne, son cœur s’envola.
L’homme qui la tenait était un Adonis.
Keira sentit une charge d’électricité la traverser tandis qu’elle se précipitait vers lui.
« Salut, je suis Keira », dit-elle en désignant le panneau avec son nom dessus.
L’homme la regarda, confus, puis regarda le panneau. « Oh ? Ça ? » Il se mit à rire. « Je le tenais juste pour un mec pendant qu’il allait aux toilettes. »
Juste à ce moment-là, Keira aperçut un homme qui sortait des toilettes et se dirigeait vers elle. Il était petit, rondelet, négligé, vêtu d’une chemise grise tachée et d’un jean mal ajusté, et le peu de cheveux qu’il lui restait sur la tête ressemblaient à un nid d’oiseau désordonné. Elle souhaita ardemment qu’il les dépasse mais réalisa, le cœur serré, qu’il se dirigeait droit vers eux.
L’Adonis avec la pancarte le remarqua. Une fois qu’il fut proche d’eux, le bel Apollon lui tendit le panneau et se précipita vers l’endroit où une splendide fille avait émergé dans le hall des arrivées. Ils entreprirent de mettre les bagages sur le charriot. Keira grimaça.
« Jeune amour, hein ? », dit le guide en grattant la bande de peau exposée que sa chemise ne recouvrait pas complètement. « Vous Karla ? »
« Keira. »
Il vérifia le panneau et haussa les épaules. « Les noms américains sonnent pareil pour moi. »
Quand il parla, un relent d’oignon et de café accompagna son haleine, et retourna l’estomac de Keira.
« Allez », aboya-t-il à Keira. « La voiture est par ici. »
Il tourna les talons et s’éloigna rapidement, pour disparaître dans la foule et laisser Keira perdue au milieu de l’aéroport. Elle attrapa sa valise et regarda frénétiquement autour d’elle pour trouver le panneau indiquant la sortie.
Elle le repéra, lui et l’arrière de la tête du guide tandis qu’il marchait rapidement à travers l’aéroport. Il ne s’était même pas retourné pour vérifier qu’elle était toujours avec lui !
Avec une grimace, Keira suivit la direction de cet homme négligé, traînant sa lourde valise derrière elle.
Tandis qu’elle était malmenée par la foule qui se bousculait, son excitation à la perspective d’une romance italienne qui guérirait son cœur brisé fut bel et bien anéantie. Au lieu d’être emportée par un bel homme, elle allait devoir endurer une haleine à l’oignon et un guide grossier.
Tant pis pour Roméo, pensa-t-elle avec un cœur lourd.
« Vous saviez que vous étiez en retard ? », dit le guide, Antonio, tandis qu’il la guidait à travers le parking. Les rides sur son front causées par son froncement de sourcils étaient si profondes qu’on aurait dit qu’il la fusillait du regard.
« Il a fallu du temps pour que mon sac arrive », répliqua Keira, encore sous le choc d’avoir vu ses espoirs de rencontrer Roméo anéantis.
Antonio mettait Keira très mal à l’aise en sa compagnie, et pas seulement à cause du ventre rond et poilu qui ressortait au-dessus de sa taille. Son attitude était dure, comme un professeur d’école auquel elle pouvait déjà voir qu’elle ne pourrait jamais plaire.
L’air était très chaud, presque oppressant, mais cela ne semblait pas le ralentir. Ils marchaient à vive allure, et Antonio restait à quelques pas devant Keira, qui avait du mal à se débrouiller avec ses affaires. Elle devenait déjà collante de sueur.
« J’ai mal au dos », dit-il, comme à titre d’explication pour ne pas l’aider.
Pendant qu’ils marchaient, Antonio parlait, ses mots sortant dans un énorme flot rapide, et sa voix ressemblait à celle d’un chien qui aboie. Keira pensa au Roméo de son rêve. Antonio ne pouvait pas en être plus éloigné !
« Vingt-et-un jours, hein ? », dit-il. Il avançait à grands pas, de telle sorte que Keira devait sautiller pour suivre.
Déjà, elle les redoutait.
Il la conduisit à une voiture. Keira s’attendait à quelque chose d’agréable, mais à la place fut confrontée à un vieux petit véhicule rouillé.
« C’est ça ? », demanda-t-elle.
« Il n’y a pas de place pour la valise sur les sièges arrière. Mettez-là dans le coffre », ordonna Antonio.
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