Clark trouva l’information et tendit son téléphone à Mackenzie pour qu’elle note l’adresse. Elle nota également les noms et les numéros des amis de Clark qui avaient passé la soirée avec eux la nuit du meurtre de Christine. Tout en rassemblant les informations, elle réalisa qu’elle touchait instinctivement son alliance, elle aussi. Ellington, qui avait remarqué son tic nerveux, lui adressa un petit sourire malgré la situation. Elle arrêta de faire tourner la bague en rendant son téléphone à Clark.
***
L’attitude de Margaret Lynch était l’exact opposé de celle de Clark Manners. Elle était détendue et maîtresse d’elle-même, et accueillit Mackenzie et Ellington avec un sourire lorsqu’ils arrivèrent dans le hall du Radisson où elle avait pris une chambre. Elle les mena jusqu’à un canapé au fond du vestibule, leur montrant finalement un premier signe de faiblesse.
- Si j’en viens à pleurer, je préfère ne pas le faire devant tout le monde, lança-t-elle en s’installant dans le canapé comme si elle était à peu près certaine que ça arriverait.
- J’aimerais commencer par vous demander si vous connaissez bien Clark Manners, dit Mackenzie.
- Pour tout vous dire, je lui ai parlé pour la première fois il y a deux jours, après ce qui est arrivé. Mais Christine m’a parlé de lui plusieurs fois au téléphone. Elle était assez amoureuse, je crois.
- Avez-vous des suspicions ?
- Non. Bien sûr, je ne connais pas ce garçon mais d’après ce que Christine m’a dit de lui, je ne le crois pas capable de commettre un tel acte.
Mackenzie nota que Mme Lynch s’efforçait à tout prix d’éviter les mots comme tuée ou meurtre. Elle supposa que cette femme parvenait à se contenir parce qu’elle s’efforçait de mettre la mort de sa fille à distance. Ce qui était probablement plus facile puisqu’elles vivaient à deux extrémités du pays depuis un moment.
- Que pouvez-vous me dire de la vie de Christine à Baltimore ? demanda Mackenzie.
- Eh bien, elle a commencé ses études à San Francisco. Elle voulait être avocate, mais l’université et la charge de travail… ce n’était pas fait pour elle. Nous avons longuement discuté de sa candidature à l’Université Queen Nash. Longuement. Son père est mort quand elle avait onze ans, j’ai élevé Christine seule depuis. Pas d’oncles ni de tantes. Notre famille est minuscule. Il lui reste une grand-mère, mais elle souffre de démence sénile et vit dans une résidence spécialisée près de Sacramento. Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais la crémation aura lieu ici, à Baltimore. Il m’a semblé inutile de multiplier les difficultés en demandant le transfert du corps en Californie pour qu’il se passe exactement la même chose. Nous n’avons aucune attache dans la région, en réalité. Et je sais qu’elle aimait vivre ici, alors…
Cette pauvre femme va être seule au monde, pensa Mackenzie. Elle pensait toujours à ce genre de choses lorsqu’elle questionnait et interrogeait les gens, mais cette fois, elle fut plus affectée que d’ordinaire.
- Donc, elle a été acceptée et après un semestre, elle a su qu’elle adorait cet endroit. Elle n’arrêtait pas de me demander pardon, elle s’inquiétait à l’idée que je vieillisse seule, isolée, sans elle. Elle gardait le contact et m’appelait deux fois par semaine. Elle me parlait de ses cours, et, comme je l’ai dit, elle a fini par me parler de Clark.
- Que vous a-t-elle raconté sur lui ? l’interrompit Ellington.
- Qu’il était mignon et très drôle. Mais elle a aussi mentionné le fait qu’elle ne le trouvait parfois pas très passionnant et qu’il avait tendance à trop boire chaque fois que l’occasion se présentait.
- Mais rien de négatif ?
- Pas que je me souvienne.
- Je vous prie de me pardonner de vous poser la question, dit Mackenzie, mais savez-vous si leur relation était exclusive ? Y avait-il une chance pour que Christine voie quelqu'un d’autre en parallèle ?
Mme Lynch resta pensive pendant un moment. La question ne semblait pas l’avoir offensée ; elle conserva le calme apparent qu’elle cultivait depuis le début leur rencontre dans la réception de l’hôtel. Mackenzie se demanda à quel moment la pauvre dame finirait par exploser.
- Elle n’a jamais mentionné la moindre compétition en matière de cœur, répondit Mme Lynch. Et je pense que je sais pourquoi vous me posez la question. On m’a parlé de l’aspect de la scène du crime – sa poitrine nue, et le reste. J’ai juste supposé…
Elle s’arrêta net et attendit un instant pour retrouver contenance. Les mots qui suivaient l’avaient bouleversée, mais elle parvint à reprendre le contrôle avant que ses émotions ne la submergent. Quand elle continua son récit, son visage était toujours aussi impassible.
- J’ai juste supposé qu’il s’agissait d’un viol qui avait mal tourné. Que l’homme s’était peut-être mis en colère pour une raison ou une autre, et n’était pas allé jusqu’au bout. Mais j’imagine que la possibilité qu’il y ait eu un autre homme dans sa vie existe. Si c’était le cas, je n’étais simplement pas au courant.
Mackenzie hocha la tête. La théorie du viol lui avait traversé l’esprit, mais la manière dont le T-shirt avait été retiré, la position de sa tête dessus… rien ne semblait aller dans cette direction.
- Eh bien, Mme Lynch, nous ne voulons pas abuser de votre temps, lança Mackenzie. Combien de temps comptez-vous rester en ville ?
- Je ne sais pas encore. Peut-être un jour ou deux après les funérailles.
En prononçant le mot funérailles, sa voix trembla légèrement.
Ellington lui tendit l’une de ses cartes de visite en se relevant.
- Si quelque chose vous revient, ou si vous avez vent de quoi que ce soit pendant les funérailles ou à un autre moment, faites-nous le savoir, s’il vous plaît.
- Bien sûr. Et merci pour votre implication.
Mme Lynch avait l’air désespéré lorsque Mackenzie et Ellington s’en allèrent. Normal, pensa Mackenzie. Elle est seule dans une ville inconnue, où elle a été obligée de venir à cause du décès de sa fille.
Mme Lynch les accompagna jusqu’à la porte et leur fit signe lorsqu’ils s’éloignèrent en direction de leur voiture. Ce fut la première fois où Mackenzie réalisa que ses hormones étaient officiellement hors de contrôle à cause de sa grossesse. Elle avait bien plus de peine pour Mme Margaret Lynch que cela n’aurait été le cas avant de se savoir enceinte. Créer la vie, la nourrir et la choyer pour qu’on vous l’arrache d’une manière si brutale… cela devait être atroce. Mackenzie se sentait absolument déchirée en repensant à Mme Lynch, tandis qu’Ellington et elle reprenaient la route.
Cela lui suffit pour qu’une vague de détermination monte en elle. Elle avait toujours eu une passion pour le redressement de torts – pour traîner les tueurs et autres criminels devant la justice. Et qu’il s’agisse d’une réaction hormonale ou non, elle fit le serment de débusquer le tueur de Christine Lynch, ne serait-ce que pour permettre à Margaret Lynch de faire son deuil en paix.
La première personne qui figurait sur la liste d’amis que Clark Manners leur avait fournie était un type nommé Marcus Early. Lorsqu’ils tentèrent de le contacter, ils tombèrent directement sur sa boîte vocale. Ils tentèrent alors leur chance avec la deuxième sur la liste, Bethany Diaggo, et parvinrent à convenir d’un rendez-vous sur le champ.
Ils allèrent à la rencontre de Bethany sur son lieu de travail, dans un cabinet d’avocats où elle faisait son stage, dans le cadre de son parcours à Queen Nash. Comme la journée touchait à sa fin, il lui suffit de sortir une demi-heure plus tôt et de les retrouver dans l’une des petites salles de conférence du fond.
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