— Oh, tu l’es, dit Riley. Sa voix s’étouffa un peu. Tu l’es vraiment. Tu n’as pas idée à quel point je suis reconnaissante de t’avoir dans nos vies.
Riley et Gabriela restèrent assisses à se sourire l’une à l’autre en silence pendant un moment. Riley se sentit soudain beaucoup, beaucoup mieux.
Puis la sonnette retentit. Riley donna un gros câlin à sa gouvernante et monta au rez-de-chaussée pour aller ouvrir la porte.
Pendant un instant, Riley fut ravie de voir que son beau petit ami, Blaine, venait d’arriver. Mais elle remarqua quelque chose de nostalgique dans son sourire, un air mélancolique dans ses yeux.
Ce ne sera pas une visite agréable, réalisa-t-elle.
Quelque chose n’allait pas, Riley le savait. Au lieu d’entrer directement et de se mettre à l’aise comme d’habitude, Blaine se contenta de se tenir devant sa porte d’entrée. Il y avait une expression vaguement expectative sur ses traits agréables.
Le cœur de Riley se serra. Elle avait une idée assez précise de ce que Blaine avait à l’esprit. En fait, elle s’y attendait depuis des jours. Pendant un moment, elle eut profondément envie de fermer la porte et de prétendre qu’il n’était pas passé maintenant.
— Entre, dit-elle.
— Merci, répondit Blaine, et il entra dans la maison.
Alors qu’ils s’asseyaient dans le salon, Riley demanda :
— Tu veux boire un verre ?
— Euh, non, je ne crois pas. Merci.
Il ne s’attend pas à ce que cette visite soit longue, pensa Riley.
Puis il regarda autour de lui et dit :
— La maison est terriblement calme. Les filles sont sorties cet après-midi ?
Non, elles ne veulent rien avoir à faire avec moi, faillit lâcher Riley.
Mais cela ne semblait pas juste au vu des circonstances. Si les choses avaient été normales entre eux, Riley se sentirait libre de parler des épreuves de la parentalité, et elle pourrait s’attendre à ce que Blaine compatisse joyeusement et même lui remonte le moral avec quelques mots d’encouragement.
Ce n’était pas un de ces moments.
— Comment te sens-tu ? demanda Blaine.
Pendant une seconde, cela lui sembla être une question étrange, et Riley eut envie de dire : Plutôt pleine d’appréhension. Et toi ?
Mais elle réalisa qu’il parlait de la blessure au pic à glace. Il avait été extrêmement attentif et gentil avec elle pendant son rétablissement. De nombreux soirs, il avait apporté de délicieux repas du bon restaurant qu’il possédait et gérait.
Mais sa grande prévenance l’avait avertie que quelque chose de désagréable allait arriver. Il était toujours un homme gentil et dévoué, bien sûr. Mais au cours de la dernière semaine environ, il y avait eu une tristesse révélatrice dans sa gentillesse – avec peut-être un soupçon d’excuses tacites et inexpliquées.
— Je me sens beaucoup mieux, merci, dit-elle.
Blaine hocha la tête, puis dit lentement et posément :
— Alors je suppose que tu vas bientôt retourner au travail.
Voilà, pensa Riley.
— Je ne sais pas, dit-elle. C’est à mon patron de décider. Il ne m’a pas encore donné de nouvelle affaire.
Blaine la regarda, les yeux plissés.
— Mais te sens-tu prête à reprendre le travail ?
Riley soupira. Elle se souvenait de la conversation qu’ils avaient eue peu après qu’elle soit rentrée de l’hôpital. Elle lui avait dit qu’elle s’attendait à pouvoir retourner au travail dans environ une semaine, et il n’avait pas essayé de cacher son anxiété en l’entendant dire cela. Mais ils n’avaient pas essayé de résoudre les choses alors.
Au lieu de cela, Riley lui avait serré la main et lui avait dit : Je suppose qu’on a des choses à se dire.
Plus d’une semaine s’était écoulée depuis lors.
Cette conversation n’a que trop tardé, pensa-t-elle.
— Blaine, cela maintenant fait des jours je me sens prête à retourner au travail. Je suis plus que prête. Je suis désolée. Je sais que ce n’est pas ce que tu veux entendre, lui dit-elle.
Blaine fixa le sol pendant un moment.
— Riley, tu ne penses jamais à… ?
Sa voix s’éteignit.
— À quoi ? demanda Riley, essayant de chasser la note d’amertume de sa voix. M’orienter vers un autre métier ?
— Je ne sais pas, dit Blaine en haussant les épaules. Il y a sûrement des choses que tu peux faire avec le Bureau qui n’impliquent pas un tel… risque. Tu es agent de terrain depuis quoi ? Près de vingt ans ? Je sais que tu as été très douée et je ne peux pas te dire à quel point j’admire ton dévouement et ton courage. Mais n’as-tu pas donné assez pour ce genre de service ? Tu ne penses pas que tu mérites quelque chose de plus ?
Il s’arrêta encore de parler.
— Plus – sûr, tu veux dire ? Moins dangereux ? dit Riley.
Blaine acquiesça.
Riley ne savait pas quoi dire. Il y avait certainement des choix qu’elle pouvait faire, même au BAC. Mais cela signifierait d’énormes changements. Elle ne s’imaginait pas travailler dans un bureau, passant juste en revue les preuves que d’autres agents ramenaient au péril de leur vie. Même si elle avait aimé donner des conférences occasionnelles à l’Académie, elle pensait qu’il serait difficile d’enseigner à temps plein. Décrire des affaires aux recrues ne ferait que lui rappeler ce qu’elle ne faisait plus. Elle ne pouvait pas imaginer une vie sans confronter directement le mal, malgré tous ses dangers.
Cela signifierait abandonner tout ce pour quoi elle était vraiment douée.
Mais comment pouvait-elle expliquer cela à Blaine ?
Puis Blaine dit :
— J’espère que tu comprends, ce n’est pas pour moi que je m’inquiète.
Quand Riley comprit, cela lui fit l’effet d’un coup de poignard.
— Je sais, dit-elle.
En effet, elle savait qu’il était parfaitement sincère. Et cela en disait long sur Blaine. Le travail de Riley avait mis en danger sa propre vie, et il l’avait géré avec courage. En décembre dernier, un criminel désireux de se venger de Riley était venu chez elle alors qu’elle n’était pas là et avait tenté de tuer April et Gabriela. Blaine était venu à leur secours, mais il avait été gravement blessé. Riley était encore secouée par l’horreur quand elle repensait à cette épreuve.
— Je ne m’inquiète même pas pour toi, ou du moins pas essentiellement pour toi, ajouta Blaine.
— Je sais, dit encore Riley.
Il n’avait pas à s’expliquer. Elle savait qu’il s’inquiétait pour leurs enfants – les deux filles de Riley et sa propre adolescente, Crystal.
Et elle savait qu’il avait toutes les raisons de s’inquiéter.
Elle pouvait essayer autant qu’elle le voulait, elle ne pouvait pas garantir leur sécurité tant qu’elle continuait à vivre la vie qu’elle vivait. En fait, la sécurité de tous ceux qui l’entouraient était déjà en danger à cause des criminels qu’elle avait croisés, même ceux qu’elle avait défaits. Plus d’une fois, des personnages du passé étaient revenus pour essayer de se venger.
Blaine ouvrit la bouche comme s’il cherchait les mots justes.
Au lieu de cela, Riley dit :
— Blaine, je comprends. Nous n’avons pas besoin d’avoir cette discussion. Ça fait un moment nous l’avons, mais nous ne l’avons pas dit tout haut. J’ai compris. Vraiment.
Elle déglutit et ajouta :
— Les choses ne vont pas marcher entre toi et moi.
Alors même qu’elle prononçait ces mots, un sentiment de perte la submergea presque.
Blaine hocha la tête.
— Je suis désolée, dit Riley.
— Tu n’as aucune raison d’être désolée, dit Blaine.
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