1 ...6 7 8 10 11 12 ...15 Il semblait qu’elle avait déjà un surnom.
Zoe leva les yeux, légèrement surprise, mais se mit à lire à voix haute quand elle vit que Shelley était sérieuse.
— Trois corps en trois jours, on dirait. Le premier était dans le Nebraska, le second dans le Kansas et le troisième ici dans le Missouri.
— Notre criminel fait un road trip ou quoi ? se moqua Shelley.
Zoe nota les lignes dans sa tête et trouva un lien entre les villes. Il se dirigeait principalement vers le sud-est ; la route la plus probable lui ferait traverser le reste du Missouri vers l’Arkansas, puis le Mississippi, peut-être un peu du Tennessee vers Memphis. En supposant qu’elles ne l’arrêtent pas avant, évidemment.
— Le dernier meurtre a eu lieu à l’extérieur d’une station-service. La victime était la seule employée présente à la station. Son corps a été trouvé à l’extérieur.
Zoe pouvait se le visualiser. Une station-service sombre et isolée, une carte postale de n’importe quelle autre station-service reculée de cette partie du pays. Isolée, les lumières du parking étant les seules à des kilomètres à la ronde. Elle commença à parcourir les photographies de la scène avant de les passer à Shelley quand elle eut terminé.
Une image plus nette émergeait. Une femme laissée morte sur le sol, face à l’entrée — elle revenait de quelque part. Avait-elle été attirée dehors puis attaquée quand elle avait baissé sa garde ? Une sorte de bruit qu’elle aurait pu prendre pour celui de coyotes ou peut-être un client qui s’était plaint d’un problème avec sa voiture ?
Quoi que cela fût, cela avait suffi à l’éloigner de son poste et à l’attirer dehors dans l’obscurité et la froideur de la nuit. Cela devait avoir été quelque chose.
— Toutes les victimes sont des femmes, continua Zoe. Pas de ressemblance particulière au niveau de l’apparence. Différents groupes d’âge, couleurs de cheveux, poids, tailles. La seule chose qu’elles ont en commun est leur sexe.
Zoe visualisa les femmes debout devant un mur de photo anthropométrique dans son esprit alors qu’elle parlait. Une faisait un mètre soixante-trois, une faisait un mètre soixante-dix et l’autre faisait un mètre soixante-dix-sept. Une différence de taille assez considérable. Sept centimètres à chaque fois — était-ce un indice ? Non, elles avaient été tuées dans le désordre. La femme la plus petite était la plus lourde, et la plus grande était légère, et donc mince. Probablement facile à maîtriser physiquement malgré sa taille.
Différentes altitudes. Différentes distances d’une scène de crime à l’autre — aucun signe d’une formule ou d’un algorithme qui pourrait lui permettre de savoir à quelle distance se trouverait la prochaine. La topographie des lieux des meurtres était aussi différente.
— Ils semblent… aléatoires.
Shelley soupira et secoua la tête.
— J’avais peur que tu dises ça. Et le mobile ?
— Peut-être des crimes d’opportunité. Chaque femme a été tuée la nuit, dans un endroit isolé. Aucun témoin ni de caméra de surveillance allumée où les meurtres ont été commis. La police scientifique a dit qu’il n’a presque rien laissé derrière lui côté preuve.
— Alors on a affaire à un taré avec des envies de meurtre qui vient de décider de se déchaîner mais qui se maîtrise pourtant assez pour se protéger lui-même, résuma Shelley d’un ton assez sec pour que Zoe comprenne qu’elle se sentait aussi mal à l’aise qu’elle.
Cela n’allait pas être l’affaire facile et rapidement résolue qu’elle avait espérée.
La station-service était sinistrement calme quand Zoe arriva seule à la scène de crime. Il y avait du ruban adhésif partout maintenir les éventuels spectateurs à distance et un seul officier de police en poste devant la porte d’entrée pour s’assurer qu’aucun adolescent rebelle n’approche.
— Bonjour, dit Zoe en montrant sa plaque. Je vais jeter un coup d’œil à tout ça.
L’homme acquiesça d’un signe de tête, non pas que cela fut nécessaire, et elle passa derrière lui puis se baissa pour passer sous le ruban et entrer.
Shelley avait trouvé le meilleur moyen d’utiliser leurs compétences particulières et uniques. Sans discussion préalable, elle avait suggéré qu’elle irait interroger la famille et que Zoe irait à la scène de crime du dernier meurtre après l’avoir déposée. C’était légitime. Zoe pourrait trouver les signes ici et Shelley saurait comment lire les émotions et les mensonges là-bas. Zoe devait lui accorder cela.
Elle avait donc accepté, n’ayant uniquement qu’un faux-semblant de responsabilité. Ce n’était que la nature chaleureuse de Shelley — et le désintérêt complet de Zoe pour la structure hiérarchique tant que l’affaire était résolue — qui faisaient que cela ne posait pas de problème. Shelley avait même presque eu l’air désolée ; elle avait tant envie de montrer qu’elle connaissait les ficelles du métier qu’elle prenait ses libertés par accident.
Elle hésita à la porte de la station-service, sachant que les choses devaient avoir commencer là. Il y avait de légères marques sur le sol, des empreintes de pas entourées de petits drapeaux et de cônes en plastique. La femme — la femme plus âgée avec de bonnes chaussures et une foulée courte — avait ouvert la marche. Cette station-service était si isolée qu’elle ne pouvait pas avoir eu plus de quelques clients de jour-là et les empreintes étaient clairement visibles à seulement quelques pas de la porte.
La femme avait été suivie, bien qu’elle ne l’eût peut-être pas su. Les nombres apparurent devant les yeux de Zoe, lui disant tout ce qu’elle avait besoin de savoir : la distance entre elles indiquait une démarche tranquille. Il n’y avait pas d’autres empreintes pour indiquer si l’auteur du crime était venu de l’intérieur de la station-service ou de quelque part dans le parking. La femme avait marché calmement et à un rythme régulier vers l’angle. Cet endroit était en désordre, mais Zoe l’ignora, voyant les pas continuer et sachant qu’elle y reviendrait plus tard.
D’abord, les pas devenaient légèrement plus rapides. La femme avait-elle alors su qu’elle était suivie ?
Ils s’étaient arrêtés là — juste à côté de bonbons éparpillés sur le sol peut-être dus à une livraison bâclée ou à un enfant maladroit. La femme s’était tournée pour regarder l’homme avant de tourner les talons et de se précipiter vers une porte à l’arrière du bâtiment.
Une clé pendait toujours de la serrure, se balançant légèrement de temps à autre dans la brise. Le sol était légèrement éraflé là où la victime s’était arrêtée pour tourner la clé dans la serrure avant de se hâter de partir.
Elle était revenue sur ses pas avec des foulées beaucoup plus longues et une démarche plus rapide. Elle avait presque couru pour essayer de s’enfuir et retourner dans le magasin dont elle s’occupait. Avait-elle eu peur ? Froid dans l’obscurité ? Avait-elle simplement voulu retourner à son bureau ?
L’homme l’avait suivie. Pas immédiatement ; il y avait une trace ici, un petit tas de poussière au bord de l’empreinte d’un talon où il s’était retourné lentement pour la regarder. Il s’était ensuite lancé à sa poursuite d’une démarche qui semblait légère et décontractée en se dirigeant directement vers elle avant de couper par l’intérieur pour l’atteindre à l’angle.
Ah, de nouveau le désordre. Zoe s’accroupit pour l’examiner de plus près. Le sol était marqué plus profondément à cet endroit, des éraflures étaient clairement visibles là où la victime s’était débattue pour avoir une meilleure prise pendant peut-être quelques secondes ou moins. Les empreintes plus lourdes des chaussures de l’homme étaient plus visibles à l’endroit où il avait dû tirer plus fort sur le garrot.
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