Ryker garda ses distances alors qu’ils descendaient les escaliers en groupe. « Comment gères-tu la perte de ta maman ? Puisque tu ne cries pas et ne frappes plus personne, je suppose que tu dois t’en sortir. »
À ces paroles, sa tête sursauta. Maurelle secoua la tête et marqua une pause tandis que Sol ouvrait la porte qui menait hors des dortoirs. « Ça a été horrible. Elle me manque terriblement. Mais… eh bien… J’aurais tant souhaité qu’elle n’interfère pas avec les collecteurs. »
Cette attitude se distinguait radicalement de la colère qu’elle avait dégagée à son arrivée. Brokk se déplaça vers sa droite, Sol se leva devant eux. Maurelle était intelligente de ne pas s’ouvrir complètement. Il aimait assez ses colocataires, mais en ce qui concerne leur honnêteté, c’était une tout autre affaire. Ils ne lui avaient jamais donné de raison de leur faire confiance. Par prudence, il garderait ses distances.
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* * *
« Ce qui t’est arrivé est un évènement assez traumatisant », observa Ryker alors qu’ils marchaient à l’extérieur. Qualifier ce qu’elle a vécu de traumatisant relevait de l’euphémisme majeur. Elle sentait sa méfiance et le mur qu’il érigeait entre eux. Elle ne savait pas pourquoi il agissait de la sorte avec elle et en ce moment et elle ne disposait pas de l’énergie nécessaire pour essayer de comprendre.
Pour la première fois depuis près d’une semaine, son corps et son cœur ne souffraient pas d’une douleur insupportable. Inclinant la tête en arrière, elle laissa le soleil réchauffer son visage tandis que la brise de l’océan lui ébouriffait les cheveux. Maurelle aimait le domaine de l’académie. Entre la vie végétale, l’air et l’eau plus purs, son âme se nourrissait d’une abondance d’énergie qu’elle n’avait jamais ressentie auparavant.
À l’Edge, seules quelques rares plantes entouraient les Fae, et tous les bâtiments étaient en pierre. La saleté et la crasse recouvraient tout, sans parler des produits chimiques divers qui brûlaient la peau et les poumons. Les Fae entretenaient une connexion et une dépendance primordiales envers les éléments. Leur environnement devait être profondément exempt de toxines et d’autres contaminants.
Elle rencontra les beaux yeux verts de Ryker et détourna rapidement le regard lorsqu’elle vit la colère sur son visage. Elle ne savait pas pourquoi cette rage l’envahissait, mais elle en avait assez pour son propre compte et n’allait pas en plus essayer de le réparer aussi.
« Alors, à quelle ligue appartenez-vous ? Je recherche des détails et des conseils sur la ligue de l’air en particulier », expliqua Maurelle.
Le travail scolaire la rendait folle. Enfant, l’école hantait la plupart de ses cauchemars et avait continué en grandissant. Maintenant, elle se voyait forcée de revivre ces angoisses à l’âge adulte. Elle espérait que Ryker ou l’un de ses amis deviendrait un allié et une personne sur qui compter pendant ses études à l’académie. Même si, vu la froideur de Ryker, elle doutait qu’il lui manifeste un large soutien.
Malgré ses traits ravissants, son attitude vraiment déplorable le dépouillait de ses charmes. À en juger par sa tentative d’évasion elle avait émis l’hypothèse qu’ils deviendraient alliés, mais elle semblait loin de la réalité. Elle se sentit piquée de son rejet, même si elle ne comprenait pas pourquoi.
« J’appartiens à la ligue de l’air aussi », répondit Ryker avec une grimace. « Pourquoi ne ressemble-t-il pas à un gobelin avec cette grimace sur son visage ? » Ce serait tellement plus facile si elle ne se sentait pas désespérément attirée par lui. Il affichait une sale attitude, et il ne semblait pas particulièrement gentil.
« Tu seras ravie d’apprendre que moi aussi j’appartiens à la ligue de l’air, ajouta Brokk.
— Dis plutôt que tu brasses de l’air », le taquina Ryker.
Avec un petit rire, Maurelle se tourna vers Sol et Dain.
« Alors, à quelle ligue appartenez-vous ?
— J’appartiens à la ligue du feu. Bien plus chaud que les courants d’air », répondit Sol en agitant les sourcils.
Dain se retourna et marcha vers l’arrière. Ses ailes s’ouvrirent pendant qu’il leur parlait.
« J’appartiens à la ligue de l’eau, mais je pense qu’ils commettent peut-être une erreur. Hier au soir, quand un garde m’a crié dessus pour être arrivé tard pour le dîner, j’ai déclenché un tremblement de terre.
— Les crétins, jura Sol. Ils éprouvent un sentiment de satisfaction pervers quand ils nous tourmentent.
— Ma mè… Ma mère m’a dit qu’un Fae exprimait souvent des capacités dans plusieurs éléments », déclara Maurelle.
Elle essayait d’ignorer la brûlure derrière ses yeux et de repousser la boule dans sa gorge. L’agonie prévisible dans son cœur s’émoussait, cette rémission la laissait perplexe tout en la soulageant.
« Ma mère aussi », acquiesça Ryker. Elle pensait qu’il l’ignorerait et reçut sa réponse comme un choc.
« Et, avec autant de pouvoir, tu deviendras plus attrayant pour les humains responsables au château.
— Vous souvenez-vous de la vie des Fae quand le Roi et la Reine vivaient et régnaient depuis le château ? » lança Dain l’air de rien.
Tout le monde grinça des dents et essaya de paraître occupé. Tout à coup, une vague déplaça un caillou dans sa main. Le galet se dirigea vers la tête d’un autre élève. Heureusement, l’étudiant se précipita sur sa gauche en direction du terrain d’entraînement de la terre.
« Mec, ce n’est pas passé loin, lança Ryker à Dain.
— Je sais. Ce n’était pas mon intention. »
Brokk remit en place les cheveux qui tombaient sur son front. « Vous pouvez toujours aller voir Gullvieg et demander à suivre des cours dans les deux ligues. On est arrivés », ajouta-t-il en désignant le bâtiment sur leur gauche.
Ils saluèrent les autres et les laissèrent discuter de ce que Dain allait faire face à sa situation. Suivre des entraînements supplémentaires ne l’intéressait visiblement pas. Il ne demanderait sûrement rien à la directrice.
« Calme-toi, l’encouragea Brokk. Nous commençons seulement à pratiquer notre télékinésie depuis quelques jours. » Du coin de l’œil, elle vit les poings de Ryker se serrer. Sa colère devenait de plus en plus difficile à ignorer lorsque Brokk se montrait gentil avec elle.
« Ça a l’air assez simple. » Le cœur de Maurelle s’emballa alors qu’ils entrèrent dans l’immeuble à l’atmosphère oppressante.
Pour la ligue de l’air, le bâtiment s’avérait largement plus fermé et étouffant qu’il ne paraissait acceptable. Comment pouvait-elle exprimer sa magie de manière efficace ? Elle ne disposait d’aucune fenêtre visible pour inviter la brise. Pourquoi les cours ne se tenaient-ils pas dans le bâtiment qu’elle avait vu dehors ?
Elle tournait en rond pour scruter les murs et remarqua plusieurs pans où des feuilles de métal obstruaient le verre extérieur. Quelqu’un semblait ne pas vouloir leur permettre l’accès à l’énergie nécessaire.
Ryker et Brokk avaient disparu dans la pièce à droite. Brokk tourna la tête en arrière. « Tu viens ? »
Inutile de retarder l’inévitable, pensa-t-elle. Elle hocha la tête, se précipita vers lui. Elle s’arrêta après quelques pas dans la pièce qui lui provoquait un sentiment de claustrophobie. Aucune fenêtre ne laissait rentrer la lumière dans le petit espace. Les feuilles de métal recouvraient toutes les ouvertures.
Rien à voir avec une salle de classe traditionnelle, seulement quelques objets s’alignaient sur un côté de la pièce en pierre circulaire. Elle reconnut un bureau des enseignants comme dans ses années d’école. D’innombrables objets recouvraient une longue table.
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