Jane Austen - Orgueil et préjugés

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Orgueil et Préjugés (Pride and Prejudice) est un roman de la femme de lettres anglaise Jane Austen paru en 1813. Il est considéré comme l'une de ses œuvres les plus significatives et c'est aussi la plus connue du public.
Drôle et romanesque, le chef-d'œuvre de Jane Austen continue à jouir d'une popularité considérable, par ses personnages bien campés, son intrigue soigneusement construite et prenante, ses rebondissements nombreux, et son humour plein d'imprévu. Derrière les aventures sentimentales des cinq filles Bennet, Jane Austen dépeint fidèlement les rigidités de la société anglaise au tournant des xviii et xix siècles. À travers le comportement et les réflexions d'Elizabeth Bennet, son personnage principal, elle soulève les problèmes auxquels sont confrontées les femmes de la petite gentry campagnarde pour s'assurer sécurité économique et statut social. À cette époque et dans ce milieu, la solution passe en effet presque obligatoirement par le mariage : cela explique que les deux thèmes majeurs d'Orgueil et Préjugés soient l'argent et le mariage, lesquels servent de base au développement des thèmes secondaires.

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» — Négliger! je suis sûre que vous ne négligez rien qui puisse ajouter aux beautés de cette demeure. Charles, quand vous bâtirez votre maison, je souhaite qu’elle soit à moitié aussi agréable que Pemberley.

» — Je le souhaite aussi.

» — Mais je vous conseillerai d’acheter une terre dans ce voisinage et de prendre Pemberley pour modèle.

» — De tout mon cœur; je suis même fort disposé à acheter Pemberley si Darcy veut me le vendre.

» — Mais, mon frère, je ne prétends parler que de choses praticables.

» — Vraiment, Caroline, je crois qu’il est plus facile d’acheter Pemberley que de construire quelque chose qui en approche.“

Cette conversation amusa tellement Élisabeth qu’elle quitta son livre et vint s’asseoir entre Mme Hurst et Mlle Bingley, sous prétexte de regarder leur jeu.

„Mlle Darcy est-elle bien grandie depuis ce printemps? dit miss Bingley; sera-t-elle aussi grande que moi?

» — Je le crois; elle est maintenant de la taille de miss Élisabeth Bennet.

» — Combien je désire la revoir! Je n’ai jamais rencontré quelqu’un qui m’ait plu autant… Quelle physionomie!… quelles manières!… et si instruite pour son âge!… Son talent au piano est vraiment remarquable.

» — Je ne puis concevoir, dit Bingley, comment les dames ont assez de persévérance pour se rendre, par les talens, aussi accomplies qu’elles le sont toutes aujourd’hui.

» — Toutes, mon cher Charles, que voulez-vous dire?

» — Mais, oui, toutes, elles savent toutes peindre des souvenirs, couvrir des écrans et faire des bourses. J’en connais à peine une seule qui ne puisse faire tout cela, et je n’ai jamais entendu parler d’une jeune personne pour la première fois, sans être prévenu qu’elle était très-accomplie, toujours dans le même sens.

» — Votre interprétation de ce qu’on entend ordinairement par une personne accomplie n’est que trop vraie, dit Darcy. Ce mot s’applique à bien des femmes qui ne l’ont mérité qu’en faisant des bourses ou des tapisseries à écrans. Je suis cependant loin de partager votre opinion sur les dames en général… Je ne puis me vanter, parmi toutes mes connaissances, d’en avoir plus de six qui soient réellement accomplies.

» — Ni moi non plus, ajouta Mlle Bingley.

» — Alors, dit Élisabeth, vous devez exiger un grand mérite de celles que vous nommez accomplies.

» — Oui, j’y comprends beaucoup de choses.

» — Oh! bien certainement! s’écria la complaisante Mlle Bingley. On ne peut dire qu’une femme soit vraiment accomplie, si elle n’est en tout supérieure à la plupart des personnes de son sexe… Elle doit posséder à fond la musique, le dessin, la danse et les langues étrangères; de plus, il faut qu’elle soit douée d’un certain je ne sais quoi dans sa manière d’être et de marcher, dans le son de sa voix, dans ses expressions…, ou ce titre ne serait qu’à moitié mérité.

» — Elle doit posséder tout cela, dit Darcy, mais il lui faut encore unir à un jugement sain une parfaite connaissance des auteurs anciens et modernes.

» — Je ne suis plus étonnée, reprit Élisabeth, que vous ne connaissiez que six femmes accomplies; je suis même presque surprise que vous en connaissiez une.

» — Êtes-vous assez sévère à l’égard de votre sexe pour douter de la possibilité de tout ceci?

» — Je n’ai jamais vu de femme qui ressemblât au portrait que vous venez de tracer: je ne croyais pas qu’une seule personne pût réunir autant de qualités.“

Mme Hurst et Mlle Bingley se récrièrent sur l’injustice d’un tel doute et assurèrent qu’elles connaissaient beaucoup de femmes qui répondaient à cette description, lorsque M. Hurst les força au silence en se plaignant amèrement du peu d’attention qu’elles donnaient au jeu. La conversation étant interrompue, Élisabeth quitta le salon.

„Éliza Bennet, dit alors miss Bingley, est une de ces jeunes personnes qui cherchent à se faire valoir auprès de l’autre sexe, en diminuant le mérite du leur; avec bien des hommes, je crois que cela réussit: mais, selon moi, c’est un moyen pitoyable, un bien pauvre artifice.

» — Il y a sans doute de la petitesse, reprit M. Darcy, à qui cette remarque était particulièrement adressée, dans toutes les ruses que les dames daignent quelquefois employer pour nous captiver; tout ce qui tient à l’art est méprisable.“

Mlle Bingley ne fut pas assez satisfaite de cette réponse pour continuer la conversation.

Élisabeth, peu de temps après, vint leur dire que sa sœur était plus mal. Bingley voulut qu’on envoyât sur-le-champ chercher M. Jones. Ses sœurs, convaincues qu’un médecin de province ne pouvait rien savoir, conseillaient d’en faire venir un de Londres. Enfin, il fut décidé qu’on ferait appeler M. Jones le lendemain matin, si toutefois Mlle Bennet n’était pas beaucoup mieux. Bingley était réellement inquiet; ses sœurs assuraient qu’elles étaient cruellement tourmentées et cherchaient à se distraire en faisant de la musique, tandis que M. Bingley ne put trouver quelque repos qu’après avoir recommandé à sa femme de charge de donner tous ses soins aux deux demoiselles Bennet.

CHAPITRE IX

Élisabeth passa presque toute la nuit auprès de sa sœur et eut le plaisir de répondre, sur les informations qu’envoya demander de bonne heure M. Bingley et que vinrent prendre peu après les élégantes femmes-de-chambre de ses sœurs, qu’elle était un peu mieux. Alors Élisabeth écrivit un mot à sa mère pour lui demander de venir juger par elle-même de l’état d’Hélen, et les pria de l’envoyer sur-le-champ à Longbourn. Mme Bennet ne tarda pas à se rendre au désir de sa fille; elle vint à Netherfield, accompagnée de Catherine et de Lydia.

Si Mme Bennet avait trouvé Hélen dangereusement malade, elle eût été très-affligée; mais, voyant que sa maladie n’aurait pas de suites fâcheuses, elle ne désirait nullement un prompt rétablissement, le retour de la santé devant nécessairement l’éloigner de Netherfield. Elle ne voulut point écouter les instances que lui fit sa fille de la reconduire à Longbourn, et le médecin, qui arriva en cet instant, dit qu’il serait fort imprudent de la déplacer, qu’il fallait au moins attendre que la fièvre fût passée.

Après être restée quelque temps avec Hélen, et sur l’invitation de Mlle Bingley, Mme Bennet et ses trois filles descendirent au salon. Bingley vint au-devant de Mme Bennet et lui dit qu’il espérait qu’elle n’avait pas trouvé mademoiselle Hélen plus malade qu’elle ne le croyait.

„En vérité, monsieur, je ne m’attendais pas à la trouver si mal, ce fut sa réponse. M. Jones dit qu’il est impossible de la déplacer maintenant; il faut que nous abusions encore pendant quelque temps de votre bonté.

» — La déplacer! s’écria Bingley, il n’y faut pas penser. Ma sœur, je suis sûr, ne voudrait pas entendre parler de son déplacement.

» — Vous pouvez être persuadée, madame, dit très-froidement miss Bingley, que tant que Mlle Bennet demeurera ici, on aura pour elle toutes les attentions possibles.“

Mme Bennet fut prodigue de remerciemens.

„Si je ne comptais sur vos bons soins, ajouta-t-elle, je serais vraiment inquiète, car elle est bien, bien malade; elle souffre beaucoup, mais avec une patience d’ange: en vérité, on ne peut désirer un caractère plus aimable que le sien; je dis souvent à mes autres filles qu’elles ne peuvent lui être comparées. Vous avez un fort joli salon, M. Bingley; Netherfield est la maison la plus agréable qu’il y ait dans ces environs, j’espère que vous ne penserez pas à la quitter de sitôt.

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