Марина Цветаева - Если душа родилась крылатой

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Если душа родилась крылатой: краткое содержание, описание и аннотация

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Мы представляем здесь избранные произведения Марины Цветаевой в переводах двух французских поэтов — Анри Делюи и Евы Мальре.
Анри Делюи родился в 1931 г. в Марселе. Опубликовал свою первую книгу «Образы» в семнадцатилетнем возрасте. Перевел многих иностранных авторов — голландских, немецких, португальских, чешских, словацких, русских… Его книга «Лирическая обида», посвященная Цветаевой, опубликована в 1992 г. В своих нерифмованных переводах он сумел передать по-французски лихорадочный ритм и лирическое исступление великого русского поэта.
Ева Мальре родилась в 1945 г. и ушла из жизни в 1984 г. Она воссоздала настоящую французскую Цветаеву, осуществив то, что хотела сделать сама Цветаева. Ева Мальре познакомила французских читателей с Цветаевой дерзкой и строгой, страстной и рафинированной. Ее восемнадцать переводов стихотворений и поэм Цветаевой составляют вышедший в 1986 г. под редакцией Ефима Эткинда сборник «Попытка ревности», из которого мы взяли шесть поэм. Незадолго до смерти Ева Мальре писала книгу о Цветаевой, которая осталась незавершенной.

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Le poeme de la montagne

Liebster, Dich wundert die Rede?
Alle Scheidenden reden wie Trunkene
und nehmen gerne sich festlich…
Holderlin

Dedicace

Que tu tressailles —
Et tombent des montagnes,
Et monte — l’ame!
Laisse mon chant monter:
Chant de l’entaille,
De ma montagne.
Je ne pourrai
Ni la`, ni deґsormais
Combler l’entaille.
Laisse mon chant monter
Tout au sommet
De la montagne.

1

Cette montagne eґtait le torse
D’un conscrit renverseґ par la mitraille.
La montagne voulait des noces,
Des le`vres vierges, un ceґreґmonial.
Cette montagne — l’еxigeait.
Irruption de l’oceґan dans l’oreille,
Criant «hourra» d’un meme jet.
Cette montagne errait et guerroyait.
Montagne pareille au tonnerre.
C’est en vain qu’on joue avec les titans!
De la montagne — la dernie`re
Maison au bout du faubourg: souviens-t’en!
Des mondes — que cette montagne!
Pour le monde il prend cher, Dieu est avide.
L’entaille vint de la montagne.
La montagne eґtait par-dessus la ville.

2

Parnasse, Sinaї?
Non! Simple colline a` casernes,
Rien d’autre — feu! vas-y!
Bien qu’octobre et non mai, qu’y faire?
Cette montagne-ci
M’eґtait le paradis!

3

Paradis sur la paume offert
— Qui s’y frotte, brule entier! —
La montagne avec ses ornie`res
Deґvalait sous nos pieds.
Comme un titan avec ses pattes
De buisson et de houx,
La montagne agrippait nos basques
Et ordonnait: — debout!
Paradis — oh, nul b-a-ba,
— Courants d’air: d’air troueґs! —
La montagne nous jetait bas
Et attirait: — coucheґ!
Comment? C’est a` n’y rien comprendre:
Propulseґs, eґbahis!
La montagne eґtait consacrante
Et deґsignait: — ici...

4

Perseґphone, pour ce grain de grenade...
L’oublier en plein gel d’hiver?!
Double coquille des le`vres qui tardent,
Leur bord aux miennes — entrouvert.
Perseґphone, pour un grain deґgradeґe!
La pourpre opiniatre des le`vres,
Et tes cils — pure brisure et, doreґe,
La dent de l’eґtoile s’eґle`ve...

5

Ni erreur — que la passion, ni conte,
Et nul mentir, mais: d’un jour!
Ah! Si nous eґtions venus au monde
En terrestres de l’amour!
Ah! Si tout bonnement, d’un sens sur:
Ca? — colline! Mamelon!
(A l’attrait pour le gouffre on mesure,
Dit-on, le niveau des monts.)
Dans les touffes de bruye`re fauve,
Les souffrants lots de pins...
(... Le deґlire: au dessus du niveau
De la vie.)
— Prends, je suis tien!
Heґlas! La famille douce, ronde,
Les gazouillis qu’eux savourent...
Puisque nous sommes venus au monde
En ceґlestes de l’amour!

6

Lamentait la montagne (en terre tant reste
Ame`re l’entaille ou` saignent les ruptures),
Lamentait la montagne sur la tendresse
Tenaillante de nos matins obscurs.
Lamentait la montagne sur notre lien:
Nos le`vres: parenteґ des plus imparables!
Teґmoignait la montagne — qu’a` chacun
Il serait du selon ses larmes.
Et la montagne teґmoignait — camp tsigane,
La vie! de cur en cur qu’on brade son temps!
La montagne lamentait encore: Agar,
Il la fit partir — avec l’enfant pourtant!
Et la montagne teґmoignait — nous: jouets
Du deґmon! Nulle intention dans ses montages!
La montagne parlait, nous eґtions muets.
Nous nous en remettions a` la montagne.

7

Lamentait la montagne — rien que tristesse
Resterait du sang et brasier qui sont notres.
Teґmoignait la montagne: elle ne nous laisse-
Rait pas, ne t’admettrait pas avec une autre.
Lamentait la montagne — rien que fumeґe
Resterait de nos citeґs et au-dela`.
Teґmoignait la montagne — nous: destineґs
Aux autres (je n’envie pas ces autres-la`!).
Lamentait la montagne — d’un poids affreux,
Le serment qu’il est trop tard que nous reniions.
Teґmoignait la montagne — vieux est le nud
Gordien — devoir et passion.
Lamentait la montagne sur notre entaille —
Demain! Attends! Quand au-dessus de nos fronts
Non la mort, — seul memento: la mer eґtale!
Demain, quand nous comprendrons.
Un bruit... Comme si quelqu’un tout simplement —
Eh bien.... pleurait tout pre`s?
Lamentait la montagne, seґpareґment
Descendre il nous faudrait
Dans la vie dont nous savons bien tous: bohe`me,
Boue, bazar, et caetera...
Teґmoignait encore que tous les poe`mes
Des montagnes
s’eґcrivent
comme ca.

8

Cette montagne eґtait la bosse
D’Atlas, — titan geґmissant qui tient bon.
La montagne fera la force
De la ville ou` de`s l’aube nous battons
Nos vies comme cartes jeteґes!
— Passionneґs, obstineґs a` ne pas etre.
Ainsi que l’ours pour l’apreteґ
De son cri, ainsi que les douze apotres
Reґveґrez mon ingrate grotte.
(Grotte — j’eґtais, ou` les vagues s’engouffrent!)
De ce jeu la dernie`re porte,
T’en souviens-tu — tout au bout du faubourg?
Des mondes — que cette montagne!
Les dieux se vengent de leurs simulacres.
L’entaille vint de la montagne.
La montagne eґtait sur moi seґpulcrale.

9

Passeront les anneґes, la pierre sus-dite
En plate sera changeґe, oteґe.
Alors notre montagne sera construite
De pavillons, d’enclos — grignoteґe.
On dit qu’en bordure, sur de tels coteaux
L’air est plus pur et qu’il fait bon vivre.
Et l’on se mettra a` tailler des lambeaux,
A rayer de linteaux l’herbe vive,
A niveler mes cols et tous mes ravins —
A l’envers! Car il faut qu’un soupcon
De maison entre dans le bonheur d’au moins
Quelqu’un, — de bonheur — dans la maison!
De bonheur, — dans la maison, d’amour deґnueґ
De fiction et de tension des veines!
C’est qu’il faut etre femme et le supporter!
(Il fut bel et bien, quand tu venais,
Le bonheur — dans la maison!) D’amour tranquille,
Sans que rupture et couteau s’imposent.
Des ruines de notre bonheur une ville
Se le`vera — d’eґpoux et d’eґpouses.
Et au bon air dans cette meme nature
— Si tu peux — faute! Tant qu’il est tot! —
Les boutiquiers pourront en villeґgiature
Macher et remacher leur magot.
Et d’inventer des couloirs courbes ou droits
Pour que, brin a` brin, la maison — fut!
Car il faut bien qu’au moins quelqu’un ait un toit
Et un nid de cigogne au-dessus.

10

Jamais la montagne n’oubliera — le jeu
Sous le poids de pareils fondements.
Se perdre — on le peut, — la meґmoire: on ne peut:
La montagne a montagnes de temps!
Et ils comprendront! Que leurs yeux s’eґcarquillent
Devant les crevasses obstineґes:
Non pas monticule planteґ de familles, —
Mais crate`re qu’on a deґclencheґ!
On n’immobilisera pas le Veґsuve
Par des vignes! Avec du lin on
Ne tiendra pas un geґant! La folle eґtuve
Des le`vres suffit afin qu’en lion
Les vignes changeґes, se retournent soudain,
Crachant sur vous des laves de haine.
Vos filles seront rien moins que des putains
Et vos fils eґcriront des poe`mes!
Fille, eґle`ve un enfant naturel! Dehors,
Fils! Livre-toi aux femmes du vent!
Il ne vous sera pas donneґ, vous — les corps,
De seґjour de plaisir sur mon sang!
Plus dur que la pierre angulaire — voici
Le serment d’un mourant qui deґfaille:
Il ne vous sera pas donneґ, vous — fourmis,
De bonheur d’en-bas sur ma montagne!
Vienne un temps ignoreґ, — une heure incertaine,
— Famille au complet — vous connatrez
La montagne du commandement septie`me,
— Montagne eґnorme, deґmesureґe.

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