Jean-Paul Sartre - Les Mots

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Une approche et une étude de l'oeuvre de Sartre: le contexte de sa création, des éléments de biographie de l'auteur, l'étude des personnages, la structure de l'oeuvre, des analyses thématiques, une préparation pour l'examen et des sujets corrigés.

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Naturellement je ne suis pas dupe: je vois bien que nous nous répétons. Mais cette connaissance plus récemment acquise ronge mes vieilles évidences sans les dissiper entièrement. Ma vie a quelques témoins sourcilleux qui ne me passent rien; ils me surprennent souvent à retomber dans les mêmes ornières. Ils me le disent, je les crois et puis, au dernier moment, je me félicite: hier j'étais aveugle; mon progrès d'aujourd'hui c'est d'avoir compris que je ne progresse plus. Quelquefois, c'est moi-même qui suis mon témoin à charge. Par exemple je m'avise que, deux ans plus tôt, j'ai écrit une page qui pourrait me servir. Je la cherche et ne la trouve pas; tant mieux: j'allais, cédant à la paresse, glisser une vieillerie dans un ouvrage neuf: j'écris tellement mieux aujourd'hui, je vais la refaire. Quand j'ai terminé le travail, un hasard me fait remettre la main sur la page égarée. Stupeur: à quelques virgules près, j'exprimais la même idée dans les mêmes termes. J'hésite et puis je jette au panier ce document périmé, je garde la version nouvelle: elle a je ne sais quoi de supérieur à l'ancienne. En un mot je m'arrange: désabusé, je me truque pour ressentir encore, malgré le vieillissement qui me délabre, la jeune ivresse de l'alpiniste.

A dix ans je ne connaissais pas encore mes manies, mes redites et le doute ne m'effleurait pas: trottinant, babillant, fasciné par les spectacles de la rue, je ne cessais de faire peau neuve et j'entendais mes vieilles peaux retomber les unes sur les autres. Quand je remontais la rue Soufflot, j'éprouvais à chaque enjambée, dans l'éblouissante disparition des vitrines, le mouvement de ma vie, sa loi et le beau mandat d'être infidèle à tout. Je m'emmenais tout entier avec moi. Ma grand-mère veut réassortir son service de table; je l'accompagne dans un magasin de porcelaines et de verreries; elle montre une soupière dont le couvercle est surmonté d'une pomme rouge, des assiettes à fleurs. Ce n'est pas tout à fait ce qu'elle veut: sur ses assiettes il y a, naturellement, des fleurs mais aussi des insectes bruns qui grimpent le long des tiges. La marchande s'anime à son tour: elle sait très bien ce que veut la cliente, elle a possédé l'article mais, depuis trois ans, on ne le fait plus; ce modèle-ci est plus récent, plus avantageux et puis, avec ou sans insectes, des fleurs, n'est-ce pas, sont toujours des fleurs, personne n'ira chercher, c'est le cas de le dire, la petite bête. Ma grand-mère n'est pas de cet avis, elle insiste: ne pourrait-on pas jeter un coup d'œil dans la réserve? Ah, dans la réserve, oui, bien sûr, mais il faudrait du temps et la marchande est seule: son employé vient de la quitter. On m'a relégué dans un coin en me recommandant de ne toucher à rien, on m'oublie, terrorisé par les fragilités qui m'entourent, par des étincellements poussiéreux, par le masque de Pascal mort, par un pot de chambre qui figure la tête du président Fallières. Or malgré les apparences, je suis un faux personnage secondaire. Ainsi, certains auteurs poussent des «utilités» sur le devant de la scène et présentent leur héros fugitivement en profil perdu. Le lecteur ne s'y trompe pas: il a feuilleté le dernier chapitre pour voir si le roman finissait bien, il sait que le jeune homme pâle, contre la cheminée, a trois cent cinquante pages dans le ventre. Trois cent cinquante pages d'amour et d'aventures. J'en avais au moins cinq cents. J'étais le héros d'une longue histoire qui finissait bien. Cette histoire, j'avais cessé de me la raconter: à quoi bon? Je me sentais romanesque, voilà tout. Le temps tirait en arrière les vieilles dames perplexes, les fleurs de faïence et toute la boutique, les jupes noires pâlissaient, les voix devenaient cotonneuses, j'avais pitié de ma grand-mère, on ne la reverrait certainement pas dans la deuxième partie. Pour moi, j'étais le commencement, le milieu et la fin ramassés en un tout petit garçon déjà vieux, déjà mort, ici, dans l'ombre, entre des piles d'assiettes plus hautes que lui et dehors, très loin, au grand soleil funèbre de la gloire. J'étais le corpuscule au début de sa trajectoire et le train d'ondes qui reflue sur lui après s'être heurté au butoir d'arrivée. Rassemblé, resserré, touchant d'une main ma tombe et de l'autre mon berceau, je me sentais bref et splendide, un coup de foudre effacé par les ténèbres.

Pourtant l'ennui ne me quittait pas; parfois discret, parfois écœurant, je cédais à la tentation la plus fatale quand je ne pouvais plus le supporter: par impatience Orphée perdit Eurydice; par impatience, je me perdis souvent. Égaré par le désœuvrement, il m'arrivait de me retourner sur ma folie quand il aurait fallu l'ignorer, la maintenir en sous-main et fixer mon attention sur les objets extérieurs; en ces moments-là, je voulais me réaliser sur-le-champ, embrasser d'un seul coup d'œil la totalité qui me hantait quand je n'y pensais pas. Catastrophe! Le progrès, l'optimisme, les trahisons joyeuses et la finalité secrète, tout s'effondrait de ce que j'avais ajouté moi-même à la prédiction de M mePicard. La prédiction demeurait mais que pouvais-je en faire? A vouloir sauver tous mes instants cet oracle sans contenu s'interdisait d'en distinguer aucun; l'avenir, d'un seul coup desséché, n'était plus qu'une carcasse, je retrouvais ma difficulté d'être et je m'apercevais qu'elle ne m'avait jamais quitté.

Souvenir sans date: je suis assis sur un banc, au Luxembourg: Anne-Marie m'a prié de me reposer près d'elle parce que j'étais en nage, pour avoir trop couru. Tel est du moins l'ordre des causes. Je m'ennuie tant que j'ai l'arrogance de le renverser: j'ai couru parce qu'il fallait que je fusse en nage pour donner à ma mère l'occasion de me rappeler. Tout aboutit à ce banc, tout devait y aboutir. Quel en est le rôle? Je l'ignore et je ne m'en soucie pas d'abord: de toutes les impressions qui m'effleurent, pas une ne sera perdue; il y a un but: je le connaîtrai, mes neveux le connaîtront. Je balance mes courtes jambes qui ne touchent pas terre, je vois passer un homme qui porte un paquet, une bossue: cela servira. Je me répète dans l'extase: «Il est de toute importance que je reste assis.» L'ennui redouble; je ne me retiens plus de risquer un œil en moi: je ne demande pas de révélations sensationnelles mais je voudrais deviner le sens de cette minute, sentir son urgence, jouir un peu de cette obscure prescience vitale que je prête à Musset, à Hugo. Naturellement je n'aperçois que des brumes. La postulation abstraite de ma nécessité et l'intuition brute de mon existence subsistent côte à côte sans se combattre ni se confondre. Je ne songe plus qu'à me fuir, qu'à retrouver la sourde vitesse qui m'emportait; en vain; le charme est rompu. J'ai des fourmis dans les jarrets, je me tortille. Fort à propos le Ciel me charge d'une mission nouvelle: il est de toute importance que je me remette à courir. Je saute sur mes pieds, je file ventre à terre; au bout de l'allée je me retourne: rien n'a bougé, rien ne s'est produit. Je me cache ma déception par des paroles: dans une chambre meublée d'Aurillac, je l'affirme, aux environs de 1945, cette course aura d'inappréciables conséquences. Je me déclare comblé, je m'exalte; pour forcer la main du Saint-Esprit, je lui fais le coup de la confiance: je jure dans la frénésie de mériter la chance qu'il m'a donnée. Tout est à fleur de peau, tout est joué sur les nerfs et je le sais. Déjà ma mère fond sur moi, voici le jersey de laine, le cache-nez, le paletot: je me laisse envelopper, je suis un paquet. Il faut encore subir la rue Soufflot, les moustaches du concierge, M. Trigon, les toussotements de l'ascenseur hydraulique. Enfin le petit prétendant calamiteux se retrouve dans la bibliothèque, traîne d'une chaise à l'autre, feuillette des livres et les rejette; je m'approche de la fenêtre, j'avise une mouche sous le rideau, je la coince dans un piège de mousseline et dirige vers elle un index meurtrier. Ce moment-ci est hors programme, extrait du temps commun, mis à part, incomparable, immobile, rien n'en sortira ce soir ni plus tard: Aurillac ignorera toujours cette éternité trouble. L'Humanité sommeille; quant à l'illustre écrivain – un saint, celui-là, qui ne ferait pas de mal à une mouche -, il est justement de sortie. Seul et sans avenir dans une minute croupie, un enfant demande des sensations fortes à l'assassinat; puisqu'on me refuse un destin d'homme, je serai le destin d'une mouche. Je ne me presse pas, je lui laisse le loisir de deviner le géant qui se penche sur elle; j'avance le doigt, elle éclate, je suis joué! Il ne fallait pas la tuer, bon Dieu! De toute la création, c'était le seul être qui me craignait; je ne compte plus pour personne. Insecticide, je prends la place de la victime et deviens insecte à mon tour. Je suis mouche, je l'ai toujours été. Cette fois j'ai touché le fond. Il ne me reste plus qu'à prendre sur la table Les Aventures du capitaine Corcoran, qu'à me laisser tomber sur le tapis, ouvrant au hasard le livre cent fois relu, je suis si las, si triste que je ne sens plus mes nerfs et que, dès la première ligne, je m'oublie. Corcoran fait des battues dans la bibliothèque déserte, sa carabine sous le bras, sa tigresse sur les talons; les fourrés de la jungle se disposent hâtivement autour d'eux; au loin j'ai planté des arbres, les singes sautent de branche en branche. Tout à coup Louison, la tigresse, se met à gronder. Corcoran s'immobilise: voilà l'ennemi. C'est ce moment palpitant que ma gloire choisit pour réintégrer son domicile, l'Humanité pour se réveiller en sursaut et m'appeler à son secours, le Saint-Esprit pour me chuchoter ces mots bouleversants: «Tu ne me chercherais pas si tu ne m'avais trouvé.» Ces flatteries seront perdues: il n'y a personne ici pour les entendre sauf le valeureux Corcoran. Comme s'il n'eût attendu que cette déclaration, l'Illustre Écrivain fait sa rentrée; un arrière-neveu penche sa tête blonde sur l'histoire de ma vie, les pleurs lui mouillent les yeux, l'avenir se lève, un amour infini m'enveloppe, des lumières tournent dans mon cœur; je ne bouge pas, je ne donne pas un regard à la fête. Je poursuis bien sagement ma lecture, les lumières finissent par s'éteindre, je ne sens plus rien sauf un rythme, une impulsion irrésistible, je démarre, j'ai démarré, j'avance, le moteur ronfle. J'éprouve la vitesse de mon âme.

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