«Taisez-vous donc, mademoiselle Marguerite; laissez-nous dormir; il n’est pas encore cinq heures; c’est trop tôt pour se lever.
Dieu! que la nuit est longue aujourd’hui! quel ennui de dormir!»
Et, tout en songeant aux cabanes et aux plaisirs de la journée, elle aussi se rendormit.
Camille et Madeleine, éveillées depuis longtemps, attendaient patiemment que la pendule sonnât sept heures et leur permît de se lever sans déranger leur bonne, Elisa, qui, n’ayant pas de cabane à construire, dormait paisiblement.
Léon et Jean s’étaient éveillés et levés à six heures; ils finissaient leur toilette et leur prière lorsque leurs cousines se levaient.
Jacques avait eu, avant de se coucher, une conversation à voix basse avec son père et Marguerite; on les voyait causer avec animation; on les entendait rire; de temps en temps, Jacques sautait, battait des mains et embrassait son papa et Marguerite; mais ils ne voulurent dire à personne de quoi ils avaient parlé avec tant de chaleur et de gaieté. Le lendemain, quand Léon et Jean allèrent éveiller Jacques, ils trouvèrent la chambre vide.
JEAN
Comment! déjà sorti! À quelle heure s’est-il donc levé?
LÉON
Écoute donc; un premier jour de vacances on veut s’en donner des courses, des jeux, des promenades. Nous le retrouverons dans le jardin. En attendant mes cousines et nos amies, allons faire un tour à la ferme; nous déjeunerons avec du bon lait tout chaud et du pain bis.»
Jean approuva vivement ce projet; ils arrivèrent au moment où l’on finissait de traire les vaches [15] traire les vaches – доить коров
. La fermière, la mère Diart, les reçut avec empressement. Après les premières phrases de bonjour et de bienvenue, Léon demanda du lait et du pain bis [16] pain m bis – ситный хлеб
.
La mère Diart s’empressa de les servir.
«Allons, la grosse, cria-t-elle à une lourde servante qui apportait deux seaux pleins de lait, donne du lait tout chaud à ces messieurs. Passe-le.... Plus vite donc! Est-elle pataude! Pardon, messieurs, elle n’est pas prompte, voyez-vous.... Pose tes seaux; j’aurai plus tôt fait que toi.... Cours chercher un pain dans la huche.... Voilà, messieurs; à votre service tout ce qu’il vous plaira de demander.»
Léon et Jean remercièrent la fermière et se mirent à manger avec délices ce bon lait tout chaud et ce pain de ménage, à peine sorti du four et tiède encore.
«Assez, assez, Jean, dit Léon. Si nous étouffons, nous ne serons plus bons à rien. N’oublie pas que nous avons nos cabanes à commencer. Nous aurons fini les nôtres avant que ce petit vantard de Jacques [17] ce petit vantard de Jacques – этот хвастунишка Жак
ait pu seulement commencer la sienne.
JEAN
Hé! hé! Je ne dis pas cela, moi. Jacques est fort; il est très vif et intelligent; il est résolu, et, quand il veut, il veut ferme.
LÉON
Laisse donc! ne vas-tu pas croire qu’il saura faire une maison à lui tout seul, aidé seulement par Sophie et Marguerite?
JEAN
Je n’en sais rien; nous verrons.
LÉON
C’est tout vu d’avance, mon cher. Il fera chou blanc [18] il fera chou blanc – его ожидает провал
.
JEAN
Ou chou pommé [19] chou pommé – полный провал
. Tu verras, tu verras.
LÉON
Ce que tu dis là est d’une niaiserie pommée. Ha! ha! Un petit gamin de sept ans architecte, maçon.
LEAN
C’est bon! tu riras après; en attendant, viens chercher nos cousines; il va être huit heures.»
Ils coururent à la maison, allèrent frapper à la porte de leurs cousines, qui les attendaient et qui leur ouvrirent avec empressement. Ils se demandérent réciproquement des nouvelles de leur nuit, et descendirent pour courir à leur jardin et commencer leur cabane. En approchant, ils furent surpris d’entendre frapper comme si on clouait des planches.
CAMILLE
Qui est-ce qui peut cogner dans notre jardin?
MADELEINE
C’est sans doute [20] sans doute (= peut-être) – может быть, вероятно
dans le bois.
CAMILLE
Mais non, les coups semblent venir du jardin.
LÉON
Ah! voici Marguerite; elle nous dira ce que c’est.»
Au même instant, Marguerite cria très haut: «Léon, Jean, bonjour; Sophie et Jacques sont avec moi.
– Ne crie donc pas si fort, dit Jean en souriant, nous ne sommes pas sourds.»
Marguerite courut à eux, les arrêta pour les embrasser tous, puis ils prirent le chemin qui menait au jardin, en tournant un peu court dans le bois.
Quelle ne fut pas leur surprise en voyant Jacques, le pauvre petit Jacques, armé d’un lourd maillet et clouant des planches aux piquets qui formaient les quatre coins de sa cabane. Sophie l’aidait en soutenant les planches.
Jacques avait très bien choisi l’emplacement de sa maisonnette; il l’avait adossé à des noisetiers qui formaient un buisson très épais et qui l’abritaient d’un soleil trop ardent. Mais ce qui causa aux cousins une vive surprise, ce fut la promptitude du travail de Jacques et la force et l’adresse avec lesquelles il avait placé et enfoncé les gros piquets qui devaient recevoir les planches avec lesquelles il formait les murs. La porte et une fenêtre étaient déjà indiquées par des piquets pareils à ceux qui faisaient les coins de la maison.
Ils s’étaient arrêtés tous quatre; leur étonnement se peignait si bien sur leurs figures que Jacques, Marguerite et Sophie ne purent s’empêcher de sourire, puis d’éclater de rire. Jacques jeta son maillet à terre pour rire plus à son aise.
Enfin Léon s’avança vers lui.
LÉON, avec humeur
Pourquoi et de quoi ris-tu?
JACQUES
Je ris de vous tous et de vos airs étonnés.
JEAN
Mais, mon petit Jacques, comment as-tu pu faire tout cela, et comment as-tu eu la force de porter ces lourds piquets et ces lourdes planches?
JACQUES, avec malice
Marguerite et Sophie m’ont aidé.»
Léon et Jean hochèrent la tête d’un air incrédule; ils tournèrent autour de la cabane, regardèrent partout d’un air méfiant, pendant que Camille et Madeleine s’extasiaient devant l’habileté de Jacques et admiraient la promptitude avec laquelle il avait travaillé.
CAMILLE
À quelle heure t’es-tu donc levé, mon petit Jacques?
JACQUES
À cinq heures, et à six j’étais ici avec mes piquets, mes planches et tous mes outils. Tenez, mes amis, prenez les outils maintenant: chacun son tour.
LÉON
Non, Jacques, continue, nous voudrions te voir travailler, pour prendre des leçons de ton grand génie.»
Jacques jeta à Marguerite et à Sophie un coup d’œil d’intelligence et répondit en riant:
«Mais nous travaillons depuis longtemps, et nous sommes fatigués. Nous allons à présent courir après les papillons.
LÉON avec ironie
Pour vous reposer sans doute?
MADELEINE
Précisément, pour nous reposer les mains et l’esprit.»
Et ils partirent en riant et en sautant.
Léon les regarda s’éloigner et dit:
«Ils ne ressemblent guère à des gens fatigués.»
Au même instant Camille et Madeleine se rapprochèrent avec inquiétude de Léon et de Jean.
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