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Жюльетта Бенцони: Les Larmes De Marie-Antoinette

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Жюльетта Бенцони Les Larmes De Marie-Antoinette

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— Possible, mais je suis sûr qu’il est là.

Et Berthier raconta comment il avait réussi à franchir le seuil de cette maison si bien close… Il la surveillait depuis sa voiture arrêtée de façon qu’on ne la remarque pas, quand il avait vu arriver une femme portant deux cabas dont l’un laissait dépasser des feuilles de poireau. Elle les posa près du portail où se découpait une porte destinée à l’entrée des piétons et chercha sa clef. Aussitôt le journaliste courut vers elle afin de lui demander de l’eau pour le radiateur de sa voiture qui était en panne.

Elle a hésité un moment en me dévisageant mais elle a fini par accepter de me laisser entrer dans la cour en disant qu’il y avait un robinet près du seuil de la cuisine. Pour la remercier je lui ai pris ses sacs, plutôt lourds d’ailleurs – après avoir coincé mon broc sous mon bras. Par conséquent, elle a été obligée de me laisser entrer avec elle. Il y avait là une petite bonne en train d’éplucher des pommes de terre et deux serviteurs hindous occupés à briquer l’argenterie dans l’office dont la porte était grande ouverte. Sur la table il y avait un gigot où la cuisinière introduisait des gousses d’ail. J’aurais aimé poser des questions mais je n’avais pas vraiment l’impression d’être le bienvenu. J’ai été remplir mon pot et je suis parti en remerciant chaleureusement… Je ne suis donc pas resté longtemps mais en prenant l’eau j’ai pu apercevoir l’avant d’une Rolls dans le garage entrouvert.

— Donc ils sont là ! conclut Adalbert.

— Oui, mais du dehors on ne s’en douterait pas. Dans la partie visible de la maison les volets sont fermés. J’ai tiré la porte d’entrée prêt à prétendre que j’avais dû laisser tomber un gant dans la cour mais on n’a pas répondu.

— Pas plus qu’on ne répond au téléphone. Qu’est-ce que ça signifie ?

— Que ces gens sont de moins en moins catholiques et qu’on y retourne !

— Pour quoi faire ?

— Examiner les alentours, voir s’il y aurait un moyen d’effectuer une brève visite. Nocturne évidemment ! Pourquoi me regardez-vous de la sorte ?

— Oh, pour rien !… Seulement, je n’imaginais pas un archéologue capable de jouer les monte-en-l’air ?

— Vraiment ? Mais c’est l’enfance de l’art ! On grimpe énormément, chez nous, ou alors on descend, on creuse, on fouille. Quant à ouvrir les portes les mieux fermées, nous sommes passés maîtres en la matière ! Allons-y maintenant ! On prend votre voiture : la mienne n’est pas suffisamment discrète.

On repartit pour Chèvreloup. On y était presque lorsque Berthier freina brusquement puis fit demi-tour :

— Quelque chose ne va pas ? demanda Adalbert.

— La femme là-bas, en noir avec une valise à la main ! C’est celle de tout à l’heure.

— Qui revenait du marché avec des poireaux ?

— Ouais ! Et elle semble avoir appris une mauvaise nouvelle. On dirait qu’elle pleure : j’ai failli ne pas la reconnaître.

Il la dépassa, stoppa et sauta à bas de sa voiture pour la rejoindre :

— Pardonnez-moi, madame, mais on dirait que vous avez des ennuis ! Vous me reconnaissez au moins ? s’inquiéta-t-il devant le regard éteint qu’elle posait sur lui.

— Bien sûr, je vous reconnais ! Laissez-moi tranquille ! Vous m’avez fait assez de mal !

— Moi je vous ai fait du mal en demandant de l’eau ? Comment est-ce possible ?

— Je vous ai laissé entrer dans la maison et c’est défendu ! Alors on m’a chassée… Et maintenant il me sera difficile de retrouver une aussi bonne place !

— Pas si bonne puisqu’on vous renvoie pour une broutille, intervint Adalbert qui les avait rejoints. On vous a payée, j’espère ?

— Oui, et même deux mois d’avance mais c’est dur : être jetée dehors de cette façon après des années de bons services… et par un blanc-bec encore ! Et sans voir Mylord !

— Un blanc-bec ?… Le secrétaire peut-être ?

— Exactement ! Oh, ce n’est pas qu’il soit désagréable mais c’est un Anglais, ça dit tout !

— Venez avec nous, madame, dit Adalbert en la prenant par le bras. On va essayer de vous aider.

— Pourquoi le feriez-vous ? fit-elle, l’œil redevenu méfiant.

Le journaliste lui offrit son plus beau sourire :

— C’est à cause de moi si vous en êtes là. Je voudrais essayer de réparer.

— J’vois pas comment ?… Et lui qui c’est ? demanda-t-elle en désignant Adalbert du menton.

— Un ami ! Montez ! Vous alliez où ?

— Prendre le train. Ma sœur habite Nantes. J’espère qu’elle me recevra.

— En attendant on vous emmène déjeuner, proposa Adalbert. Après on verra ce que l’on peut faire. Vous vous appelez ?

— Aurélie Dubois ! Mme veuve Dubois, précisa-t-elle dans un soudain souci de dignité.

On rentra dans Versailles et, place Notre-Dame, on alla s’installer dans un petit restaurant célèbre pour son lapin en gibelotte et ses moules marinières. Réchauffée par l’ambiance et quelques verres d’un excellent beaujolais, Mme veuve Dubois finit par se confier tout à fait. Depuis des années, elle et son époux Albert étaient les gardiens de la propriété. Et peu de mois plus tôt elle avait perdu son mari. De ce fait, elle avait dû quitter le pavillon de l’entrée pour intégrer la maison où Milady l’avait affectée à la lingerie et lui avait donné une chambre convenable. À ses moments perdus elle aidait à la cuisine et on l’envoyait volontiers au marché parce que les commerçants la connaissaient et qu’elle savait acheter « mieux que ces guignols à turban qui n’inspirent pas confiance et qui vous font manger n’importe quoi ».

— Et puis, l’autre soir, il y a eu un drame. Du moins j’crois. J’ai entendu qu’on se disputait. Milady était allée à Paris avec la petite voiture…

— Quelle couleur, la petite voiture ? questionna Adalbert sans paraître remarquer le regard ahuri d’Aurélie.

— En quoi ça vous intéresse ?

— J’écris une statistique sur les couleurs préférées des automobilistes, répondit Adalbert avec aplomb mais en évitant de regarder Berthier.

— Ah bon… Ben elle était rouge ! Rouge et noire et elle faisait un potin du diable !

— Très, très instructif ! Mais continuez, madame Dubois, ajouta-t-il en lui servant un nouveau verre.

— Où j’en étais ?

— Madame venait de rentrer de Paris et…

— … et Milord l’a rejointe chez elle et ils se sont chamaillés. Comme c’était en anglais j’comprenais pas. Et ça a duré un moment. Enfin, Milord est ressorti… en enfermant sa femme à clef. Il a mis la clef dans sa poche et, le lendemain, il a prévenu la cuisine que Madame était malade… contagieuse même et qu’il se chargerait personnellement de lui porter ses repas…

— Malade ? Il a fait venir un médecin ?

— Jamais on n’en appelle. C’est son valet de chambre indien qui s’en occupe. Il sait soigner, paraît-il, mais il n’est pas monté chez Madame. Après Milord a fait fermer les volets, sauf ceux de son appartement et de celui de Madame, qui donnent sur le jardin et qu’on ne peut voir du dehors. Puis il a défendu de répondre à la porte et au téléphone. Il a dit qu’il fallait faire comme s’ils étaient partis pour n’être dérangés par qui que ce soit-sous peine de « sanctions ». Personne ne devait plus entrer jusqu’à nouvel ordre.

— Et le facteur ?

— Il y a une grande boîte aux lettres dans le portail d’entrée. Personne ! Je viens de vous le dire… Et voilà le résultat !

— On est sincèrement navrés ! protesta Adalbert. Mais j’ai peut-être une solution…

Une heure plus tard, Mme veuve Dubois entrait au service de lady Mendl en principe en tant que lingère. Adalbert n’avait eu aucune peine à la faire engager après avoir mis Elsie au courant de ce qui se passait chez les Crawford. Curieuse comme un chat, celle-ci se promettait quelques passionnants bavardages avec Aurélie que d’ailleurs elle connaissait un peu.

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