Juliette Benzoni - Marianne, et l’inconnu de Toscane

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Marianne, et l’inconnu de Toscane: краткое содержание, описание и аннотация

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Le destin de Marianne, encore bouleversée par son aventure avec Napoléon, s’assombrit brusquement. Il y a cet homme en bleu, apparu dans une loge de théâtre le soir de son triomphe. Est-il bien Francis Cranmere, l’époux indigne qu’elle croyait avoir tué pour lui faire expier le déshonneur d’une nuit de noces jouée au whist ? Il y a aussi le prochain mariage de l’Empereur, qui plonge Marianne dans l’enfer de la jalousie. Seul un nouvel amour pourrait l’arracher à ce passé trop douloureux. Mais qui est cet inconnu de Toscane dont l’étrange et fastueux palais italien semble abriter de terribles secrets ?

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Un instant, Marianne s’oublia elle-même pour se demander quels pouvaient être au juste les sentiments de la douce fille de Joséphine, en face de cette femme qui osait venir s’asseoir sur le trône, encore chaud, de sa mère ? N’était-ce pas une bien inutile cruauté de la part de Napoléon que de l’avoir obligée à se trouver là pour accueillir cette étrangère au seuil d’un palais français ? Bien inutile... mais bien dans la manière de l’Empereur. Ce n’était pas la première fois que Marianne constatait combien sa bonté naturelle pouvait se teinter d’une sorte de froide inhumanité.

— Me laisserez-vous enfin vous conduire à la chaleur, dans une auberge ? fit tout près d’elle la voix amicale d’Arcadius, ou bien souhaitez-vous passer la nuit accrochée à cette grille ? Il n’y a plus rien à voir.

Avec un frisson, Marianne constata qu’en effet, hormis les voitures, les valets et les palefreniers, qui déjà entraînaient les attelages vers les écuries, la cour était vide, les fenêtres refermées. Sur la place, la foule se retirait des grilles, presque à regret, avec la lenteur d’une marée descendante. Elle tourna vers Arcadius un visage où les larmes n’avaient pas encore séché.

— Vous pensez que je suis folle, n’est-ce pas ? murmura-t-elle.

Il eut un bon sourire et glissa un bras fraternel autour des épaules de la jeune femme.

— Je pense que vous êtes jeune, merveilleusement... cruellement jeune ! Vous vous jetez sur tout ce qui peut vous blesser avec l’aveuglement d’un oiseau affolé. Quand vous serez plus âgée, vous apprendrez à éviter les griffes de fer que la vie sait si bien disposer au long des routes humaines pour meurtrir et déchi-rer, vous apprendrez à fermer les yeux, les oreilles pour au moins préserver vos illusions et votre paix intérieure. Mais il est encore trop tôt.

L’hôtellerie du Grand-Cerf était pleine à craquer lorsque Marianne et Jolival y pénétrèrent et, tout d’abord, l’hôte qui courait dans tous les sens avec des allures de poule affolée ne voulait même pas les écouter. Il fallut qu’Arcadius se fâchât, arrêtât le bonhomme en plein vol en empoignant la serviette nouée qu’il portait autour du cou et l’immobilisât d’une main ferme :

— Pas tant de précipitations, mon ami ! Il y a un temps pour chaque chose et je vous serais reconnaissant de m’écouter. Madame que voici, ajouta-t-il en désignant Marianne qui, d’un geste las avait ôté son chapeau et libérait ses cheveux, est, comme vous pouvez le voir, recrue de fatigue, affamée et trempée. Et... comme elle tient de fort près à Sa Majesté, vous allez tout de suite vous montrer aimable et lui trouver un endroit où se reposer, se restaurer et se sécher, fût-ce votre propre chambre. Entre les doigts minces mais plutôt durs d’Arcadius, le bonhomme était passé par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. Le mot « Sa Majesté » lui avait arraché un gémissement terrifié. Ses petits bras courts battirent dans l’air une mesure désespérée, tandis qu’il tournait vers la jeune femme un regard de noyé.

— Mais je n’ai même plus de chambre, mon prince ! J’ai dû donner la mienne à l’aide de camp du duc de Rovigo. A l’heure présente, Madame Robineau, mon épouse, doit être occupée à me dresser un lit dans l’office. Je ne peux décemment pas l’offrir à Madame... ou bien dois-je dire Son Altesse ? acheva-t-il avec une angoisse qui arracha un sourire à Jolival.

Visiblement, le bonhomme se demandait fébrilement si cette ravissante femme brune ne serait pas, par hasard, quelque sœur mal connue de l’Empereur. Les Bonaparte étaient une si vaste famille !

— Dites simplement Madame, mais trouvez quelque chose !

Au moment où Robineau se demandait s’il ne serait pas plus simple de s’évanouir pour échapper à cette mise en demeure, un officier autrichien, portant avec élégance l’uniforme brun clair de la Landwehr et qui, depuis un moment, observait avec un intérêt croissant le beau visage pâle de Marianne, s’approcha et s’inclina en claquant légèrement les talons devant la jeune femme. Celle-ci, les yeux clos, s’était adossée à un mur, totalement indifférente au débat.

— Permettez que je me présente : prince Clary und Aldringen, envoyé extraordinaire de Sa Majesté l’Empereur d’Autriche ! J’ai deux chambres à ma disposition dans cette auberge : que Madame veuille bien me faire la grâce d’en accepter...

Une exclamation de Robineau lui coupa la parole en même temps que le salut compassé de Jolival.

— Mon Dieu ! Monseigneur est déjà rentré ? Mais je n’avais pas prévu Monseigneur ! Est-ce que Monseigneur ne devait pas souper au Palais ?

Le prince autrichien, un grand garçon d’une trentaine d’années, à la physionomie fine et spirituelle sous un chaume épais de cheveux blonds, se mit à rire avec bonne humeur.

— Eh bien, mon cher hôte, il va vous falloir me trouver de quoi me nourrir. Je ne soupe pas au palais parce que personne n’y soupera.

— Est-ce que le cuisinier s’est passé son épée en travers du corps ? demanda Jolival avec un sourire.

— Non pas. En fait, la Cour était réunie dans le grand salon attendant de passer à table, quand le Grand Maréchal Duroc est venu nous dire que Leurs Majestés s’étaient retirées dans leur appartement... et qu’il n’y aurait pas de souper. Mais je bénis maintenant ce retour inopiné que je maudissais voici un instant puisqu’il me permet, Madame, de vous être bon à quelque chose.

Les derniers mots, bien entendu, s’adressaient à Marianne qui, insensible à leur intention galante, n’eut même pas l’idée de remercier. Dans le discours de l’Autrichien, elle avait seulement retenu une chose et le doute qu’elle soulevait en elle était si impérieux qu’elle ne put se retenir de demander :

— Leurs Majestés se sont retirées ? Cela ne veut pas dire, je pense...

Elle n’osa pas achever. Clary s’était mis à rire de nouveau.

— Je crains que si. Il paraîtrait que l’Empereur, à peine arrivé, a demandé au cardinal Fesch, son oncle, s’il était vraiment marié... ou, tout au moins, si le mariage par procuration de Vienne faisait bien de l’archiduchesse sa femme.

— Et alors ? demanda Marianne la gorge sèche.

— Et alors, l’Empereur a fait dire à... l’Impératrice qu’il aurait l’honneur de lui rendre visite dans sa chambre quelques instants plus tard : juste le temps de prendre un bain.

La brutalité de ce qu’évoquaient ces paroles poliment ironiques fit pâlir Marianne jusqu’aux lèvres.

— De sorte... fit-elle d’une voix si enrouée que l’Autrichien la regarda avec surprise et Arcadius avec inquiétude.

— De sorte... que Leurs Majestés se sont retirées... et que me voilà juste à propos pour vous servir, Madame... Mais, vous êtes bien pâle ! Vous sentez-vous souffrante ? Holà ! Robineau, que votre femme vienne sur l’heure conduire Madame à ma chambre, c’est la meilleure de la maison. Mon Dieu !

Cette dernière exclamation angoissée était justifiée. Brusquement, vidée de ses dernières forces par le coup qu’il venait, sans le vouloir, de lui assener, Marianne avait vacillé sur ses jambes et fût tombée si Jolival ne l’avait retenue à temps. Un instant plus tard, portée par Clary qui avait tenu à décharger Jolival d’un fardeau peut-être trop lourd pour lui et précédée d’une Mme Robineau en robe de soie puce et bonnet de mousseline, armée d’un grand bougeoir de cuivre, Marianne inconsciente escaladait l’escalier bien ciré du Grand Cerf.

Quand elle émergea, une quinzaine de minutes plus tard, de la bienheureuse inconscience qui l’avait terrassée, Marianne vit, côte à côte, la figure de souris moustachue d’Arcadius et un visage de femme haut en couleur surmonté d’une chevelure brune, dont les boucles lâches pendaient quelque peu d’un bonnet aérien. Voyant qu’elle ouvrait les yeux, la dame cessa de lui bassiner les tempes avec du vinaigre et constata avec satisfaction que « ça allait mieux maintenant ».

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