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Gene Wolfe: Le Nouveau Soleil de Teur. Livre 1

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Gene Wolfe Le Nouveau Soleil de Teur. Livre 1
  • Название:
    Le Nouveau Soleil de Teur. Livre 1
  • Автор:
  • Издательство:
    Denoël
  • Жанр:
  • Год:
    1989
  • Город:
    Paris
  • Язык:
    Французский
  • ISBN:
    2-207-30488-4
  • Рейтинг книги:
    4 / 5
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Le Nouveau Soleil de Teur. Livre 1: краткое содержание, описание и аннотация

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Voici Sévérian, devenu Autarque de l’Empire, en route pour Yesod où l’attend le tribunal de Tzadkiel, chargé de le juger et de juger Teur : une épreuve dont il doit triompher pour ramener le Nouveau Soleil, la Fontaine Blanche seule capable de ranimer le Vieux Soleil agonisant. Mais sera-t-il seulement en mesure de se présenter à cette épreuve ? Dans cette première partie de la coda imaginée par Gene Wolfe pour couronner son , Sévérian, simple passager d’un voilier stellaire géant, formant un monde à lui tout seul, devra d’abord affronter les avatars déroutants de mystérieux assassin à la solde de ceux qui ne veulent pas du Nouveau Soleil...

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Les grands ponts sont plats, si bien que deux matelots éloignés peuvent communiquer par signes ; incurvés, les hommes se seraient rapidement perdus de vue, comme se perdent de vue les bateaux qui franchissent leur horizon mutuel, sur la mer. En fait, ils donnaient l’impression de monter, sauf lorsqu’on se tenait au milieu ; et, en dépit de ma légèreté, j’avais l’impression d’escalader une colline fantôme.

C’est ce que je fis le temps de bien des respirations, pendant peut-être une demi-veille. Le silence avait quelque chose d’écrasant pour l’esprit, de plus palpable que le vaisseau lui-même. J’entendais seulement, lointain, le bruit étouffé de mes pas irréguliers sur le pont et, de temps en temps, une vibration qui m’était transmise par la voûte plantaire. En dehors de ces bruits, rien. Même à l’époque où je suivais les leçons de maître Malrubius, je savais déjà que l’espace entre les soleils est loin d’être vide ; c’est par centaines et peut-être même par milliers que s’y font des voyages. Comme je l’appris plus tard, on y trouve d’autres choses : l’ondine que je rencontrai par deux fois m’avait dit qu’il lui arrivait de nager dans le vide, et l’entité ailée que j’avais aperçue dans le livre du père Inire y prenait son vol.

Mais maintenant je découvrais ce que je n’avais jamais réellement su auparavant : que tous ces vaisseaux et ces entités titanesques ne sont qu’une poignée de graines éparpillées dans un immense désert qui demeure aussi vide après qu’elles y ont été jetées. Je fus tenté de retourner en boitillant à ma cabine – mais je savais que mon orgueil me forcerait à en sortir de nouveau.

J’approchai finalement du réseau délicat d’un gréement frappé sur le pont ; des câbles qui captaient parfois la lumière des étoiles et qui parfois s’évanouissaient dans les ténèbres ou contre les monumentaux pans argentés de la voilure. Si fins qu’ils parussent de loin, chacun de ces câbles était plus épais que les piliers de notre cathédrale.

J’avais un manteau de laine sous mon manteau d’air ; j’en resserrai la ceinture, et y glissai le coffret. Concentrant toutes mes forces dans ma bonne jambe, je sautai.

Mon corps m’ayant donné l’impression d’avoir la consistance de la plume, j’avais cru que je m’élèverais lentement, comme on m’avait dit que les gabiers flottaient entre les vergues. Il n’en fut rien. Je bondis aussi vivement et peut-être même avec encore plus de vitesse qu’ici, sur Ushas, mais je ne ralentis pas, comme dans un saut normal. Je gardai mon élan initial et filai vers le haut, saisi d’impressions à la fois merveilleuses et terrifiantes.

Ce fut bientôt la terreur qui l’emporta, car je ne pouvais me tenir comme je le souhaitais ; mes pieds se soulevaient indépendamment de moi, je me retrouvai flottant sur le côté, puis me mis à tournoyer dans le vide comme l’épée que l’on lance au moment de la victoire.

L’éclair d’un câble passa, hors de portée. J’entendis un cri étranglé, et me rendis compte au bout d’un instant qu’il venait de sortir de ma propre gorge. Un deuxième câble brillait, un peu plus haut. Que je l’eusse ou non voulu, j’étais précipité vers lui comme on se précipite sur l’ennemi ; je le saisis et m’y accrochai. J’eus l’impression que mon bras était sur le point d’être arraché et le coffret de plomb – qui tressauta et me frôla la tête – faillit m’étrangler avec mon propre manteau. Étreignant le câble glacé de mes jambes, je m’efforçai de reprendre mon souffle.

Nombreuses étaient les alouettes qui hantaient les jardins du Manoir Absolu et, comme les domestiques inférieurs (éboueurs, porteurs et autres), les piégeaient parfois pour les apprêter, elles craignaient les hommes. Je les avais souvent observées et enviées tandis qu’elles couraient sans tomber le long d’un tronc, paraissant tout ignorer de la faim dévorante qui régnait sur Teur. J’étais maintenant devenu moi-même une alouette. L’imperceptible attraction qu’exerçait le vaisseau me disait que le pont m’indiquait la direction du bas, mais c’était comme le souvenir ténu d’un souvenir : une fois, peut-être, étais-je tombé. Je me souvenais de m’être rappelé cette chute.

Mais le câble était comme un sentier dans la pampa ; aller vers le haut était aussi facile qu’aller vers le bas et, en vérité, rien n’était plus facile. Les innombrables torons qui le composaient étaient autant de prises, et je l’escaladai comme une petite bête au long dos bossu, lièvre bondissant sur une souche.

Bientôt le câble rejoignit une bôme – la vergue, en fait, qui retenait la voile la plus basse ; je bondis alors vers un hauban plus mince, et de là sur un troisième. Une fois à califourchon sur la vergue à laquelle il conduisait, je m’aperçus que je ne montais plus ; le murmure venu d’« en bas » s’était tu et la coque d’un brun grisâtre dérivait simplement quelque part aux limites de ma vision.

Au-delà de ma tête, pan après pan, s’étendaient des voiles d’argent, apparemment toujours aussi innombrables. À ma droite et à ma gauche, les mâts des autres ponts divergeaient comme les dents d’un harpon – ou plutôt, comme s’il y avait eu des rangées sans fin de harpons fourchus, car il y avait d’autres mâts au-delà de ceux qui m’entouraient, des mâts que séparaient des dizaines de lieues. Semblables aux doigts de l’Incréé, ils indiquaient la fin de l’univers, leurs voiles les plus hautes réduites à de minuscules paillettes brillantes qui se perdaient au milieu de l’éclat des étoiles. De là où je me tenais, j’aurais donc pu lancer le coffret dans le vide, comme j’avais envisagé de le faire, afin qu’il fût trouvé – l’Incréé aidant – par quelqu’un d’une autre race.

Deux choses m’en empêchèrent, la première relevant davantage du souvenir que de la réflexion : souvenir de ma résolution prise autrefois, lorsque je notais toutes mes spéculations, nouvelles pour moi, sur les vaisseaux des hiérodules, en attendant que le nôtre eût pénétré le tissu temporel. J’avais déjà confié le manuscrit initial de mon compte rendu à la bibliothèque de maître Oultan, où il ne survivrait pas plus longtemps que notre Teur elle-même.

Cette copie, je l’avais tout d’abord conçue en pensant à une autre création ; si bien que même en cas d’échec lors du grand procès qui m’attendait, j’aurais réussi à faire parvenir quelque chose de notre monde – fût-ce une infime parcelle – au-delà des bornes de l’univers.

Je contemplais maintenant les étoiles, ces soleils si lointains que les planètes qui les encerclaient de leur orbe étaient invisibles, lors même que certaines étaient plus vastes que Serenus ; et des tourbillons d’astres tellement éloignés que l’on aurait dit que brillait une seule étoile là où en grouillaient des milliards. Et je m’émerveillais à l’idée que tout cela eût pu m’apparaître trop médiocre pour mes ambitions, me demandant si elles étaient venues d’ailleurs ou de moi-même, bien que les mystes déclarassent que leur croissance s’était arrêtée.

La deuxième n’était peut-être pas vraiment une pensée non plus ; un simple instinct, un incontrôlable désir, plutôt, celui de grimper jusqu’au sommet. Pour ma défense, je pourrais dire que je savais qu’une telle occasion ne se représenterait peut-être jamais, que mes fonctions me laissaient rarement la possibilité de faire ce qu’accomplissaient les marins quand le devoir le leur commandait, et ainsi de suite.

Tout cela n’était que rationalisations – la jouissance était tout ce qui comptait. Pendant des années je n’avais connu la joie que dans les victoires, et voici que je me sentais de nouveau comme un enfant. Lorsque j’avais désiré faire l’ascension du Grand Donjon, je ne m’étais pas imaginé que celui-ci pût vouloir escalader le ciel. J’étais mieux informé maintenant. Mais ce vaisseau, quant à lui, grimpait au-delà du ciel, et je voulais faire cette escalade avec lui.

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