“Elle s’appelle ‘Libellule,’” marmonna Sparks.
“Hé,” dit Karina, “voilà d’autres cavaliers qui s’amènent.”
Ils regardèrent passer deux colonnes de soldats à cheval lourdement armés. Ces chevaux étaient plus grands que tous ceux qu’ils avaient vus jusque là, et les hommes portaient des plastrons en fer avec les casques assortis. Leurs protections d’épaules et de poignets étaient faites en cuir épais, ils portaient des boucliers ronds en travers du dos et chaque homme portait une longue épée, ainsi que des poignards et autres couteaux. Leur visage, leurs bras et leurs jambes portaient de nombreuses cicatrices de batailles. Les soldats montaient leurs chevaux avec des brides et des rênes, mais sans étriers.
La cavalerie mit près de vingt minutes à passer. Derrière eux, la piste était déserte jusqu’à un point loin derrière où elle disparaissait au détour d’un bosquet de petits pins d’Alep.
“Eh bien,” dit Lojab, “finalement, voilà le dernier.”
Alexander suivit du regard la piste. “Peut-être bien.”
Après le passage de quarante éléphants, de centaines de chevaux et boeufs et plus de mille personnes, la piste était réduite en poudre.
De l’autre côté de la piste, un soldat à cheval arriva au galop de la tête de la colonne. La section regarda le cavalier arrêter son cheval d’un dérapage puis virer pour chevaucher aux côtés d’un homme qui venait juste de prendre un virage dans la piste.
“Ca doit être lui qui commande,” dit Lojab.
“Lequel?” demanda Karina.
“L’homme qui vient de tourner dans le virage.”
“Ca se pourrait,” dit Alexander.
C’était un homme de grande taille, et il montait un énorme destrier noir. A vingt pas derrière lui se trouvait le grand officier au manteau rouge écarlate qui était passé tout à l’heure, et derrière l’officier chevauchaient quatre colonnes de cavaliers qui portaient des plastrons rutilants en bronze avec les casques assortis. Leurs capes écarlates flottaient au vent.
L’homme sur le cheval de guerre avançait au petit trot tandis que l’éclaireur s’adressait à lui. A aucun moment il ne donna l’impression de s’apercevoir de la présence du messager mais semblait écouter avec la plus grande attention ce qu’il avait à lui dire. Au bout d’un moment, l’homme sur le cheval de guerre prononça quelques mots et envoya le messager en avant au galop.
Lorsque l’officier arriva à hauteur du Septième de Cavalerie, son cheval caracola de côté, tandis que lui et son cheval examinaient la section de l’adjudant Alexander. L’officier leur témoigna plus d’intérêt que n’importe qui d’autre ne l’avait fait auparavant.
“Hé, Mon adj’,” dit Karina dans son combiné, “vous vous souvenez du général quatre-étoiles qui est venu le mois dernier au Camp Kandahar pour passer les troupes en revue?”
“Ouais, c’était le Général Nicholson je crois.”
“Eh bien, j’ai l’impression que je devrais me mettre au garde-à-vous et saluer aussi ce type.”
Le type à cheval était assis droit comme la justice et son casque de bronze étincelant surmonté d’une crête d’iroquois en poils de sanglier le faisait paraître encore plus grand que ses un mètre quatre-vingt-dix. Il portait une tunique comme les autres, mais la sienne était faite dans une étoffe soyeuse de couleur rouge, et elle était cousue d’une belle double rangée de surpiqûres blanches. Les franges de son pagne en cuir étaient ornées d’argent, et la garde de son épée était incrustée d’argent et d’or, de même que le fourreau de sa falcata. Ses bottes étaient en cuir estampé et remontaient au-dessus de ses mollets.
Sa selle était recouverte d’une peau de lion, et le cheval portait une lourde cuirasse sur le poitrail, ainsi qu’une armure de cuir sur les pattes de devant et une épaisse plaque d’argent sur le front. Le cheval était fougueux, et l’homme devait maintenir la pression sur les rênes pour l’empêcher de partir au galop. Une douzaine de clochettes pendaient à l’encolure de son harnais et elles tintaient au passage du cheval.
“C’est sûr qu’il a une certaine allure autoritaire.”dit Alexander.
“S’il y a quelqu’un qui devrait avoir des étriers,” dit Kawalski, “c’est bien ce type.”
Un éclaireur remonta la piste au galop et fit effectuer un virage à son cheval pour se mettre à hauteur du général. D’un mouvement vif du poignet, le général détourna son cheval de la section et écouta le rapport de l’éclaireur tout en s’éloignant avec lui d’Alexander et de ses hommes. Un instant plus tard, le général donna des consignes à l’éclaireur et l’envoya vers l’avant.
L’escadron de cavaliers aux capes rouges manifesta davantage d’intérêt pour Alexander et ses troupes que les autres soldats. C’étaient de jeunes hommes, entre vingt et vingt-cinq ans, qui étaient bien habillés et montaient de beaux chevaux. Ils n’avaient pas de cicatrices de batailles comme les autres hommes.
“Ils me font l’effet d’une bande de poules mouillées de sous-lieutenants.” Lojab cracha par terre en les regardant.
“Ils sont comme des élèves-officiers qui sortent de l’école,” dit Autumn.
Derrière les élèves-officiers venait encore un autre convoi de grands chariots à quatre roues. Le premier était chargé d’une dizaine de coffres lourds. Les autres contenaient des ballots de fourrures, des épées de rechange, des lances et des faisceaux de flèches, ainsi que de nombreux pots en terre cuite de la taille de petits fûts, remplis de fruits secs et de céréales. Quatre chariots étaient chargés jusqu’en haut de cages contenant des oies, des poulets et des pigeons qui roucoulaient. Les chariots étaient tirés par des attelages de quatre boeufs.
Les chariots et charrettes étaient montés sur roues pleines, sans rayons.
Après les chariots venaient encore d’autres charrettes à deux roues, chargées de quartiers de viande et d’autres victuailles. Ce groupe était composé de vingt charrettes, qui précédaient une dizaine de soldats à pied portant épées et lances.
“Waouh, regarde un peu,” dit Kawalski.
La dernière charrette transportait quelque chose de bien connu.
“Ils ont notre coffre d’armement!” dit Karina.
“Oui, et aussi les parachutes orange,”dit Kawalski.
Alexander jeta un coup d’oeil au chariot. “Fils de pute.” Il avança sur la piste et s’empara du harnais du boeuf. Tenez-le là-bas.”
La femme qui conduisait le chariot le regarda d’un air furieux, puis elle fit claquer son fouet, faisant une entaille dans le camouflage de son casque.
“Hé!” s’écria Alexander. “Arrêtez. Je veux juste notre caisse d’armement.”
La femme donna un nouveau coup de fouet, et Alexander l’attrapa, enroulant le cuir tressé autour de son avant-bras. D’un coup sec, il lui arracha le fouet de la main, puis s’avança vers elle.
“Je ne veux pas vous faire de mal, madame.” dit-il en désignant le conteneur en fibre de verre avec le manche du fouet. “Je ne fais que prendre ce qui nous appartient.”
Avant qu’il ne pût l’approcher, six hommes derrière la charrette tirèrent leur épée et arrivèrent sur lui. Le premier donna un coup de poing dans la poitrine d’Alexander, le faisant reculer. En trébuchant, Alexander entendit douze fusils qui s’armaient. Il reprit l’équilibre et leva la main droite.
“Ne tirez pas!”
L’homme qui avait poussé Alexander pointait maintenant son épée sous la gorge de l’adjudant, sans se soucier apparemment qu’il risquait de se faire faucher par les fusils M-4. Il dit quelques mots et pencha la tête vers la droite. Ce qu’il voulait dire était simple à comprendre : éloignez-vous de la charrette.
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