Harry Harrison - Le monde de la mort

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Joueur professionnel, Jason dinAlt ne se sent vivre que dans le défi. Alors, quand on lui offre de gagner aux dés trois mille millions d'unités galactiques, il ne résiste pas. Qu'im-porte si la partie achevée — qu'elle soit gagnée ou perdue — sa vie doit être en danger...
Il gagne et relève aussitôt un nou-veau défi : affronter la planète Pyrrus, appelée aussi le Monde de la Mort.
Tout sur Pyrrus est hostile à l'hom-me: la plus délicate des fleurs est poison, les cailloux sont meurtriers, chaque insecte est mortel. Et dès l'âge de six ans les enfants sont adultes, prêts au combat. Les autres ont été éliminés.
Pour Jason, c'est la plus formidable partie de sa carrière : il joue sa vie contre le sort de toute une planète.

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— Qu’est-ce que ça veut dire ? Vous ne pouvez pas m’expliquer ?

Il la secoua par le bras.

— C’est une alarme de secteur. Une brèche importante au niveau du périmètre. Tout le monde doit répondre à l’appel.

— Eh bien, allez-y, dit-il. Ne vous en faites pas pour moi. Je m’en sortirai.

Ses mots eurent l’effet d’une détente de fusil. Méta était partie avant qu’il eût fini de parler. Jason, exténué, s’assit dans le bureau désert.

Le silence peu naturel du bâtiment commençait à peser sur ses nerfs. Il alla jusqu’à l’écran et enfonça le bouton récepteur. L’écran explosa de couleur et de bruits. Jason ne put tout d’abord rien reconnaître. Ce n’était qu’un mélange confus de visages et de voix. L’appareil, à canaux multiples, était à utilisation militaire. Plusieurs images arrivaient sur l’écran en même temps, des rangées de têtes ou des arrière-plans embrumés lorsque l’utilisateur avait quitté le champ. Plusieurs têtes parlaient en même temps et leurs propos étaient inintelligibles.

Après avoir examiné les commandes et fait quelques essais, Jason commença à en comprendre le fonctionnement. Bien que toutes les stations fussent en fonctionnement sur l’écran de façon continue, on pouvait contrôler leur canal moyenne fréquence. De cette façon, on pouvait accrocher ensemble, en chaîne, deux, trois ou plusieurs stations.

L’identification de la voix et du son était automatique. Lorsque l’une des images parlait, elle devenait légèrement rouge. Après quelques erreurs, Jason trouva les fréquences des stations qu’il cherchait et essaya de suivre le déroulement de l’attaque.

Il comprit très rapidement que cela sortait de l’ordinaire. D’une façon que personne n’expliquait, une partie du périmètre avait été enfoncée et les secours avaient dû s’y précipiter pour colmater la brèche. Kerk semblait être le chef, et il était le seul en tout cas à utiliser un émetteur qui dominait les autres transmissions. Il l’employait pour les commandements généraux. Les nombreuses petites images s’effaçaient et son visage apparaissait en surimpression, remplissant tout l’écran.

— À tous les postes du périmètre : envoyez 25 % de vos réserves à la zone 12.

Les petites images reparurent et le babillage reprit, des reflets rouges sautant d’un visage à l’autre.

— Abandonnez le premier étage, les bombes à acide ne peuvent pas y arriver…

— Nous allons être séparés, mais la chose nous a dépassés sur le flanc ouest. Nous avons besoin de renforts…

— … et les réservoirs de napalm sont pratiquement vides. Que faire ?

— Le camion est toujours ici, envoyez-le au magasin et chargez-le.

Jason avait remarqué en entrant les pancartes des étages inférieurs. Les deux premiers étages de ce bâtiment étaient remplis d’approvisionnements militaires. C’était l’occasion pour lui de participer.

Il était déplaisant de rester assis et de regarder. Particulièrement dans une situation aussi désespérée. Il ne se surestimait pas, mais il était certain qu’il y aurait toujours de la place pour un pistolet supplémentaire.

Lorsqu’il eut atteint le niveau de la rue, un camion à turbine venait de s’arrêter devant le quai de chargement. Deux Pyrrusiens faisaient rouler de gros bidons de napalm avec un mépris total de leur propre sécurité. Jason n’osa pas entrer dans le tourbillon des tonneaux. Mais il pouvait être utile en mettant les lourds bidons en place sur le plateau du camion pendant que les autres les faisaient rouler. Ils acceptèrent son aide sans un mot.

C’était un travail épuisant que de tirer malgré la pesanteur les bidons pleins. Au bout d’une minute, Jason travaillait sans plus rien voir à travers un brouillard rouge de sang. Il ne s’aperçut que le travail était terminé que lorsque le camion bondit en avant et qu’il se retrouva sur le plancher. Il y resta, respirant péniblement. Alors que le conducteur jetait son camion de côté et d’autre, Jason rebondissait sur les planches. Il y voyait de nouveau, mais cherchait toujours sa respiration lorsque le camion s’arrêta dans la zone de combat.

Pour Jason, c’était une scène de confusion complète. Des pistolets qui lançaient des flammes, des hommes et des femmes courant dans tous les sens. Les bidons de napalm furent déchargés sans son aide et le camion partit chercher un nouveau chargement. Jason s’appuya contre le mur d’un bâtiment à moitié détruit et essaya de s’orienter. C’était impossible. Il semblait y avoir un grand nombre de petits animaux : il en tua deux qui l’attaquaient. Mais il ne pouvait déterminer la nature de la bataille.

Un Pyrrusien, son visage bronzé pâli par l’effort et la douleur, avança en trébuchant. Son bras droit pendait mollement contre son flanc, recouvert d’une mousse chirurgicale appliquée récemment. Il tenait son pistolet de la main gauche. Jason pensa que cet homme cherchait à se faire soigner. Il se trompait lourdement.

Saisissant son pistolet entre les dents, le Pyrrusien attrapa un bidon de sa main valide et le jeta à terre. Puis, il le fit rouler avec ses pieds, après avoir repris le pistolet dans sa main. C’était un travail lent et malhabile, mais l’homme restait au cœur de la bataille.

Jason traversa la foule qui se pressait et se pencha sur le bidon.

— Laissez-moi faire, dit-il. Vous pouvez nous couvrir tous les deux avec votre pistolet.

L’homme essuya la sueur de ses yeux avec sa manche et cligna les paupières en regardant Jason. Il sembla le reconnaître.

— C’est ça. Je peux toujours tirer. Deux demi-hommes – nous en valons peut-être un à nous deux.

Son sourire était une grimace de douleur, vide d’humour. Jason peinait trop pour prendre conscience de l’insulte.

Une explosion avait ouvert une grande tranchée dans la rue. Deux personnes se trouvaient au fond, creusant encore plus profondément. Cela semblait dénué de sens. Au moment où Jason et son compagnon arrivèrent avec le bidon, les pelleteurs sautèrent hors du trou et commencèrent à tirer en direction du fond. L’un d’entre eux se retourna : c’était encore une adolescente.

— Bravo ! Souffla-t-elle. Vous avez trouvé le napalm. L’une des nouvelles horreurs a fait une brèche vers la zone 13, nous venons de la découvrir.

Tout en parlant, elle retourna le bidon, ouvrit le bouchon et commença à verser le contenu sirupeux dans le trou. Lorsque le bidon fut à moitié vide, elle le poussa aussi dans la tranchée.

— Reculez vite. Elles n’aiment pas la chaleur, dit son compagnon en allumant une torche qu’il portait à la ceinture et en la jetant derrière le bidon.

C’était vraiment un euphémisme. Le napalm s’enflamma, des langues de feu s’élancèrent vers le ciel au milieu d’une fumée grasse. Sous les pieds de Jason, le sol bougea et s’ouvrit. Quelque chose de noir et de long remua au cœur des flammes et se dressa en se tordant au-dessus de leurs têtes. Au milieu de la chaleur infernale, la chose se déplaçait avec des mouvements étranges et saccadés. C’était immense, aux moins deux mètres de diamètre, et il était impossible d’évaluer sa longueur. Les flammes ne la détruisaient pas, elles la dérangeaient seulement.

Jason eut une idée de la longueur de la chose lorsque la rue craqua et s’ouvrit sur cinquante mètres de chaque côté de la tranchée. De grands anneaux commencèrent à émerger du sol. Il tira avec son pistolet, comme les autres. Cela ne sembla avoir aucun effet sur la créature. Les renforts affluèrent, avec toute une variété d’armes. Les grenades et les lance-flammes semblaient les plus efficaces.

— Dégagez la zone, nous allons la submerger. Reculez !

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