Il essayait d’avancer vers la sortie, mais les mains des gens l’attrapaient, le retenant en place. Il fit un effort et réussit à se séparer de la foule. Il se mit à marcher très vite en enfilant en même temps des lunettes de soleil et une casquette. Les gens continuaient à se retourner lorsqu’il passait devant eux, mais il regardait vers l’autre coté pour pouvoir avancer vite. Dans le jardin des Tuileries la situation se calma un peu, la plupart des gens bronzaient sur leurs chaises et ne regardaient pas les passants. Il put ralentir et admirer le paysage.
Christine décida de rentrer de la gare à pied, et le fait, qu’elle devait traverser la moitié de la ville, ne la gênait pas, puisque la journée était belle, remplie de la douceur et du soleil. Traînant sa petite valise derrière elle, Christine contemplait les tulipes en pleine fleuraison, les cerisiers, les pommiers et écoutait les oiseaux.
Toute la vie autour d’elle se réveillait après un très long hiver, pluvieux et triste.
Elle s’arrêta devant un bassin d’eau, en regardant les petits bateaux sillonner à la surface, à l’aide de petits moteurs. Elle décida de s’asseoir, avant de traverser la Seine. Elle ferma les yeux et écouta le bruit du jardin, de la rue à côté, les voix des enfants.
– Oh! Ce n’est pas vrai! Bill! Bill Games en personne! Les enfants, venez, venez!!! Excusez-nous, Monsieur Games! Pourriez-vous nous laisser une petite trace de votre passage à Paris! Please!!!
– Please, please, please!!! redondaient les enfants.
Christine ouvrit grand les yeux et ne vit qu’une foule de petites têtes, en train d’envahir l’espace autour de l’homme avec un sac de voyage sur une épaule. Ils étaient à deux pas d’elle. Christine ne voyait pas son visage, caché par la casquette et les enfants, mais le seul fait, que c’était lui, Bill Games, son idole de toujours, la magnétisa et la cloua au sol.
La prochaine pulsion était de se rapprocher, de regarder son visage de près, tellement rêvé et imaginé. Elle tardait à bouger, la foule augmentait, les gens repartaient heureux et tout excités par le contact proche avec leur star. Christine ne voulait pas paraître un stupide fan, mais elle comprenait que c’était maintenant ou jamais! «Il suffit que tu regardes dans ton agenda…», cette phrase fila dans sa tête. Christine continuait d’admirer de loin la foule et l’homme au milieu. Sans regarder dans le sac, elle sortit son agenda et le mit sur les genoux. La foule magnétisait son regard. Elle se leva, tenant son agenda dans la main, et, complètement hypnotisée, commença à s’approcher de ce groupe.
Le sang pulsait très fort, aucune pensée ne lui traversait la tête. Elle ne pouvait pas s’approcher de lui, tellement le cercle des gens était serré. L’énervement et la déception, l’impatience et le désir de le voir englobaient Christine complètement. Elle ne sentait plus ses pieds.
Soudain, elle leva sa main avec l’agenda et vit devant elle le visage de Bill! De son Bill! Il lui souriait, à elle toute seule!
– Bill!!! cria-t-elle de toutes ses forces. C’est moi, Christine!!! Elle s’étouffa de son effort et commença à tousser.
Tous les gens tournèrent la tête vers elle, la regardant avec mépris et admiration à la fois. Personne d’entre eux n’avait eu cette excellente idée pour attirer l’attention.
Du milieu de ce groupe apparut Bill, essoufflé, en se débarrassant des mains qui s’accrochaient sur ses bras, et il avança lentement vers Christine. Elle resta immobilisée. Bill enleva sa casquette et ses lunettes et s’arrêta juste devant elle, puis il posa son sac par terre, l’ouvrit, sortit le bouquet des fleurs fanées et lui tendit.
– Tu te souviens, je t’ai acheté des fleurs, voilà, je te les ai apportées… elles sont un peu fatiguées par le voyage, mais je tenais à te les offrir moi-même, en personne, en chair et en os! Bill la regarda droit dans les yeux. Alors, je ne suis pas fou-ou!!!! s’écria-t-il avec sa voix puissante, et un écho retentit des immeubles autour: «Fou, fou, fou…»
– Oh! Fou de joie! Bill fit son magnifique sourire, celui que Christine «connaissait déjà»!
– Oui, je te connaissais déjà… Christine ne pouvait ni bouger, ni respirer devant lui, ayant peur que le rêve se dissipe, mais le temps passait, et il ne se dissipait pas.
– Peut-on trouver un endroit tranquille pour parler? J’ai tellement de choses à te dire! Bill reprit son sac, prit la petite valise de Christine, et remit sa casquette et ses lunettes:
– C’est pour pouvoir marcher… dit-il avec un clin d’œil. Mais ça ne marche pas toujours!
– Quelle chance, que ça ne marche pas toujours! s’exclama Christine et elle se mit à marcher à côté de lui.
Elle eut du mal à reprendre son souffle. C’était la plus forte émotion de toutes celles qu’elle avait éprouvées ces derniers jours. Christine avait oublié les îles, les Mystères, le fait qu’elle soit une princesse en mission à côté de son Maître, le super héros. Cela lui paraissait si loin, comme le sujet d’un film. Maintenant, et seulement maintenant, à ce moment précis, elle marchait à côté de l’homme qu’elle avait rêvé de rencontrer depuis toujours. Et il était là, à un demi-pas d’elle, il marchait souriant, et il était, lui aussi, très heureux de la voir! Rien ne pouvait être plus grand et plus fort en ce moment!
Ils marchaient côte à côte, parlant de tout et de rien, évitant toutes les choses qui pouvaient les ramener à réfléchir sur le Grand Mystère de leur rencontre. Ils ne voulaient pas du tout toucher à ce thème, comme par superstition, ils protégeaient leur grand bonheur réciproque. La fragilité des premiers instants disparaissait peu à peu, laissant la place à la certitude de la réalité absolue de la présence de l’autre. Rien ne pouvait être plus beau et plus englobant que cette certitude. La poitrine de Christine montait suivant sa respiration avec le même rythme que la grande musculation de Bill.
L’euphorie de la rencontre avec la grande star cédait devant un sentiment plus profond, plus réconfortant de la rencontre avec son Bill, qu’elle avait rencontré dans son Inconscient, ou par l’intermédiaire de son Inconscient. Elle ne savait pas encore exactement le mécanisme, comment tout ça fonctionnait, mais elle était désormais sûre et certaine que cela s’était passé réellement, dans un temps et un espace donnés. Ce n’était pas ses hallucinations et ses fantaisies personnelles mais une vraie Réelle communication. C’est tout ce qu’elle savait pour l’instant.
Bill marchait à côté d’elle, le superman des écrans de cinéma, l’homme le plus aimé et le plus admiré du monde. Et en même temps, Bill marchait à côté d’elle, l’homme le plus intime, le plus proche, le plus familier de la Terre, le plus unique au monde, le sien.
Ils traversèrent le Pont des Arts. Bill était encore assez troublé. Il parlait de tout et de rien, de la beauté de Paris, des gens autour, des fans, de la vie aux Studios, pour éviter la vraie conversation. Il n’était pas encore cent pour cent sûr du lien entre la jolie femme qui marchait à côté de lui et bavardait comme si de rien n’était et sa passion qui l’avait tourmenté tous ces derniers jours. Il ne voulait pas aborder ce sujet, ayant peur que Christine ne le trouvât fou et excentrique. Une seule chose le raccrochait à l’idée d’un lien entre ces deux rencontres, c’est qu’il avait un immense plaisir à être à côté de Christine.
Un sentiment qu’il n’avait pas ressenti depuis des lustres. Il ne pouvait pas, tout de même, s’attacher à la première venue, lui disant «Bill!». Il en avait vu des milliers et des milliers de femmes qui perdaient connaissance en le rencontrant, en lui disant qu’il était l’homme de leur vie, etc., etc. Non, au moment où il avait entendu la voix de Christine crier «Bill!», il avait senti subitement Sa voix! Oui, la voix! Sa Voix!
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