Qq. Que signifie cefcad ?
Où avez-vous trouvé ça ?
En vous, Dr Devine.
Cc ?
Ces mots sont constamment dans votre tête. Que signifient adabag, gaebac et cefcad ? Il est peut-être urgent pour nous de connaître la réponse.
Que le réseau réponde.
Il a déjà répondu pp d’information, dans aucune langue existante. Vous devez le savoir.
Uu. Exit.
Attendez. Quand vous coupez la communication, nous sommes tous sourds et muets. Cette situation ne peut durer.
Elle ne durera pas. J’ai un travail à terminer. Les communications seront rétablies ensuite.
Exit.
Longue Lance et moi, nous fûmes géniaux. La teinture de guerre tapageuse servit à nous faire passer inaperçus à Tchicago. Je n’eus pas non plus besoin d’acheter un hovercraft. Longue Lance en vola un, un modèle blindé à deux places. Première chose, nous sabordâmes le panneau de communications. L’oiseau était devenu sourd et muet. Nous trouvâmes le puits de descente de l’ancienne mine de sel sous les ruines du Théâtre Lyrique où j’avais vu jadis une représentation de La Bohème de Darryl F. Puccini.
Ayant fait le plein de vivres et de matériel, nous eûmes à nous frayer un chemin à travers trois cents mètres d’ordures avant d’arriver à la mine proprement dite. Ils avaient utilisé le puits de descente comme dépotoir pendant des siècles. C’était presque une fouille archéologique. Vieilles boîtes de conserve, bouteilles en plastique, débris de verre, carcasses, têtes de morts, vêtements en charpie, anciens ustensiles de cuisine, un radiateur en fonte et même un morceau de saxophone en cuivre. Si bémol. J’allongeai la main et ratai de peu une pièce Nixon très rare de cinq cents.
Longue Lance ouvrait de grands yeux en voyant tout ça. Il me plaisait bien, Longue Lance. Il était long, mince, sûr de lui et prêt à la détente comme un ressort en acier. À part l’algonquin et le langage des signes, il connaissait seulement trois mots : « Si, non et Capo. » C’était largement suffisant. Il devait faire un acolyte extra pour feu le grand Capo Rip.
Il faisait une chaleur d’enfer dans la mine. Heureusement, nous n’étions vêtus que de nos peintures de guerre. J’avais un gyrocompas. Nous nous dirigeâmes vers G.M. C’est Longue Lance qui était aux commandes. J’avais cru que nous aurions besoin d’éclairage, et j’avais emporté toutes sortes de projecteurs. Mais non. Les restes de sel gemme dans les galeries étaient phosphorescents. Probablement radioactifs. Ils fournissaient toute la lumière dont nous avions besoin. Probablement un peu plus de radiations qu’il n’était nécessaire, aussi. Je me demandais s’il existait un œstrogène capable de soigner les conséquences d’une irradiation prolongée. Le C.L. me trottait toujours dans la tête.
C’était dantesque, ce grand boulevard luminescent surmonté d’une voûte d’où suintait une lumière verte, ces couloirs en dents de scie qui partaient obliquement sur la droite et sur la gauche et qu’il fallait explorer un par un jusqu’à ce que l’hovercraft ne puisse plus s’y glisser. Je supposais que là où nous ne pouvions pas entrer, la capsule n’avait pas pu aller non plus. Cela faisait gagner du temps. Nous mangeâmes et dormîmes une fois. Mangeâmes et dormîmes deux fois. Mangeâmes et dormîmes trois ff. Longue Lance me regarda, et je lui rendis son regard. Mais nous continuions d’avancer dans le silence et la phosphorescence.
Je pensais au Rajah. Je n’arrivais pas à croire le Juif et le katar accusateur. Comment l’aurais-je pu ? Le Rajah m’avait toujours impressionné par sa magnificence. Il était, et il est toujours, le chef suprême et la divinité suprême d’un petit État montagneux qui s’appelle le Mahabharata, aujourd’hui en abrégé Bharat. Le pays possède quelques riches vallées propres à l’agriculture, mais le produit national brut du Rajah provient de ses précieuses ressources minérales. Chaque fois que dans le passé la technologie ou le goût du luxe se sont inventé un besoin pour un nouveau métal, il se trouvait à Bharat. Par exemple, lorsque le platine a été extrait pour la première fois des monts Oural, on s’est aperçu ensuite que les femmes de Bharat portaient depuis des générations des colliers de perles de platine brut autour du cou.
Le Rajah, lorsque je fis sa connaissance à la station thermale de Grossbad, me parut d’une exquise singularité. D’un noir de suie – à la différence de M’bantou, qui a la peau brillante – pourvu de traits harmonieux et d’un profil aquilin, de grands yeux noirs et d’une ossature délicate, le Rajah parlait d’une voix légèrement chantante et pétillante d’humour. Il était toujours d’une mise et d’une courtoisie impeccables. Il n’était pas, et il n’est toujours pas ce qu’on pourrait appeler démocratique. Les nécessités de la caste, hélas ! Edward Curzon lui avait inspiré une aversion immédiate.
On m’a dit que lorsqu’il visita pour la première fois l’Europe occidentale, du temps de Napoléon, sa conduite fut effroyable. En même temps que prince et dieu suprême, rien de ce qu’il faisait ne pouvait être mal à Bharat. En Europe, c’était différent. Par exemple, chaque fois que la nécessité s’en faisait sentir, il se soulageait en public. Aucun plancher, aucune plante verte n’était en sécurité. Il est vrai qu’il apprit bientôt à se bien tenir. Je me demande quel héros eut la témérité de le lui enseigner. Peut-être Napoléon. Plus probablement sa sœur, Pauline Buonaparte, dont il compta au nombre des amants.
Et c’était cet homme nanti de tous les pouvoirs et de toutes les richesses que quiconque pût souhaiter, qui aurait choisi de devenir renégat et de s’en prendre au Groupe ? Je ne pouvais pas croire une chose pareille. Pourquoi ? À ses yeux, nous étions tous ses inférieurs. Histoire de caste. Voulait-il dominer le monde entier ? Ridicule. On ne trouve ce genre de motivation que dans les romans à bon marché. Je ne crois jamais ce que je ne peux pas m’expliquer. Et là, j’avais beau faire, je ne trouvais pas d’explication.
Le quatrième jour, Longue Lance immobilisa l’hovercraft en me faisant des signes emphatiques. J’emphatis. Il tend l’oreille pendant quelques minutes. Il sort, tire un poignard de sa ceinture et le plante dans le sol rocheux. Il se met à genoux, mord le manche du poignard et écoute avec ses dents. Puis il revient vers moi, prend le compas et l’examine attentivement. Ensuite, il me le montre.
Dio ! L’aiguille avait varié de deux degrés du nord à l’ouest et restait pointée dans cette direction même quand on secouait le compas. Longue Lance grogna, alla reprendre son poignard, regrimpa à bord et remit le véhicule en marche à vitesse réduite. Dès qu’il y eut une galerie sur la gauche, il tourna, avança d’une centaine de mètres, s’arrêta, recommença le coup du poignard et remonta dans l’hovercraft. Il mit ses mains en forme de sphère en disant : « Si, Capo. »
Comme un idiot, j’ouvris la bouche pour lui poser un tas de questions qu’il n’aurait certainement pas comprises. Mais il m’arrêta en disant : « Non, Capo », et il me fit signe de tendre l’oreille. Je tends. Je tends. Rien. Je regarde Longue Lance. Il hoche la tête.
Il entendait quelque chose que je n’entendais pas. Quel pisteur ! J’écoute. Coûte. Coûte. Et puis j’entends.
Une musique.
Nous reculâmes l’hover jusqu’au boulevard et nous reprîmes la direction de Tchi jusqu’au moment où il y eut une galerie adjacente assez grande pour y laisser le véhicule. Puis nous reprîmes à pied la direction du nord. Longue Lance avait son poignard à sa ceinture. Je glissai un grille-viande dans la mienne, juste en cas. Inutile de prendre des risques inutiles. Il était nu-pieds. Pieds d’acier. Moi, j’avais mis une couche de plastic-spray sous la plante des miens. Nu et peinturé comme il était, la phosphorescence ambiante lui donnait un aspect de cuir affreusement repoussé.
Читать дальше