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Gene Wolfe: La cinquième tête de Cerbère

Здесь есть возможность читать онлайн «Gene Wolfe: La cinquième tête de Cerbère» весь текст электронной книги совершенно бесплатно (целиком полную версию). В некоторых случаях присутствует краткое содержание. Город: Paris, год выпуска: 1976, ISBN: 978-2-253-11927-2, издательство: Robert Laffont, категория: Фантастика и фэнтези / на французском языке. Описание произведения, (предисловие) а так же отзывы посетителей доступны на портале. Библиотека «Либ Кат» — LibCat.ru создана для любителей полистать хорошую книжку и предлагает широкий выбор жанров:

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Gene Wolfe La cinquième tête de Cerbère

La cinquième tête de Cerbère: краткое содержание, описание и аннотация

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Bien loin de la Terre, deux planètes soeurs, Sainte-Anne et Sainte-Croix, ont été colonisées par des Français qui ont détruit la population indigène de la seconde. Bien des décennies plus tard — après que les colons français ont été eux-mêmes vaincus et dispersés —, un ethnologue, le Dr Marsh, consacre sa vie à retrouver des traces de cette culture effacée, oubliée, passée au rang des mythes et qu'une culpabilité ancienne tend à refouler dans l'imaginaire. En trois contes d'une écriture à chaque fois renouvelée, Gene Wolfe retrace les aspects contradictoires mais complémentaires de cette quête de l'identité d'un peuple, d'une pureté originelle dont un génocide a voilé jusqu'au souvenir. Voici un livre étrange, subtil et attachant, sans pareil dans le domaine de la science-fiction et qui imprègne longtemps le souvenir du lecteur comme d'un parfum, comme d'une vibration, comme du souvenir d'un songe.

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« Je croyais qu’il les jetait », dis-je, et je remarquai que mon père se penchait en avant pour m’écouter, détail que je jugeai flatteur à l’époque.

« Non, je les ai là. » Il appuya sur un bouton. « Maintenant, n’oublie pas, tu ne dois pas t’arrêter de parler. »

Mais pendant les premiers instants, j’étais bien trop intéressé pour dire quelque chose.

Comme par magie étaient apparus dans la pièce un petit garçon beaucoup plus jeune que moi et un soldat de bois peint presque aussi grand que moi qui, lorsque j’avançai la main pour les toucher, se révélèrent aussi insubstantiels que de l’air. « Dis quelque chose », me pressa mon père. « À quoi penses-tu, Numéro Cinq ? »

Je pensais au soldat, naturellement, et le petit garçon aussi. Il paraissait avoir trois ans. Il flotta à travers mon bras comme un fantôme et essaya de le renverser.

C’étaient des hologrammes — des images à trois dimensions formées par les interférences de deux fronts d’ondes de lumière — des choses qui m’avaient paru très ternes quand je les avais vues illustrées par des images plates de pièces d’échecs dans mon livre de physique ; mais il me fallut quelque temps avant de faire la liaison entre ces pièces et les fantômes qui peuplaient la nuit la bibliothèque de mon père. Et celui-ci n’arrêtait pas de répéter : « Parle donc ! Dis quelque chose ! Que crois-tu que le petit garçon pense ? »

« Eh bien, le petit garçon aime bien le gros soldat, mais il voudrait le renverser s’il peut, parce que le soldat n’est qu’un jouet, en fait, mais il est plus grand que lui et… » et ainsi je parlai, pendant longtemps, des heures, peut-être, sans discontinuer. La scène changeait sans cesse. Le soldat géant était remplacé par un poney, un lapin, une assiette de soupe et des gâteaux secs. Mais le petit garçon de trois ans demeurait la figure centrale. Quand le serviteur voûté à la veste élimée revint, en bâillant, me chercher pour me reconduire au lit, ma voix n’était plus qu’un souffle rauque et ma gorge était sèche. Dans mes rêves cette nuit-là, je revis le petit garçon passant d’une activité à l’autre, sa personnalité étrangement confondue avec la mienne et celle de mon père, de sorte que j’étais à la fois observateur, observé et une troisième présence observant les deux premières.

Le lendemain soir, je m’endormis presque au moment même où Mr Million nous envoya nous coucher, ne gardant ma lucidité que suffisamment longtemps pour me féliciter de le faire. Je me réveillai quand le serviteur voûté entra dans le dortoir, mais ce fut David et pas moi qu’il secoua pour le tirer du lit. Je feignis de dormir (car il m’était venu à l’idée, et cela me semblait raisonnable à l’époque, que s’il s’avisait que je ne dormais pas, il nous ferait lever tous les deux) et j’épiai mon frère qui s’habillait et essayait de mettre un semblant d’ordre dans la masse embrouillée de ses cheveux blonds. Je dormais profondément quand il rentra, et je n’eus pas l’occasion de l’interroger jusqu’à ce que Mr Million nous laisse seuls, comme il arrivait fréquemment, devant notre petit-déjeuner. Je lui avais raconté tout naturellement ma propre expérience, et tout ce qu’il avait à me dire c’était qu’il avait passé une soirée à peu près semblable à la mienne. Il avait vu les représentations holographiques, apparemment les mêmes que moi : les soldats de bois, le poney. Il avait été forcé de parler sans interruption, comme Mr Million nous l’avait si souvent demandé au cours de débats et d’interrogations orales. La seule chose qui différait de ma propre entrevue avec notre père, pour autant que je puisse l’établir, se révéla quand je lui demandai quel nom il lui avait donné.

Il me regarda sans comprendre, un morceau de toast à demi levé vers sa bouche.

Je redemandai : « Comment t’a-t-il appelé quand il te parlait ? »

« Il m’a appelé David. Comment veux-tu qu’il m’appelle ? »

Avec l’apparition de ces entretiens, le cours de mon existence se modifia. Les ajustements que j’estimais temporaires devinrent imperceptiblement permanents, établissant de nouvelles structures dont ni David ni moi n’étions conscients au début. Nos jeux et nos disputes après le coucher cessèrent, et David ne fit presque plus de flûtes de Pan avec les tiges du jasmin de Virginie. Mr Million nous laissait dormir un peu plus tard et nous nous sentions, de façon subtile, entrer progressivement dans le domaine des adultes. C’est à peu près vers cette époque-là aussi qu’il commença à nous emmener dans un parc où il y avait un stand de tir à l’arc et des installations pour divers autres sports. Ce petit parc, qui n’était pas très loin de chez nous, était bordé d’un côté par un canal. Et là, tandis que David décochait des flèches à des oies empaillées ou jouait au tennis, je m’asseyais souvent tranquillement pour regarder l’eau presque propre ou pour attendre le passage de l’un des bateaux blancs — de grands bateaux à l’étrave aussi tranchante que le bec aiguisé d’un martin-pêcheur et à quatre ou cinq, ou même sept mâts — qui étaient quelquefois halés depuis le port par dix ou douze paires de bœufs.

Pendant l’été de ma onzième ou douzième année — la douzième plutôt — nous eûmes la permission pour la première fois de rester dans le parc après la tombée de la nuit, assis sur la berge glissante du canal, pour regarder des feux d’artifice. Le premier lancer de fusées ne s’était pas plus tôt perdu à un kilomètre au-dessus de la ville que David se trouva malade. Il courut jusqu’à l’eau et se mit à vomir, plongeant ses mains jusqu’aux coudes dans la vase tandis que des étoiles rouges et blanches brillaient de toute leur gloire éphémère au-dessus de lui. Mr Million le prit dans ses bras et quand le pauvre David eut fini de se vider, il nous ramena précipitamment à la maison.

Le mal ne dura pas plus longtemps que le sandwich avarié qui l’avait occasionné, mais tandis que notre précepteur mettait David au lit, je décidai de ne pas me laisser frustrer du reste de l’exhibition, dont j’avais entrevu une partie pendant que nous rentrions. Je n’avais pas le droit d’aller sur la terrasse après la tombée de la nuit, mais je savais très bien trouver l’escalier proche. La sensation de pénétrer dans un monde interdit de feuillage et d’ombre tandis que des fleurs de lumière pourpre et or éclataient dans le ciel noir m’affectait comme les suites d’une fièvre et me laissait tremblant, l’haleine sèche et frissonnant de froid au milieu de l’été.

Il y avait beaucoup plus de monde sur la terrasse que je ne m’y étais attendu. Les hommes étaient sans leurs capes, chapeaux ou cannes (qu’ils avaient laissés au vestiaire de mon père) et les filles employées par mon père portaient des costumes qui mettaient en évidence leur poitrine fardée dans des corsets de fil torsadé qui ressemblaient à des cages, ou qui leur donnaient une apparence de grande taille (qui ne disparaissait que quand quelqu’un se tenait très près d’elles), ou bien des robes dont le bas reflétait le visage et le buste de celles qui les portaient comme la surface de l’eau calme reflète les arbres qui poussent au bord de la rive, de sorte qu’elles apparaissaient, dans les éclairs de lumière intermittents, comme les reines costumées d’un étrange tarot.

On me voyait, bien sûr, car j’étais bien trop excité pour me dissimuler avec succès ; mais personne ne me demanda de partir, et je suppose qu’ils pensaient que j’avais la permission de monter ici voir le feu d’artifice.

Il se poursuivit longtemps. Je me souviens d’un certain client, un gros homme au visage carré et à l’air stupide qui paraissait être quelqu’un d’important et qui était si impatient de jouir de la compagnie de sa protégée — qui refusait de rentrer tant que le spectacle n’était pas terminé — que, puisqu’il insistait pour préserver son intimité, il fallut redisposer vingt ou trente buissons et arbustes autour d’eux pour leur faire un petit bosquet. J’aidai les serviteurs à transporter quelques-uns des bacs les plus légers, et je m’arrangeai pour me glisser à l’intérieur de l’enclave quand elle fut terminée. De là, je pouvais continuer à observer les fusées qui explosaient à travers les branches, et en même temps le patron et sa nymphe du bois, qui, je dois le dire, regardait avec beaucoup plus d’intérêt que je ne le faisais.

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