Isaac Asimov - Cailloux dans le ciel

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Cailloux dans le ciel: краткое содержание, описание и аннотация

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Pour Joseph Schwartz, la chose arriva à l’instant où il avait un pied en l’air. Il se trouvait dans la ban­lieue de Chicago et s’apprêtait à enjamber une poupée de chiffon. Lorsqu’il reposa le pied, après avoir éprouvé une fugitive impression de vertige, sa chaussure s’enfonça dans l’herbe. Il était alors dans une forêt.
Ce qu’ignorait Joseph Schwartz, c’est qu’il ne s’était pas déplacé dans l’espace, mais qu’il avait effec­tué un immense bond dans le temps. Désormais, la Terre n’était plus qu’une petite planète d’intérêt stratégique secondaire dans l’im­mense empire galactique dirigé de­puis Trantor.
La présence d’un homme venu du passé ne va-t-elle pas modifier les rapports de force existant entre les Terriens et la garnison de soldats impériaux ?

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Peut-être méritaient-ils tous de mourir, ces imbéciles…

Il remarqua à peine Shekt et Schwartz, assis à sa gauche. Et il y avait Balkis, l’odieux Balkis. Ses lèvres étaient encore enflées, sa joue tuméfiée et parler devait lui faire affreusement mal. A cette pensée, Arvardan eut un sourire farouche et ses poings se nouèrent. Il eut l’impression que sa propre joue lui faisait un peu moins mal.

Ennius leur faisait face, le front plissé, incertain, presque ridicule dans ses lourds et informes vêtements imprégnés de plomb.

Un imbécile, lui aussi ! Arvardan éprouva une bouffée de haine en songeant à tous ces opportunistes qui n’aspiraient qu’à leur tranquillité et à leur confort. Où étaient-ils, les conquérants d’il y avait trois siècles ? Où ?

Plus que six heures…

Ennius avait reçu l’appel de la garnison de Chica quelque dix-huit heures auparavant et il avait fait la moitié du tour du globe pour s’y rendre. Les motifs auxquels il avait obéi étaient obscurs, mais néanmoins puissants. Somme toute, si l’on allait au fond des choses, s’était-il dit, il ne s’agissait de rien d’autre que de l’enlèvement d’un de ces « robes vertes » du folklore terrien. Cela et des accusations extravagantes dénuées de tout fondement. Rien que le colonel n’eût pu régler sur place. Pourtant, il y avait Shekt. Et Shekt n’était pas l’accusé, mais l’accusateur. Tout cela était fort troublant.

Et, maintenant, en face de tout ce petit monde, Ennius était conscient que, dans ces circonstances, sa décision pouvait précipiter une rébellion, affaiblir son crédit à la cour, anéantir ses chances de promotion. Dans quelle mesure fallait-il prendre au sérieux le long discours d’Arvardan parlant de souches virales et d’épidémies ? Si le procurateur agissait en fonction de pareils propos, aurait-il l’approbation de ses supérieurs ?

Néanmoins, Arvardan était un archéologue célèbre. Aussi Ennius préféra-t-il remettre sa décision à plus tard et il demanda au secrétaire :

— Je présume que vous avez quelque chose à répondre ?

— Fort peu de chose, en réalité, dit Balkis avec sérénité. Je voudrais seulement savoir quelles sont les preuves existant à l’appui de cette accusation.

— Je vous ai déjà dit, Excellence, fit Arvardan à bout de patience, que cet homme a tout admis dans les moindres détails avant-hier quand nous étions incarcérés.

— Peut-être ajouterez-vous foi à cette affirmation, Votre Excellence, mais c’est, encore une fois, une allégation dépourvue de fondement, contra le secrétaire. En réalité, tous les témoignages se ramènent à ceci : c’est moi qui ai été mis en état d’arrestation par la violence et non pas eux. C’est ma vie qui a été mise en péril et non pas la leur. Cela étant dit, je souhaiterais que mon accusateur explique comment il a pu découvrir toute cette conspiration en neuf semaines puisqu’il n’y a que neuf semaines qu’il est arrivé, alors que vous, procurateur en fonction depuis des années, vous n’avez jamais relevé quoi que ce soit contre moi.

— Il y a de la logique dans cet argument, reconnut Ennius. Comment avez-vous fait pour apprendre cela ?

Avant la confession de l’accusé, j’avais été mis au courant du complot par le Dr Shekt, répondit Arvardan avec raideur. Ennius se tourna vers le physicien.

— Est-ce vrai, docteur Shekt ?

— C’est vrai, Votre Excellence.

— Et comment avez-vous eu vent de cette affaire ?

— Le Dr Arvardan a décrit avec une parfaite précision et de façon exhaustive l’usage qui a été fait de l’amplificateur synaptique et il a rapporté fidèlement les dernières paroles prononcées par le bactériologiste Smitko avant sa mort. Ce Smitko était mêlé à la conspiration. Ses déclarations ont été enregistrées et les enregistrements sont à votre disposition.

— Les déclarations d’un mourant qui délirait – si ce que le Dr Arvardan a dit est vrai – n’ont guère de valeur probante. Vous n’avez pas d’autres éléments ?

Arvardan frappa du poing l’accoudoir de son fauteuil et s’exclama :

— S’agit-il d’un procès en correctionnelle ? Est-on en train de juger une infraction au code de la route ? Nous n’avons pas le temps de peser les preuves sur une balance de précision ou de les mesurer avec un micromètre. Je vous répète que vous avez jusqu’à 6 heures du matin, qu’il vous reste, si vous préférez, un délai de cinq heures et demie pour juguler l’immense péril qui nous menace. Ce n’est pas d’aujourd’hui que vous connaissez le Dr Shekt, Votre Excellence. Pensez-vous que ce soit un menteur ?

Le secrétaire ne laissa pas Ennius répondre :

— Personne n’a accusé le Dr Shekt de mentir délibérément, Votre Excellence. Seulement, ce bon docteur vieillit et, depuis un certain temps, il est très affecté par l’approche de son soixantième anniversaire. Je crains que le vieillissement se combinant à cette appréhension n’ait provoqué chez lui des tendances quelque peu paranoïaques. C’est un syndrome fort répandu sur la Terre. Regardez-le : trouvez-vous qu’il ait l’air tout à fait normal ?

Shekt n’avait évidemment pas l’air normal. Il était crispé, tendit, traumatisé par tout ce qui s’était passé et tout ce qui risquait de survenir. Pourtant, le physicien rétorqua en s’efforçant de s’exprimer sur son ton habituel, de paraître calme :

— Je pourrais dire que, depuis deux mois, je suis continuellement surveillé par les Anciens, que l’on ouvre mon courrier et que l’on censure mes lettres. Mais il va de soi que ces griefs seraient attribués à ma prétendue paranoïa. Cependant, j’ai à mes côtés Joseph Schwartz, le volontaire que j’ai traité à l’amplificateur le jour où vous êtes venu me voir à l’Institut, Votre Excellence.

— Je m’en souviens. (Ennius était un peu soulagé que Shekt ait changé de sujet.) C’est cet homme ?

— Oui.

— Il ne semble pas avoir pâti de cette expérience.

— Bien au contraire ! La réussite a même dépassé tous les espoirs car il avait, au départ, une mémoire photographique, chose que je ne savais pas à ce moment. Et, maintenant, son esprit est capable de capter les pensées d’autrui.

Ennius se pencha en avant et s’exclama avec ahurissement :

— Comment ? Voulez-vous dire qu’il lit dans l’esprit des gens ?

— La démonstration est facile à faire, Votre Excellence. Mais je crois que le frère est en mesure de vous le confirmer.

Le secrétaire décocha à Schwartz un regard haineux si intense qu’on aurait dit un éclair.

— C’est absolument vrai, Votre Excellence, dit-il d’une voix qui chevrotait imperceptiblement. Cet homme possède certaines facultés hypnogènes, encore que j’ignore si elles sont ou non le résultat du traitement qu’il a subi. J’ajouterai que son passage à l’amplificateur n’a pas été enregistré, ce qui, vous en conviendrez, est extrêmement louche.

— Il n’a pas été enregistré conformément aux consignes du haut ministre, répliqua benoîtement Shekt.

Le secrétaire haussa simplement les épaules en guise de réponse.

Revenons-en à l’objet de cet entretien et faites taire vos querelles, ordonna Ennius d’une voix péremptoire. Qu’est-ce que les pouvoirs télépathiques ou les talents d’hypnose de ce Schwartz ont à voir avec notre affaire ?

— Shekt veut dire qu’il peut lire mes pensées, laissa tomber Balkis.

— Vraiment ? (Pour la première fois, le procurateur s’arrêta à Schwartz :) Eh bien, qu’est-il en train de penser ?

— Que nous n’avons aucun moyen de vous convaincre que ce que nous affirmons est vrai, répondit l’ancien tailleur.

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