Isaac Asimov - Seconde Fondation

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25 millions de planètes habitées… Et dans ce gigantesque amas galactique,une planète élue, qui pourrait sauver la civilisation :la Seconde Fondation. Mais où se trouve-t-elle ? D’éminents savants l’ont en vain cherchée… Une enfant de quatorze ans saura-t-elle la découvrir ?
Voici le dernier volet d’une trilogie qui est devenuun « classique » de la Science-Fiction.

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Ses petits yeux étincelaient.

« Je me suis informé de votre astronef. J’aimerais qu’il soit l’objet de la plus grande attention et des plus grands soins. Je me suis laissé dire que sa position était inconnue.

— En effet, répondit Channis d’un ton léger. Nous l’avons laissé dans l’espace. C’est un vaste oiseau qui convient aux longs voyages à travers des régions parfois hostiles, et nous avons pensé qu’en le posant nous pourrions susciter quelques doutes quant à nos intentions pacifiques. Nous avons préféré atterrir seuls et désarmés.

— C’est un geste amical de votre part, dit le gouverneur sans conviction. Un vaste vaisseau, avez-vous dit ?

— Mais pas un bâtiment de guerre, Excellence.

— Ah ! hum. D’où venez-vous ?

— D’un petit monde dans le secteur de Santanni, Excellence. Peut-être ignorez-vous même son existence ; il est tellement insignifiant. Nous serions heureux d’entretenir des relations commerciales avec Tazenda…

— Vraiment ? Qu’avez-vous à vendre ?

— Des machines de toutes sortes, Excellence, en échange de denrées alimentaires, de bois, de minerais…

— Ah ! hum. » Le gouverneur paraissait sceptique. « Ces questions ne me sont pas très familières. Nous pourrions peut-être établir des contrats fructueux pour les deux parties. Peut-être, lorsque j’aurai examiné vos lettres de créance – car mon gouvernement exigera des informations détaillées avant d’entreprendre des négociations – et observé votre vaisseau, serait-il judicieux de votre part de vous rendre à Tazenda. »

Cette proposition n’obtint aucune réponse, et l’attitude du gouverneur se refroidit perceptiblement.

« Mais, avant tout, il est nécessaire que je voie votre vaisseau.

— Malheureusement, dit Channis d’un air lointain, on s’occupe en ce moment de le réparer. Si Votre Excellence voulait bien nous accorder un délai de quarante-huit heures, nous le mettrions de grand cœur à votre disposition.

— Je n’ai guère l’habitude d’attendre. »

Pour la première fois, Pritcher rencontra le regard de l’autre et son souffle explosa silencieusement dans sa poitrine. Il éprouva pendant un instant la sensation d’un homme qui se noie, puis ses yeux s’arrachèrent péniblement à l’emprise adverse.

Channis ne cilla pas.

« L’astronef ne pourra pas se poser avant quarante-huit heures, Excellence. Nous sommes sans armes, à votre merci. Pouvez-vous douter de l’honnêteté de nos intentions ? »

Il y eut un long silence, puis le gouverneur dit d’un ton rogue :

« Parlez-moi du monde d’où vous venez. »

Ce fut tout. L’incident était clos. Aucune friction ne se produisit plus désormais. Le gouverneur, ayant accompli sa mission officielle, se désintéressait apparemment de l’affaire, et l’entretien s’éteignit dans une mort sans gloire.

Lorsque tout fut terminé, Pritcher se retrouva dans leur logement commun et procéda à un examen de conscience.

Avec minutie, en retenant son souffle, il ausculta ses sentiments. Il n’avait certes pas l’impression d’être changé de quelque façon ; mais il restait à savoir s’il aurait eu conscience d’une quelconque modification. Après la conversion opérée sur lui par le Mulet, avait-il noté en lui quelque différence ? Est-ce que tout ne lui avait pas semblé naturel et normal ?

Mais il fallait soumettre son esprit à l’épreuve décisive.

Avec une froide résolution, il lança un cri à travers les silencieuses cavernes de sa conscience. Ce cri était : « Il faut démasquer et détruire la Seconde Fondation ! »

Et le sentiment qui l’accompagnait était une haine sincère.

Pas la plus petite ombre d’hésitation.

La seconde épreuve consistait à substituer le nom du Mulet à celui de la Seconde Fondation. Aussitôt le souffle lui manqua et sa langue se pétrifia à la simple évocation de la phrase sacrilège.

Tout allait bien pour l’instant.

Mais si la pénétration de l’adversaire avait pris un tour plus subtil ? Si son esprit avait subi d’imperceptibles modifications ? Des changements qu’il ne pouvait déceler, parce que leur existence même faussait son jugement ?

Il ne disposait d’aucun moyen de le savoir.

Mais il éprouvait toujours, à l’égard du Mulet, le même sentiment d’indéfectible loyauté, et cela seul importait réellement.

Il tourna de nouveau son esprit vers l’action. Channis s’activait dans le coin qui lui était réservé. Pritcher porta le pouce sur son poste de poignet.

Et lorsqu’il reçut la réponse, une vague de soulagement déferla sur lui, qui le laissa sans force.

Les muscles impassibles de son visage ne trahirent rien de son drame intérieur mais tout son être criait de joie. Et lorsque Channis tourna vers lui son visage, il sut que la farce était sur le point de finir.

Quatrième interlude

Les deux Orateurs se croisèrent sur la route et s’arrêtèrent.

« J’ai reçu un message du Premier Orateur « dit l’un d’eux.

Une lueur d’appréhension brilla dans les yeux de l’autre. « Point de jonction ?

— Oui. Puissions-nous vivre pour voir se lever une nouvelle aube. »

V

Si Channis avait remarqué le subtil changement intervenu dans l’attitude de Pritcher et leurs relations réciproques, il n’en laissait rien paraître. Il se renversa sur le dur banc de bois et allongea les pieds en éventail, devant lui.

« Quelle impression vous a laissée le gouverneur ? »

Pritcher haussa les épaules.

« Aucune. Surtout pas celle d’un génie. Un spécimen bien médiocre des représentants de la Seconde Fondation, si vous voulez mon avis.

— Je n’en suis pas tellement sûr. Je ne sais trop que penser de lui. Supposons que vous soyez à sa place… » Channis prit un air songeur « … quelle attitude adopteriez-vous ? Imaginez que vous ayez quelque soupçon de nos desseins, quelles mesures prendriez-vous à notre égard ?

— Je procéderais à votre conversion, naturellement.

— A l’exemple du Mulet ? » Channis leva les yeux brusquement. « Le saurions-nous, si nous avions été convertis ? Je me pose la question. Que se passerait-il, s’ils n’étaient que de simples psychologues, mais des psychologues vraiment intelligents ?

— Dans ce cas, je vous aurais tué sans perdre une seconde.

— Et notre navire ? Non ! » Channis agita l’index. « Nous jouons une mascarade, mon vieux Pritcher. Rien d’autre qu’une mascarade. A supposer qu’ils possèdent le pouvoir d’influencer notre esprit, nous ne sommes – vous et moi – que des hommes de paille. C’est au Mulet qu’ils doivent livrer bataille, et ils déploient autant de circonspection vis-à-vis de nous que nous en montrons vis-à-vis d’eux. Je suis sûr qu’ils connaissent notre identité. »

Pritcher le couvrit d’un regard glacial : « Qu’avez-vous l’intention de faire ?

— Attendre. » Il avait lancé le mot rageusement. « Laissons-les venir. Ils sont inquiets, peut-être à propos de l’astronef, mais plus probablement à cause du Mulet. La visite du gouverneur était une manœuvre d’intimidation. Elle n’a donné aucun résultat. Nous n’avons pas bronché. Le second émissaire sera un membre de la Seconde Fondation qui nous proposera un marché.

— Et alors ?

— Alors, nous conclurons le marché.

— Je ne suis pas de cet avis.

— Vous pensez sans doute que ce serait trahir le Mulet ? Il n’en sera rien.

— Non. Non, le Mulet est de taille à déjouer toutes vos trahisons, aussi ingénieuses soient-elles. Mais je ne suis toujours pas de votre avis.

— Selon vous, nous sommes incapables de jouer au plus fin avec les membres de la Seconde Fondation ?

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