Orson Card - La voix des morts

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La voix des morts: краткое содержание, описание и аннотация

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3 000 ans ont passé depuis le massacre des doryphores. Mais seulement vingt-six ans pour Ender Wiggin. Paradoxe de la relativité du temps dans l’espace ! Hanté par sa participation au génocide d’un peuple, Ender poursuit sa quête : trouver une planète où il pourra enfin déposer le cocon de la reine des doryphores.
Serait-ce Lusitania ? Là vivent les piggies, drôles de petits cochons à l’esprit agile. Des êtres étranges, véritable énigme pour les hommes. N’ont-ils pas assassiné, sans mobile apparent, le scientifique qui les étudiait ? Une mort mystérieuse et rituelle. Ender s’est jure de découvrir la vérité sur ce meurtre. Malgré la peur et l’incompréhension des hommes.
La paix régnera-t-elle un jour entre des races aussi différentes ? Les hommes, les piggies et… pourquoi pas les doryphores ?

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Mais elle n’en dit rien et Libo paraissait avoir oublié ce qu’elle lui avait expliqué en hâte, quelques heures auparavant, tandis qu’ils partaient à la recherche de Pipo. Il n’avait même pas regardé la simulation. Novinha en fut contente ; elle ne voulait surtout pas qu’il se souvienne.

Les questions de Dom Cristão furent interrompues lorsque Bosquinha revint avec les hommes qui étaient allés chercher le corps. Ils étaient trempés jusqu’aux os, malgré leurs imperméables en plastique, et couverts de boue ; heureusement, le sang avait sans doute été emporté par la pluie. Ils paraissaient vaguement contrits, et même respectueux, hochant la tête en direction de Libo, s’inclinant presque. Novinha se dit que leur déférence n’était pas simplement la prudence normale que les gens manifestent toujours vis-à-vis de ceux que la mort touche de près.

L’un d’entre eux dit à Libo :

— Tu es Zenador, à présent, n’est-ce pas ?

Et les mots furent ainsi prononcés. Le Zenador n’avait officiellement aucune autorité, à Milagre, mais il avait du prestige – son travail était la raison d’être de la colonie, n’est-ce pas ? Libo n’était plus un enfant ; il avait des décisions à prendre, il avait du prestige, il était passé des limites de la vie communautaire à son centre.

Novinha sentait que son emprise sur son existence lui échappait. Ce n’est pas ainsi que les choses devaient se passer. J’étais censée continuer ainsi pendant des années, apprenant au contact de Pipo, étudiant en compagnie de Libo ; voilà ce que devait être ma vie. Comme elle était déjà la xénobiologiste de la colonie, elle était également appelée à un rôle d’adulte. Elle n’était pas jalouse de Libo, elle avait seulement envie de rester une enfant, avec lui, encore un peu. Toujours, en fait.

Mais Libo ne pouvait plus être son compagnon d’études, ne pouvait plus être son camarade de rien. Elle vit soudain avec netteté comme toute l’attention des gens présents dans la pièce se concentrait sur Libo, sur ce qu’il disait, ressentait, avait l’intention de faire.

— Nous ne nous retournerons pas contre les piggies, déclara-t-il. Nous ne parlerons même pas de meurtre. Nous ignorons en quoi mon père les a provoqués, je tenterai de comprendre plus tard ; ce qui compte, pour le moment, c’est que ce qu’ils ont fait leur paraissait manifestement juste. Nous sommes étrangers, ici, nous avons dû violer un tabou, une loi, mais mon père était prêt à cela, il a toujours su que c’était une possibilité. Dites-leur qu’il est mort honorablement, comme un soldat sur le champ de bataille, un pilote, dans son vaisseau, qu’il est mort en faisant son devoir.

Ah, Libo, jeune homme silencieux, comme tu es devenu éloquent, maintenant que tu ne peux plus être un enfant ! Novinha eut l’impression que son chagrin redoublait. Elle fut obligée de regarder ailleurs, n’importe où…

Et, ce faisant, elle croisa le regard de la seule personne qui n’avait pas les yeux fixés sur Libo. L’homme était très grand, mais très jeune – plus jeune qu’elle, constata-t-elle, car elle le connaissait : il était élève dans la classe inférieure à la sienne. Elle était allée voir Dona Cristã, un jour, pour le défendre. Il s’appelait Marcão Ribeira, mais on l’appelait toujours Marcão, à cause de sa taille. Grand et bête, disaient ceux qui l’appelaient simplement Cão, mot grossier signifiant : chien. Elle avait lu la colère morne dans ses yeux, et, un jour, elle l’avait vu, poussé à bout, frapper un de ceux qui le tourmentaient. Sa victime avait eu l’épaule dans le plâtre pendant presque un an.

Naturellement, ils accusèrent Marcão d’avoir frappé sans provocation… De tout temps, les tortionnaires ont rejeté la faute sur la victime, surtout si elle se défend. Mais Novinha ne faisait pas partie du groupe d’enfants – elle était aussi isolée que Marcão, mais pas aussi démunie, de sorte qu’aucune fidélité ne pouvait l’empêcher de dire la vérité. Elle estima que cela faisait partie de son entraînement pour devenir Porte-Parole des piggies. Marcão, en lui-même, ne signifiait rien pour elle. Elle n’imaginait pas que l’incident puisse compter pour lui, qu’elle puisse devenir à ses yeux la seule personne ayant jamais pris son parti dans la guerre qui l’opposait continuellement aux autres enfants. Elle ne l’avait pas vu, n’avait même pas pensé à lui, depuis qu’elle était devenue xénobiologiste.

Et il était là, couvert de la boue de l’endroit où Pipo était mort, son visage paraissant plus hanté et bestial que jamais, avec ses cheveux collés par la pluie et la sueur qui luisait sur sa peau. Et qu’est-ce qu’il regardait ? Il n’avait d’yeux que pour elle, même lorsqu’elle le fixa sans se cacher. Pourquoi me regardes-tu ? demanda-t-elle intérieurement. Parce que j’ai faim, répondirent ses yeux d’animal. Mais non, non, c’était sa peur à elle, c’était sa vision des piggies sanguinaires. Marcão ne signifie rien pour moi et, quoi qu’il en pense, je ne signifie rien pour lui.

Néanmoins, elle eut un éclair d’intuition, pendant un bref instant. Le fait qu’elle ait pris la défense de Marcão signifiait une chose pour lui mais avait un sens totalement différent pour elle ; la différence était telle que ce n’était même pas le même événement. Son esprit relia cela avec le meurtre de Pipo par les piggies, et cette relation lui parut extrêmement importante, susceptible d’expliquer ce qui était arrivé, mais l’idée fut noyée dans les conversations et l’agitation qui se déclenchèrent lorsque l’évêque fit sortir les hommes afin de les conduire au cimetière. On n’utilisait pas de cercueils, du fait que, par respect pour les piggies, on n’abattait pas les arbres, de sorte que le corps de Pipo devait être enterré immédiatement, la cérémonie ne devant toutefois avoir lieu que le lendemain matin, et sans doute plus tard ; de nombreuses personnes tiendraient à assister à la messe de requiem du Zenador. Marcão et les autres sortirent de la pièce, sous la pluie, laissant Novinha et Libo en compagnie des gens qui croyaient avoir des affaires urgentes à régler à la suite de la mort du Zenador. Des inconnus qui se croyaient importants entraient et sortaient, prenant des décisions que Novinha ne comprenait pas et dont Libo ne paraissait pas se soucier.

Jusqu’au moment où l’Arbitre s’immobilisa près de Libo, la main posée sur l’épaule du jeune homme.

— Bien sûr, tu vas rester avec nous, dit l’Arbitre. Au moins ce soir.

Pourquoi chez toi, Arbitre ? pensa Novinha. Tu n’as aucun lien avec nous, nous n’avons jamais utilisé tes services, qu’est-ce qui te donne le droit de prendre une telle décision ? La mort de Pipo signifie-t-elle que nous sommes soudain des enfants incapables de prendre leurs responsabilités ?

— Je resterai auprès de ma mère, dit Libo.

L’Arbitre le regarda avec surprise… L’idée qu’un enfant puisse résister à sa volonté paraissait lui échapper totalement. Novinha savait que tel n’était pas le cas, naturellement. Sa fille, Cleopatra, qui avait plusieurs années de moins que Novinha, avait tout fait pour mériter son surnom : Bruxinha – petite sorcière. Comment pouvait-il ignorer que les enfants avaient leurs idées propres et résistaient au dressage ?

Mais la surprise n’était pas motivée par ce que Novinha supposait.

— Je croyais que tu comprendrais que ta mère va également habiter chez nous, provisoirement, précisa l’Arbitre. Ces événements l’ont bouleversée, naturellement, et elle ne doit pas être obligée de penser aux problèmes domestiques, ni habiter une maison qui lui rappelle l’absence de son mari. Elle est avec nous, ainsi que tes frères et sœurs, et ils ont besoin de toi. Ton frère aîné, João, est avec eux, naturellement, mais il a une femme et un enfant, de sorte que c’est sur toi qu’ils peuvent compter.

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