Mes meilleurs vœux.
MARGOT DAME FENRING »
Jessica hocha la tête. Le Duc avait prononcé le nom du comte Fenring. Elle s’en souvenait. Le comte Fenring avait été mandataire de l’Empereur sur Arrakis. Mais ce message, libellé de telle façon qu’elle sût que son auteur était également Bene Gesserit, requérait en cet instant toute son attention. Pourtant une pensée amère vint l’effleurer : Le Comte a épousé sa Dame. Mais, dans la même seconde, elle cherchait déjà le message caché. Il devait y en avoir un. Les lignes qu’elle venait de lire comportaient la phrase que toute Bene Gesserit, à moins d’être inhibée par une Injonction de l’Ecole, devait transmettre à une autre Benne Gesserit lorsque les conditions l’imposaient : « Là réside le danger. »
Les doigts de Jessica glissèrent à la surface du bloc, en quête de perforations codées. Rien. Puis sur le côté. Rien. Et… une impression… Quelque chose dans la position du bloc ? Mais Hawat avait sondé la pièce et il avait dû déplacer le bloc-notes pour l’examiner. Levant les yeux, elle vit alors la feuille qui pendait au-dessus de la table. La feuille ! D’un doigt, elle en caressa la face interne, puis le bord, la tige… Là ! C’était là ! D’un seul geste, elle décela et lut le message des points infimes.
« Votre fils et le Duc courent un danger immédiat. Une chambre a été aménagée afin d’attirer votre fils. Les H l’ont pourvue de pièges mortels destinés à être découverts afin qu’un seul échappe aux recherches. » Elle lutte contre le désir soudain de courir vers Paul. Il lui fallait d’abord connaître le message tout entier. Ses doigts coururent sur les marques. « J’ignore la nature exacte de la menace mais elle a trait à un lit. Votre Duc, quant à lui, est menacé par la trahison d’un compagnon ou d’un lieutenant qui avait sa confiance. Les H ont fait le projet de vous offrir à un de leurs mignons. Pour autant que je sache, cet endroit est sûr. Pardonnez-moi de ne pouvoir vous en dire plus. Mes sources ne sont guère nombreuses car le Comte n’est pas de H. En hâte, M.F. »
Jessica repoussa la feuille et se retourna pour courir vers son fils. Dans le même instant, la porte du sas fut violemment ouverte et Paul surgit dans la pièce. Il tenait quelque chose dans la main droite. Il repoussa la porte derrière lui, aperçut sa mère et s’avança vers elle en écartant les feuilles. Il vit alors la fontaine et plaça sa main droite sous le jet d’eau.
« Paul ! (Jessica le saisit par l’épaule.) Qu’est-ce que cela ? »
« Un tueur-chercheur. Je l’ai attrapé dans ma chambre et je lui ai écrasé le nez, mais il vaut mieux être sûr. L’eau devrait le court-circuiter. » Il parlait d’un ton désinvolte mais Jessica perçut la tension qui l’habitait.
« Immerge-le ! » lança-t-elle.
Il obéit.
« Maintenant, lâche-le dans l’eau. »
Il leva la main, secoua l’eau et contempla l’objet de métal immobile dans la fontaine. Jessica coupa une tige et s’en servit pour toucher la mortelle écharde. Inerte. Elle laissa tomber la tige dans l’eau et regarda son fils. Paul examinait la pièce avec une acuité qu’elle connaissait bien… Selon la Manière Bene Gesserit.
« Cet endroit pourrait dissimuler n’importe quoi », dit-il.
« J’ai toute raison de penser qu’il est sûr. »
« Ma chambre était censée l’être également. Hawat avait dit que… »
« C’était un tueur-chercheur, lui rappela-t-elle. Cela signifie qu’il fallait quelqu’un dans la demeure pour le diriger. Les rayons de support ont une portée limitée. Cette chose a fort bien pu être introduite ici après l’inspection d’Hawat. »
Mais, dans le même temps, elle songeait au message gravé dans la feuille : « . … la trahison d’un compagnon ou d’un lieutenant… » Non, certainement pas Hawat. Certainement pas.
« Les hommes d’Hawat fouillent la demeure en ce moment, dit Paul. Le tueur a failli atteindre la vieille femme qui est venue m’éveiller. »
« La Shadout Mapes, dit Jessica. (Elle se souvint de leur rencontre au bas des marches.) Ton père devait te voir pour… »
« Cela peut attendre. Mais pourquoi pensez-vous que cet endroit est sûr ? »
Elle lui montra le bloc et lui rapporta le message. Il se détendit quelque peu. Mais pas Jessica, qui songeait : Un tueur-chercheur ! Mère Miséricordieuse ! Elle devait faire appel à toute son éducation pour réprimer un tremblement hystérique.
Paul dit calmement : « Bien sûr, ce sont les Harkonnens. Nous devrons les détruire. »
Puis on frappa à la porte du sas selon le code des hommes d’Hawat.
« Entrez », dit Paul.
La porte s’ouvrit et un homme de haute taille arborant l’uniforme des Atréides et l’insigne d’Hawat sur sa casquette pénétra dans la pièce.
« Ah, vous voici, monsieur, dit-il. La gouvernante nous avait dit que nous vous trouverions là. (Son regard parcourut la pièce.) Nous avons trouvé un cairn dans les caves. Il y avait un homme à l’intérieur, avec un pupitre de contrôle de tueur. »
« Je veux assister à son interrogatoire », dit Jessica, aussitôt.
« Je suis désolé, Ma Dame. Nous n’avons pas réussi à le prendre vivant. »
« Il n’y a rien qui puisse permettre de l’identifier ? »
« Encore rien que nous ayons trouvé, Ma Dame. »
« Est-ce un natif d’Arrakeen ? » demanda Paul, et Jessica hocha la tête : la question était habile.
« Il en a l’aspect, dit l’homme de Hawat. A première vue, il a dû être placé là, dans ce cairn, il y a plus d’un mois. Il attendait notre arrivée. Nous avions inspecté cet endroit hier et la pierre et le mortier étaient intacts. Je suis prêt à jouer ma réputation sur ce point. »
« Personne ne met votre conscience en doute », dit Jessica.
« Personne sauf moi, Ma Dame. Nous aurions dû utiliser des sondes soniques. »
« Je présume, dit Paul, que c’est ce que vous faites maintenant. »
« Oui, monsieur. »
« Faites savoir à mon père que je serai en retard. »
« Immédiatement, monsieur. (L’homme tourna son regard vers Jessica.) Les ordres de Hawat sont qu’en de telles circonstances le jeune maître soit placé en un endroit sûr. Qu’en est-il de celui-ci ? » A nouveau, ses yeux fouillèrent la pièce.
« J’ai mes raisons de le croire sûr, dit Jessica. Hawat aussi bien que moi l’a inspecté. »
« Alors je monterai la garde à l’extérieur, Ma Dame, jusqu’à ce que nous ayons une fois de plus inspecté toute la demeure. » Il s’inclina, porta la main à sa casquette à l’intention de Paul, puis se retira et referma derrière lui.
Paul, le premier, rompit le silence. « Peut-être aurions-nous dû visiter la maison par nous-mêmes ? Nos yeux pourraient voir des choses qui ont échappé à d’autres. »
« Il n’y a que cette aile que je n’avais pas examinée, dit Jessica. Je l’avais réservée pour la fin parce que… »
« Parce que Hawat s’en était personnellement occupé. »
Elle regarda vivement son fils. Ses yeux étaient interrogateurs.
« N’aurais-tu point confiance en lui ? »
« Si… Mais il devient vieux… Il a trop de travail. Nous devrions l’en décharger quelque peu. »
« Cela l’outragerait et diminuerait son efficience. Lorsqu’il aura entendu parler de tout ceci, pas même un insecte ne pourra pénétrer dans cette aile. Il aura honte que… »
« Nous devons prendre nos propres mesures » dit Paul.
« Hawat a servi trois générations d’Atrédies avec honneur. Il mérite notre respect et notre confiance… »
« Lorsque l’un de vos gestes irrite mon père, il dit : Bene Gesserit ! comme s’il jurait. »
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