Петр Вяземский
О записках Порошина
Comme le journal de Porochine n'a point été écrit pour être livré à la publicité, il doit nécessairement contenir beaucoup de rechutes et de détails insignifiants. J'ai marqué au crayon les endroits les plus intéressante et même ceux qui n'offraient qu'un intérêt secondaire ou relatif, pour en faciliter encore plus la lecture, j'ai fait une table de matières, avec des indications succinctes, pour aider et fixer l'attention.
Ce journal quoique incomplet, est néanmoins un document précieux sous bien des rapports. Outre le but principal, que s'est posé l'auteur de se rendre compte jour par jour du développement intellectuel et moral de son auguste élève, ce mémoire à défaut de ceux qui nous manquent, retracent en légères esquisses, en traits détachés une peinture vraie et vive de l'époque de ses mœurs et de ses tendances, de ses individualités qui toutes plus ou moins portent un cachet d'originalité, que l'on chercherait vainement de nos jours. La société qui y est peinte, quoique entraînée par l'éclat, les séductions, et souvent, avouons le, par les écarts de la civilisation Européenne, portait cependant en soi, un élément vivace de nationalité, elle était plus russe qu'elle ne l'est devenue par la suite. Le gouverneur du jeune Grand Duc, le Comte Panine, tout diplomate, tout ministre des affaires étrangères qu'il était, avait non seulement des tendances et des principes russes en politique, mais il était complètement russe de pied en cap. Son esprit s'était nourri de traditions nationales, historiques et littéraires. Rien de ce qui tenait à la Russie ne lui était ni étranger, ni indifférent Aussi, aimait-il son pays, non de cet amour tiède, de cet instinct intéressé et égoiste d'un homme en place qui aime son pays parce-qu'il aime le pouvoir, mais il l'aimait avec ce dévouement ardent et vivifiant, qui ne peut exister que lorsque l'on est attaché à son pays par tous les liens, toutes les affinités que font naître une communauté d'intérêts et de sympathie, communauté où se résument dans le même amour, le passé, le présent et l'avenir de la patrie. Ce n'est qu'alors que l'on peut aimer et bien servir son pays et sa nation, tout en reconnaissant leurs défauts, leurs travers et leurs vices, et en les combattant de toute sa puissance et de tous ses moyens d'action. Tout autre amour, est un amour aveugle, stérile, inintelligent et même funeste.
Quant à l'éducation du jeune prince il est bon et urgent d'observer:
1. qu'il était élevé dans un milieu intellectuel et social, peut être un peu trop au dessus de son âge, mais en tout cas fait pour développer son esprit et éclairer son âme, pour lui donner une tendance sérieuse pratique et éminemment nationale, pour lui faire connaître les hommes distingués du pays et le mettre en contact avec toutes les capacités, toutes les supériorités et les talents de l'époque; en un mot pour le rattacher à toutes les forces morales du pays, dont un jour il devait-être le maître.
Les conversations qui se tenaient à sa table et en sa présence, peut être parfois déplacées, et par trop excentriques, étaient en général instructives et attachantes; elles dénotaient une grande liberté d'esprit, une franchise d'opinions qui devaient éveiller et consolider le jugement du jeune prince et l'habituer a entendre et à apprécier la vérité. Cette société, il faut bien y faire attention, ne se composait pas de frondeurs, d'hommes de l'opposition, mais tout au contraire, d'hommes chaleureusement dévoués à leur souveraine et â leur pays. Mais par cela même, ils avaient leur franc-parler, et ne craignaient pas de se compromettre et de trahir la cause de la monarchie en blâmant ce qui leur paraissait blâmable et contraire aux vrais intérêts du pays qu'ils aimaient avant tout.
2. L'élément militaire ne prédominait pas dans l'éducation et l'entourage du jeune Grand Duc. Les exercices et les formalités militaires ne le distrayaient pas de ses études. On ne l'habituait pas à se considérer comme militaire avant tout Certes, le futur souverain d'une grande puissance comme la Russie ne pouvait pas rester étranger à ce qui doit en partie constituer la force et la sécurité de l'état. Mais dn ne lui faisait envisager cette question, que sous un point de vue élevé, et non dans les détails d'une pratique minutieuse, faite pour absorber, et fausser l'esprit d'un enfant. On se gardait bien de lui imposer comme 'des devoirs importants et suprêmes, ce qui en réalité, ne pouvait être pour lui qu'un amusement, et aurait dû nécessairement le distraire et le détacher d'études plus sérieuses et l'empêcher de se préparer à l'accomplissement de devoirs, bien plus rudes et plus sacrés. Un prince doué par la nature de grands talents militaires et appelé un jour à devenir un grand capitaine, le deviendra naturellement par la force des choses, des événements et de la vocation. Il est non seulement superflu, mais même dangereux de lui inculquer dès son enfance de pareils goûts, violemment et pour ainsi dire machinalement et par habitude. Une direction semblable donnée à son esprit peut paralyser son intelligence, et la détourner d'une autre voie plus féconde en grands résultats pour le bien du pays et qui aurait pu illustrer son nom et son règne.
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