– Serait-il possible de trouver des morceaux de peau ou de cheveux sur le bas ? demanda Garland au technicien.
– Peut-être, mais je vois des morceaux de tissu dessus, ce qui suggère aussi que le coupable portait peut-être des gants. Nous vous tiendrons au courant.
Garland laissa Hernandez et la police de Manhattan Beach se concentrer sur les détails de la scène de crime et erra partout dans la maison en essayant de comprendre ce qui avait pu se passer. Il n’y avait de signe de lutte nulle part ailleurs, ce qui le poussait à soupçonner que la théorie de Breem (on l’avait suivie à l’intérieur, ou alors, elle avait surpris un voleur) avait ses mérites. Il savait qu’elle avait au moins réussi à entrer dans la cuisine avant qu’il n’arrive quelque chose, mais il ne savait pas à quels autres endroits de la maison elle avait pu aller.
– Garland ! entendit-il Hernandez appeler.
Il repartit dans le hall, où tout le monde le regardait avec impatience.
– Oui ?
– Garth Barton veut te parler, dit Hernandez. Il insiste pour le faire et il paraît qu’il s’impatiente.
– Allons-y, dit Garland avec un soupir. Pas question de faire attendre le VIP. Où était-il au moment des faits, d’ailleurs ?
– Il a dit qu’il était en train de rentrer en voiture et qu’il était en conférence téléphonique tout le temps, leur dit Breem. Il dit qu’il lui faut entre soixante-dix et quatre-vingts minutes par jour pour rentrer du travail. Nous sommes en cours de confirmation mais, s’il est honnête avec nous, il aura un alibi pour le moment de la mort.
– Si c’est vrai, c’est dommage, marmonna Garland dans sa barbe.
– Pourquoi ? demanda Breem.
– Parce que, si ce n’est pas le mari, nous avons un vrai défi à relever : le trafic est intense par ici, les maisons sont peu sécurisées et les preuves physiques sont minimes.
Alors, incapable de cacher son cynisme fatigué, il ajouta :
– Je n’envie pas les gens qui devront résoudre cette affaire.
Le lendemain matin, quand Kyle Voss se réveilla, il bondit hors du lit.
Il se mit à terre et fit immédiatement cent pompes. Alors, il fit une planche de trois minutes suivie de cinquante sauts de grenouille. Baigné de sueur et tout joyeux après seulement quinze minutes d’éveil, il se rendit à la salle de bains et se déshabilla.
Quand il se contempla dans le miroir, il ne put s’empêcher d’admirer son physique. Ces deux années de prison avaient peut-être interrompu sa vie professionnelle, mais elles avaient fait des miracles pour son corps. Il était plus solide et en meilleure forme que depuis ses jours de football au lycée. À un mètre quatre-vingt-sept et avec un poids constant de 97 kilos, il pensait honnêtement qu’il pourrait être garde du corps pour la ligue nationale de football. Ses cheveux blonds étaient encore assez courts à cause de la boule à zéro de ses jours de prison. Ses yeux bleus étaient clairs.
Il bondit dans la douche, qu’il régla au maximum du froid. Il s’assura de se nettoyer chaque centimètre carré de peau, refusant de se presser et refusant de frissonner. Quand il eut terminé, il s’essuya avec la serviette et se mit son costume préféré. C’était un jour important et il voulait avoir l’air beau.
Il avait fait profil bas depuis sa sortie de prison afin de préparer ses projets sans trop attirer l’attention sur sa personne, mais tout cela allait changer aujourd’hui. C’était le début de sa résurrection publique. Dans le cadre de son plan, c’était crucial et il fallait que ça se passe bien. Il sentit un étrange frisson dans son estomac et réussit finalement à comprendre que c’était de la nervosité.
Il avait un emploi du temps chargé pour la journée. Même si le juge l’avait gracié, Kyle devait encore aller retrouver un agent de probation deux fois par semaine. Ça ne le gênait pas. Il fallait qu’il soit excellent pendant ces séances, car cela lui rapporterait beaucoup quand on remettrait inévitablement sa bonne foi en doute par la suite.
Après ce rendez-vous, il avait une réunion à sa fondation récemment créée, le PIC, le Projet pour les Injustement Condamnés. Il répartissait des fonds parmi des organisations caritatives qui fournissaient une aide juridique aux prisonniers qui luttaient contre des accusations injustes. Ce projet permettait aussi à Kyle d’effectuer quelques tours de passe-passe comptables grâce auxquels il finirait par aider des amis qu’il avait rencontrés derrière les barreaux.
Après cela, il avait une interview sur la fondation avec une station de nouvelles locales. Il avait consulté un expert en relations avec les médias qui lui avait appris comment ne parler que de la fondation sans se laisser entraîner par des questions désagréables sur la raison de sa condamnation originale, toute cette histoire avec Jessie. Cela serait sa première tentative de traversée de ces eaux houleuses.
Quand l’interview de la station de nouvelles serait finie, il aurait un rendez-vous d’une autre sorte. Ce serait un entretien d’embauche avec une entreprise de gestion de fortune basée à Rancho Cucamonga, pas loin de sa maison de ville de Claremont. Il avait déménagé dans cette charmante ville universitaire, à cinquante kilomètres du centre-ville de Los Angeles, pour que personne ne puisse l’accuser de manière crédible d’essayer d’intimider son ex-épouse. Ainsi, si l’entretien se passait bien (il avait été assuré par ses amis de Monterrey qu’il se passerait bien), il en retirait une légitimité qui serait cruciale pour ce qu’il avait prévu de faire dans les semaines et les mois suivants.
Il avait besoin de la crédibilité qui allait avec un poste dans une firme bien réputée. De plus, même s’il n’avait pas envie de l’admettre, il avait également besoin de l’argent. Il avait beaucoup gagné avant toute cette histoire de meurtre, mais le divorce avec Jessie et ses frais d’avocat avaient épuisé une bonne partie de ses ressources. Il avait encore accès à des fonds qu’il avait habilement fait disparaître pendant sa vie de couple, mais cela ne suffirait pas à faire tourner la fondation, à lui payer le style de vie qu’il voulait et à financer la destruction totale du monde de son ex-épouse. Il lui fallait tout simplement un plus grand revenu.
Alors qu’il finissait son petit déjeuner, on sonna à la porte. Il vérifia la caméra de sécurité avec son téléphone et vit que c’était son agent de probation. Il ne fut pas si étonné que cela. On l’avait averti que les visites à domicile imprévues étaient monnaie courante et qu’il devait s’y préparer.
– Bonjour, M. Salazar, dit-il en ouvrant la porte. Je croyais que nous étions censés nous retrouver à votre bureau à neuf heures. Étiez-vous impatient à ce point ?
– Vous savez que les visites à domicile imprévues sont autorisées, n’est-ce pas, M. Voss ? demanda sèchement Salazar.
– Bien sûr, dit Kyle comme s’il s’était attendu à sa venue. Je me disais que, comme j’étais venu vous voir si souvent, vous me retourneriez la faveur un jour ou l’autre. J’étais en train de terminer mon petit déjeuner. Puis-je vous proposer quelque chose ? Du café ? Mes œufs brouillés au fromage ne sont pas si mauvais.
– Non, merci. Inutile d’y passer trop de temps. Je voulais juste voir ce que vous aviez prévu pour la semaine afin de m’assurer que vous remplissiez vos obligations fixées par la cour.
– Bien sûr, dit chaleureusement Kyle en se retournant et en repartant dans la maison. Mon calendrier est dans la cuisine.
Salazar le suivit prudemment. Kyle continua à se comporter comme s’ils étaient juste de vieux copains qui échangeaient des nouvelles. Il versa à l’homme une tasse de café et la posa sur la table en face de lui. Malgré son refus initial, Salazar sirota son café.
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