Charlotte Brontë - Jane Eyre; ou Les mémoires d'une institutrice
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- Название:Jane Eyre; ou Les mémoires d'une institutrice
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Jane Eyre; ou Les mémoires d'une institutrice: краткое содержание, описание и аннотация
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«Mes pieds sont meurtris; mes membres sont las. Le chemin est long; la montagne est sauvage; bientôt le triste crépuscule que la lune n'éclairera pas de ses rayons répandra son obscurité sur le sentier du pauvre orphelin.
«Pourquoi m'ont-ils envoyé si seul et si loin, là où s'étendent les marécages, là où sont amoncelés les sombres rochers? Le coeur de l'homme est dur et les bons anges veillent seuls sur les pas du pauvre orphelin.
«Cependant la brise du soir souffle doucement; le ciel est sans nuages, et les brillantes étoiles répandent leurs purs rayons. Dieu, dans sa bonté, accorde protection, soutien et espoir au pauvre orphelin.
«Quand même je tomberais en passant sur le pont en ruines, quand même je devrais errer, trompé par de fausses lumières, mon père, qui est au Ciel, murmurerait à mon oreille des promesses et des bénédictions, et presserait sur son coeur le pauvre orphelin.
«Cette pensée doit me donner courage, bien que je n'aie ni abri ni parents. Le ciel est ma demeure, et là le repos ne me manquera pas. Dieu est l'ami du pauvre orphelin.»
«Venez, mademoiselle Jane, ne pleurez pas,» s'écria Bessie lorsqu'elle eut fini. Autant valait dire au feu: «Ne brûle pas;» mais comment aurait-elle pu deviner les souffrances auxquelles j'étais en proie?
M. Loyd revint dans la matinée.
«Eh quoi! déjà debout? dit-il en entrant. Eh bien, Bessie, comment est-elle?»
Bessie répondit que j'allais très bien.
«Alors elle devrait être plus joyeuse… Venez ici, mademoiselle
Jane; vous vous appelez Jane, n'est-ce pas?
– Oui, monsieur, Jane Eyre.
– Eh bien! vous avez pleuré, mademoiselle Jane Eyre; pourriez- vous me dire pourquoi? Avez-vous quelque tristesse?
– Non, monsieur.
– Elle pleure sans doute parce qu'elle n'a pas pu aller avec madame dans la voiture, s'écria Bessie.
– Oh non! elle est trop âgée pour un tel enfantillage.»
Blessée dans mon amour-propre par une telle accusation, je répondis promptement:
«Jamais je n'ai pleuré pour si peu de chose; je déteste de sortir dans la voiture; je pleure parce que je suis malheureuse.
– Oh! fi, mademoiselle,» s'écria Bessie.
Le bon pharmacien sembla un peu embarrassé. J'étais devant lui. Il fixa sur moi des yeux scrutateurs. Ils étaient gris, petits, et manquaient d'éclat; maintenant, cependant, je crois que je les trouverais perçants; il était laid, mais sa figure exprimait la bonté. Après m'avoir regardée à loisir, il me dit:
«Qu'est-ce qui vous a rendue malade hier?
– Elle est tombée, dit Bessie, prenant de nouveau la parole.
– Encore comme un petit enfant. Ne sait-elle donc pas marcher à son âge? Elle doit avoir huit ou neuf ans!
– On m'a frappée, et voilà ce qui m'a fait tomber, m'écriai-je vivement, par un nouvel élan d'orgueil blessé; mais ce n'est pas là ce qui m'a rendue malade,» ajoutai-je pendant M. Loyd prenait une prise de tabac.
Au moment où il remettait sa tabatière dans la poche de son habit, une cloche se fit entendre pour annoncer le repas des domestiques.
«C'est pour vous, Bessie, dit le pharmacien en se tournant vers la bonne. Vous pouvez descendre, je vais lire quelque chose à Mlle Jane jusqu'au moment où vous reviendrez.»
Bessie eût préféré rester; mais elle fut obligée de sortir, parce qu'elle savait que l'exactitude était un devoir qu'on ne pouvait enfreindre au château de Gateshead.
«Si ce n'est pas la chute qui vous a rendue malade, qu'est-ce donc? continua M. Loyd, quand Bessie fut partie.
– On m'a enfermée seule dans la chambre rouge, et quand vient la nuit, elle est hantée par un revenant.»
Je vis M. Loyd sourire et froncer le sourcil.
«Un revenant? dit-il; eh bien, après tout, vous n'êtes qu'une enfant, puisque vous avez peur des ombres.
– Oui, continuai-je; je suis effrayée de l'ombre de M. Reed. Ni Bessie ni personne n'entre le soir dans cette chambre quand on peut faire autrement, et c'était cruel de m'enfermer seule, sans lumière; si cruel, que je ne crois pas pouvoir l'oublier jamais.
– Quelle folie! et c'est là ce qui vous a rendue si malheureuse?
Avez-vous peur maintenant, au milieu du jour?
– Non, mais la nuit reviendra avant peu, et d'ailleurs je suis malheureuse pour d'autres raisons.
– Quelles autres raisons? Dites-m'en quelques-unes.»
Combien j'aurais désiré pouvoir répondre entièrement à cette question! mais combien c'était difficile pour moi! Les enfants sentent, mais n'analysent pas leurs sensations, et, s'ils parviennent à faire cette analyse dans leur pensée, ils ne peuvent pas la traduire par des paroles. Craignant cependant de perdre cette première et peut-être unique occasion d'adoucir ma tristesse en l'épanchant, je fis, après un instant de trouble, cette réponse courte, mais vraie.
«D'abord, je n'ai ni père, ni mère, ni frère, ni soeur.
– Mais vous avez une tante et des cousins qui sont bons pour vous.»
Je m'arrêtai encore un instant; puis je répondis simplement:
«C'est John Reed qui m'a frappée, et c'est ma tante qui m'a enfermée dans la chambre rouge.»
M. Loyd prit sa tabatière une seconde fois.
«Ne trouvez-vous pas le château de Gateshead bien beau? me demanda-t-il; n'êtes-vous pas bien reconnaissante de pouvoir demeurer dans une telle habitation?
– Ce n'est pas ma maison, monsieur, et Mlle Abbot dit que j'ai moins de droits ici qu'une servante.
– Bah! vous n'êtes pas assez simple pour avoir envie de quitter une si belle demeure?
– Si je pouvais aller ailleurs, je serais bien heureuse de la quitter; mais je ne le puis pas tant que je serai une enfant.
– Peut-être, qui sait? Avez-vous d'autres parents que Mme Reed?
– Je ne pense pas, monsieur.
– Aucun, du côté de votre père?
– Je ne sais pas; je l'ai demandé une fois à ma tante Reed; elle m'a dit que je pouvais avoir quelques pauvres parents du nom d'Eyre, mais qu'elle n'en savait rien.
– Si vous en aviez, aimeriez-vous à aller avec eux?»
Je réfléchis. La pauvreté semble douloureuse aux hommes, encore plus aux enfants. Ils ne se font pas idée de ce qu'est une pauvreté industrieuse, active et honorable; le mot ne leur rappelle que des vêtements en lambeaux, le manque de nourriture, le foyer sans flammes, les rudes manières et les vices dégradants.
«Non, répondis-je, je ne voudrais pas appartenir à des pauvres.
– Pas même s'ils étaient bons pour vous?»
Je secouai la tête; je ne pouvais pas comprendre comment des pauvres auraient été bons; et puis apprendre à parler comme eux, adopter leurs manières, ne point recevoir d'éducation, grandir comme ces malheureuses femmes que je voyais quelquefois nourrir leurs enfants ou laver leurs vêtements à la porte des fermes du village, non, je n'étais pas assez héroïque pour accepter l'abjection en échange de la liberté.
«Mais vos parents sont-ils donc si pauvres? Sont-ce des ouvriers?
– Je ne puis le dire; ma tante prétend que, si j'en ai, ils doivent appartenir à la race des mendiants, et je ne voudrais pas aller mendier.
– Aimeriez-vous à aller en pension?»
Je réfléchis de nouveau. Je savais à peine ce qu'était une pension. Bessie m'en avait parlé comme d'une maison où les jeunes filles étaient assises sur des bancs de bois, devant une grande table, et où l'on exigeait d'elles de la douceur et de l'exactitude. John Reed détestait sa pension et raillait ses maîtres; mais les goûts de John ne pouvaient servir de règle aux miens. Si les détails que m'avait donnés Bessie, détails qui lui avaient été fournis par les jeunes filles d'une maison où elle avait servi avant de venir à Gateshead, étaient un peu effrayants, d'un autre côté, je trouvais bien de l'attrait dans les talents acquis par ces mêmes jeunes filles. Bessie me vantait les beaux paysages, les jolies fleurs exécutés par elles; puis elles savaient chanter des romances, jouer des pièces, traduire des livres français. En écoutant Bessie, mon esprit avait été frappé, et je sentais l'émulation s'éveiller en moi. D'ailleurs, la pension amènerait un complet changement de vie, remplirait une longue journée, m'éloignerait des habitants du château, serait enfin le commencement d'une nouvelle existence.
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