Артур Дойл - Micah Clarke – Tome III. La Bataille de Sedgemoor
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– Qu'en dites-vous, Wade? s'écria-t-il. Est-ce que nous ne verrons jamais un sourire sur la figure que vous faites? Ne voyez-vous pas le sac de laine qui vous attend, lorsque vous jetez les yeux sur ces braves garçons?
– Dieu me préserve de dire un seul mot pour refroidir l'ardeur de Votre Majesté, répondit l'homme de loi, mais je me rappelle le temps où Votre Majesté, à la tête de mercenaires pareils à ceux de l'ennemi, tailla en pièces et mit en déroute des hommes aussi braves que ceux-ci au Pont de Bothwell.
– C'est vrai, c'est vrai, dit le Roi en passant la main sur son front par un geste qui lui était habituel quand il était vexé, fâché. C'étaient de vaillants hommes, les Covenantaires de l'Ouest, et pourtant ils n'ont pu résister au choc de nos bataillons. Mais ils n'étaient point dressés, tandis que ceux-ci savent combattre en ligne et exécuter un feu de file avec autant de précision qu'on peut le désirer.
– Quand même nous n'aurions ni un canon, ni un pétrinal, dit Ferguson, quand nous n'aurions pas même une épée, quand nous serions réduits à nos mains, le Seigneur nous donnerait la victoire, si cela semblait bon à ses yeux qui voient tout.
– Toutes les batailles sont affaire de chance, Votre Majesté, fit remarquer Saxon, dont le bras était entouré d'un mouchoir. Un incident heureux, une faute légère, un hasard que nul ne saurait prévoir peuvent survenir selon toute vraisemblance et faire pencher la balance. J'ai perdu alors que j'avais l'air de gagner et j'ai gagné quand j'étais sur le point de perdre. C'est une partie incertaine, et personne ne peut savoir comment elle tournera avant que la dernière carte soit abattue.
– Non, pas tant que les enjeux sont encore sur la table, dit Buyse de sa voix profonde et gutturale. Plus d'un général gagne ce que vous appelez la partie et cependant perd la belle.
– La partie, c'est la bataille, et la belle c'est la campagne, dit le Roi en souriant. Notre ami allemand est un maître en métaphores de bivouac. Mais je trouve que nos pauvres chevaux sont dans un piteux état. Que dirait notre cousin Guillaume, là-bas, à la Haye, s'il voyait un pareil défilé?
Pendant cet entretien, la longue colonne d'infanterie avait défilé jusqu'au bout, portant encore les étendards avec lesquels elle était venue à la guerre, mais fort endommagés par le vent et les intempéries.
Les remarques de Monmouth avaient été provoquées par l'aspect des dix escadrons de cavalerie qui suivaient les fantassins.
Les chevaux avaient été terriblement fatigués par le travail continuel et la pluie incessante.
Les cavaliers, ayant laissé la rouille atteindre leurs casques et leurs cuirasses, avaient l'air aussi mal en point que leurs montures.
Il était évident pour le moins expérimenté d'entre nous que, si nous voulions tenir bon, nous devions surtout compter sur notre infanterie.
Le reflet des armes, se multipliant sur les crêtes des basses collines, tout autour de nous, et brillant çà et là, quand les rayons du soleil les frappaient, nous montraient combien l'ennemi était fort sur le point même qui était le plus faible de notre côté.
Mais en somme cette revue de Wells nous ragaillardit, car elle nous fît voir que les hommes conservaient leur entrain, et qu'ils ne nous en voulaient pas de la rude façon dont nous avions traités les fanatiques de la veille.
La cavalerie de l'ennemi voltigea autour de nous, pendant ces jours-là, mais son infanterie avait été retardée par le mauvais temps et le débordement des cours d'eau.
Le dernier jour de juin, on partit de Wells et on traversa des plaines égales, couvertes de roseaux.
Puis on franchit les basses collines de Polden, pour arriver à Bridgewater, où nous attendaient quelques recrues.
Monmouth songea un instant à y faire halte et commença même à élever quelques ouvrages de terre, mais on lui fit remarquer que lors même qu'il pourrait tenir bon dans la ville, il ne s'y trouvait des provisions que pour peu de jours.
Le pays environnant avait été nettoyé si complètement qu'on ne devait guère s'attendre à en retirer davantage.
Les ouvrages furent donc abandonnés.
Ainsi donc, bel et bien réduits aux abois, sans la moindre fente pour nous échapper, nous attendîmes l'approche de l'ennemi.
III – Du grand cri qui part d'une maison isolée
Là se terminent nos marches et contremarches monotones.
Nous étions cette fois au pied du mur, ayant en face de nous toutes les forces du gouvernement.
Il ne nous arrivait aucune nouvelle d'un soulèvement, d'un mouvement en notre faveur dans une partie quelconque de l'Angleterre.
Partout, les Dissenters étaient jetés en prison, et l'Église avait le dessus.
La milice des comtés, dans le Nord, dans l'Est, dans l'Ouest, marchait contre nous.
Six régiments hollandais, prêtés par le Prince d'Orange, étaient arrivés à Londres et on disait qu'il y en avait d'autres en route.
La capitale avait mis sur pied dix mille hommes.
Partout on enrôlait, on marchait pour renforcer l'élite de l'armée anglaise, qui était déjà dans le comté de Somerset.
Et tout cela dans le but d'écraser cinq ou six mille pieds terreux et pêcheurs, à demi armés, sans un penny, prêts à sacrifier leurs existences pour un homme et pour une idée.
Mais c'était une idée noble, une de celles qui méritent amplement qu'on leur sacrifie tout et qu'on se dise que c'était un sacrifice bien placé.
En effet, ces pauvres paysans auraient éprouvé de grandes difficultés à dire, dans leur langage pauvre et gauche, toutes leurs raisons, mais au plus profond de leur cœur, il y avait la certitude, le sentiment qu'ils luttaient pour la cause de l'Angleterre, qu'ils défendaient la véritable personnalité de leur pays contre ceux qui voulaient détruire les systèmes de jadis, grâce auxquels elle avait marché à la tête des nations.
Trois ans plus tard, on vit cela clairement.
Alors on reconnut que nos compagnons illettrés avaient aperçu et apprécié les signes du temps avec plus de justesse que ceux qui se disaient leurs supérieurs.
Il y a, selon mon opinion, des phases du progrès humain, auxquelles convient admirablement l'Église Romaine.
Lorsque l'intelligence d'une nation est jeune, il est peut-être préférable qu'elle ne s'occupe point d'affaires spirituelles, qu'elle s'appuie sur l'antique support de la coutume et de l'autorité.
Mais l'Angleterre avait rejeté ses langes et était devenue une pépinière d'hommes énergiques et de penseurs, disposés à ne s'incliner devant aucune autre autorité que celle que reconnaissaient leur raison et leur conscience.
C'était une tentative désespérée, inutile, et folle que de vouloir ramener les gens à une croyance que leur développement avait dépassée.
Et c'était pourtant une tentative de ce genre qui se faisait, avec l'appui d'un Roi bigot, qui avait pour alliée une Église puissante et opulente.
Trois ans plus tard, la Nation comprit cela et le Roi s'enfuit devant la colère de son peuple, mais présentement, plongé dans sa torpeur après les longues guerres civiles et le règne corrompu de Charles, la masse de la nation n'était pas en mesure de se rendre compte quel était l'enjeu.
Elle se tourna contre ceux qui l'avertissaient, ainsi qu'un homme emporté s'en prend au porteur de fâcheuses nouvelles.
N'y a-t-il pas de quoi s'étonner, mes chers enfants, quand on voit une pensée, qui n'était qu'une sorte de vague fantôme, prendre une forme vivante et se transformer en la réalité la plus tragique.
À un bout de la chaîne est un roi qui s'opiniâtre dans un thème de doctrine.
À l'autre, six mille hommes prêts à tout, persécutés, pourchassés d'un comté à l'autre, et qui, enfin, réduits aux abois, se dressent sur les landes désolées de Bridgewater, leur cœur aussi plein d'amertume et de désespoir que s'ils étaient des bêtes de proie traquées.
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