Уильям Шекспир - Venus et Adonis

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William Shakespeare

Venus et Adonis

POËME

Vilia miretur vulgus, mihi flavus Apollo

Pocula castalia plena ministret aqua.

(Ovide. Amor . l. I, eleg. 15.)

AU TRÈS-HONORABLE HENRY WRIOTHESLY,
COMTE DE SOUTHAMPTON ET BARON DE TICHFIELD

Très-honorable seigneur,

J'ignore si je me rends coupable en dédiant mes vers imparfaits à Votre Seigneurie, et si le monde me reprochera d'avoir choisi un si fort soutien pour un si faible fardeau; si vous daignez seulement être satisfait, je me tiendrai pour hautement honoré, et je promets de mettre à profit toutes mes heures de loisir jusqu'à ce que je puisse vous offrir quelques travaux plus sérieux. Mais si le premier enfant de mon imagination est mal conformé, je regretterai de lui avoir donné un si noble parrain, et je ne cultiverai jamais une terre si stérile, de peur de n'y recueillir que de mauvaises moissons. J'abandonne mes vers à votre honorable examen, et Votre Seigneurie au contentement de son coeur; puisse-t-il répondre toujours à vos désirs et aux espérances du monde!

De Votre Seigneurie le dévoué serviteur,

W. SHAKSPEARE.

POËME

I. – A peine le soleil, au visage vermeil, avait-il reçu les derniers adieux de l'aurore en pleurs, qu'Adonis, aux joues roses, partit pour les bois. Il aimait la chasse, mais se moquait de l'amour. La mélancolique Vénus va droit à lui; et, telle qu'un amant hardi, elle commence à lui faire la cour.

II. – «Toi, qui es trois fois plus beau que moi-même,» dit-elle d'abord, «tendre fleur des campagnes, dont le parfum est sans égal; toi, qui éclipses toutes les nymphes; toi, plus aimable qu'un mortel, plus blanc que les colombes et plus vermeil que les roses, la nature qui t'a créé, en contradiction avec elle-même, dit que le monde finira avec ta vie!

III. – «Consens, ô merveille, à descendre de ton coursier, et relie au pommeau de la selle les rênes qui enlacent sa tête orgueilleuse! Si tu daignes m'accorder cette faveur, tu apprendras mille doux secrets: viens t'asseoir ici, où le serpent ne siffle jamais, et je t'accablerai de baisers.

IV. – «Cependant je n'émousserai pas tes lèvres par la satiété; je les rendrai encore plus avides au milieu de l'abondance, en les faisant pâlir et rougir tour à tour par une variété de caresses toujours renaissantes. Dix baisers seront aussi courts qu'un seul, et un seul aussi long que vingt; un jour d'été ne te paraîtra qu'une heure rapide, perdu ainsi dans des jeux qui te feront oublier le temps.»

V. – Là-dessus, elle saisit sa main humide d'une moiteur qui indique la vigueur et l'énergie, et, tremblante de passion, elle l'appelle un baume, un remède souverain donné par la terre pour la guérison d'une déesse. Dans son délire, le désir lui donne la force et le courage d'arracher Adonis de son coursier.

VI. – Sur un de ses bras est la bride du vigoureux coursier, sur l'autre elle tient le faible enfant qui rougit et boude avec un triste dédain. Les désirs sont froids chez lui, il n'entend rien aux jeux de l'amour; elle est brûlante et enflammée comme un charbon ardent; il est rouge de honte, mais froid comme la glace.

VII. – Elle attache avec promptitude à une branche raboteuse la bride garnie de clous d'or. (Oh! combien l'Amour est adroit!) Voilà le cheval à l'écurie; elle se met en devoir d'attacher le cavalier; elle le pousse en arrière, comme elle voudrait être poussée; elle le gouverne par la force, mais non par le désir.

VIII. – Dès qu'il est à terre, elle s'étend auprès de lui; tous deux reposent sur leurs coudes et sur leurs hanches; tantôt elle lui tape sur la joue, tantôt elle fronce le sourcil, et commence à lui adresser des reproches; mais bientôt elle lui ferme la bouche; et tout en l'embrassant elle lui parle avec le langage entrecoupé de la volupté. «Si tu veux me gronder, tes lèvres ne souriront plus.»

IX. – Il brûle d'une ardeur timide; Vénus éteint de ses larmes l'ardeur pudique de ses joues; puis, avec le souffle de ses soupirs et en agitant ses cheveux d'or, elle cherche à les sécher comme avec un éventail. Il dit qu'elle est immodeste, et il la blâme; elle étouffe par un baiser ce qu'il allait ajouter.

X. – Comme un aigle affamé, excité par un long jeûne, déchire de son bec les plumes, les os et la chair, et secouant ses ailes dévore tout ce qu'il rencontre, jusqu'à ce qu'il ait assouvi son double gosier, ou que la proie ait disparu tout entière; de même Vénus baisait le front d'Adonis, ses joues, ses lèvres; et là où elle finit, là elle recommence.

XI. – Forcé de céder, mais sans jamais obéir, il est étendu haletant, son haleine arrive au visage de Vénus; elle se repaît de cette vapeur comme d'une proie, et l'appelle une rosée céleste, un air embaumé; elle voudrait que ses propres joues fussent changées en parterres de fleurs, pourvu qu'elles fussent humectées par cette rosée vivifiante.

XII. – Voyez un oiseau pris dans un filet; tel est Adonis enchaîné dans ses bras: sa timidité pure et sa résistance domptée lui donnent un air boudeur, qui ajoute de nouveaux charmes à ses yeux irrités: la pluie qui tombe dans un fleuve déjà plein l'oblige à franchir ses bords.

XIII. – Vénus supplie encore, elle supplie avec grâce, car elle module sa voix pour charmer l'oreille de ce qu'elle aime. Il reste sombre, il refuse et boude, tour à tour rouge de honte et pâle de colère; s'il rougit, elle l'aime davantage; ce qu'elle préférait disparaît devant des transports plus vifs encore.

XIV. – Comme il se montre, elle ne peut que l'aimer; elle jure par sa main immortelle de ne jamais s'éloigner de son sein qu'il n'ait capitulé avec ses larmes qui coulent toujours et inondent ses joues; un seul doux baiser acquittera cette dette immense.

XV. – A cette promesse il lève la tête, tel qu'une poule d'eau qui apparaît entre deux vagues, mais qui disparaît tout aussitôt dès qu'on la regarde. C'est ainsi qu'il offre de lui accorder ce qu'elle demande; mais au moment où ses lèvres sont prêtes à accepter le payement, il cligne l'oeil et tourne ses lèvres d'un autre côté.

XI. – Jamais voyageur, dans les ardeurs de l'été, ne soupira davantage après un peu d'eau, qu'elle ne soupirait après cette faveur. Elle voit ce qu'elle désire et ne peut l'obtenir; elle se baigne dans la rivière et son feu ne s'éteint pas. «Oh! par pitié, s'écrie-t-elle, enfant au coeur de pierre, ce n'est qu'un baiser que je demande, pourquoi es-tu si timide?

XVII. – «J'ai été suppliée comme je te supplie maintenant, même par le farouche et cruel dieu de la guerre, dont la tête superbe ne fléchit jamais dans les combats, et qui triomphe partout où il va, dans toutes les querelles; cependant il fut mon captif et mon esclave, et il a mendié ce que tu obtiendras sans l'avoir demandé.

XVIII. – «Sur mes autels il a déposé sa lance, son bouclier entaillé, son cimier triomphant; pour l'amour de moi il apprit à jouer et à danser; il apprit à folâtrer, à s'amuser, à badiner, à sourire, à plaisanter, méprisant son grossier tambour, ses rouges enseignes, faisant de mes bras son champ de bataille et sa tente de mon lit.

XIX. – «Ainsi, je triomphai du conquérant et je le tins captif dans des chaînes de roses. L'acier le mieux trempé obéissait à la force de son bras, cependant il fut soumis par ma réserve et mes dédains. Oh! ne sois pas trop fier; ne te vante pas de ta puissance, parce que tu gouvernes celle qui dompta le dieu des batailles!

XX. – «Touche seulement mes lèvres avec les tiennes (elles sont si belles; quoique les miennes ne soient pas si belles, elles sont vermeilles aussi): le baiser t'appartiendra aussi bien qu'à moi. Que vois-tu par terre? relève la tête, regarde dans mes yeux où ta beauté se réfléchit. Pourquoi donc tes lèvres ne s'attachent-elles pas aux miennes, puisque tes yeux se réfléchissent dans les miens?

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