Уильям Шекспир - La mort de Lucrèce
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William Shakespeare
La mort de Lucrèce
LA MORT DE LUCRÈCE 1 1 The Rape of Lucrece, le Viol de Lucrèce.
Très-honorable seigneur,
L'affection que je voue à Votre Seigneurie est sans fin. Cet écrit, sans commencement, n'en est qu'une partie superflue: La confiance. que j'ai en votre honorable caractère, et non le mérite de mes vers imparfaits, me fait espérer qu'ils seront agréés. Ce que j'ai fait vous appartient, ce que je ferai vous appartient encore, comme partie du tout que je vous ai consacré. Si mon mérite était plus grand, mon zèle se montrerait davantage: en attendant, tel qu'il est, il est dû à Votre Seigneurie, à qui je souhaite de longs jours, embellis par toutes sortes de félicités.
De Votre Seigneurie le dévoué serviteur,
W. SHAKSPEARE.
Lucius Tarquinius (surnommé le Superbe, à cause de son orgueil excessif), après avoir été cause du meurtre cruel de son beau-père Servius Tullius, et s'être emparé du trône, contre les lois et les coutumes de Rome, sans demander ni attendre les suffrages du peuple, alla mettre le siége devant Ardéa, accompagné de ses fils et des nobles romains.
Pendant le siége, les principaux officiers de l'armée, réunis un soir dans la tente de Sextus Tarquinius, le fils du roi, et s'entretenant après le souper, se mirent à vanter la vertu de leurs femmes; entre autres, Collatin vanta l'incomparable chasteté de son épouse Lucrèce. Dans cette joyeuse humeur, ils partirent tous pour Rome avec l'intention, par une arrivée soudaine et imprévue, de vérifier ce que chacun avait avancé; le seul Collatin trouva sa femme (quoique ce fût tard dans la nuit) occupée à filer parmi ses suivantes, tandis que les autres dames étaient à danser ou livrées à d'autres distractions. Là-dessus, les seigneurs cédèrent la victoire à Collatin, et la gloire à sa femme.
Sextus Tarquin devint épris de la beauté de Lucrèce; mais, étouffant sa passion pour le moment, il retourna au camp avec les autres. Bientôt après il repart secrètement, et, à cause de son rang, il est reçu et logé royalement par Lucrèce, à Collatium . Dès la première nuit, il se glisse traîtreusement dans sa chambre, lui fait violence, et s'enfuit de bon matin. Lucrèce, dans cette lamentable situation, dépêche deux messagers, l'un à Rome, à son père, l'autre au camp, à Collatin. Ils arrivent tous deux, accompagnés, l'un de Junius Brutus, l'autre de Publius Valérius, et trouvant Lucrèce en habits de deuil, ils lui demandent la cause de sa douleur. Elle leur fait d'abord prononcer le serment de la venger, révèle le coupable, les détails de son attentat, puis se poignarde du consentement de tous et avec d'unanimes acclamations.
D'une voix unanime, les témoins de cet acte de désespoir jurent de détruire toute l'odieuse famille des Tarquins. Ils portent le cadavre à Rome, Brutus raconte au peuple le forfait et le nom du criminel, et termine par d'amères invectives contre la tyrannie du roi. Le peuple est tellement irrité que l'exil des Tarquins est proclamé et la monarchie convertie en république.
LA MORT DE LUCRÈCE
I. – S'éloignant avec rapidité de l'armée romaine, campée sous les remparts d'Ardéa qu'elle assiége, l'impudique Tarquin, sur les ailes perfides d'un désir coupable, porte à Collatium le feu obscur qui, caché sous de pâles cendres, se prépare à s'élever et à entourer de flammes ardentes les formes de la belle épouse de Collatin, Lucrèce la chaste.
II. – C'est sous ce titre malheureux de «chaste» qui a aiguisé ses désirs voluptueux, lorsque Collatin vanta imprudemment l'incomparable incarnat et la blancheur qui brillaient dans ce ciel de sa félicité, où des astres mortels, aussi beaux que les astres des cieux; réservaient à lui seul le pur éclat de leurs rayons.
III. – C'était lui-même qui, la nuit précédente, dans la tente de Tarquin, avait révélé le trésor de son heureux hymen; faisant connaître quelle richesse inestimable les dieux lui avaient accordée dans la possession de sa belle compagne, et estimant sa fortune si haut, que les rois pouvaient bien avoir en partage plus de gloire, mais que ni roi ni seigneur n'avait une dame aussi incomparable.
IV. – O bonheur, que si peu de mortels connaissent, et qui, lorsqu'on te possède, t'évanouis aussi vite que la rosée argentée du matin devant les rayons d'or du soleil! Date effacée avant même d'être commencée! L'honneur et la beauté, entre les bras de celui qui en jouit, sont bien mal fortifiés contre un monde rempli de dangers.
IV. – La beauté persuade elle-même les yeux des hommes sans avoir besoin d'un orateur; quel besoin donc de faire le panégyrique d'un objet si remarquable, ou pourquoi Collatin est-il le premier à publier ce riche bijou, qu'il devrait garder bien loin de l'oreille des ravisseurs, puisqu'il est tout à lui?
VI. – Peut-être cet éloge de la supériorité de Lucrèce fut-il ce qui tenta ce fils orgueilleux d'un roi; car c'est souvent par nos oreilles que nos coeurs sont séduits. Peut-être un si riche trésor, au-dessus de toute comparaison, excita-t-il la superbe jalousie de Tarquin, indigné qu'un inférieur se vantât de posséder ce riche trésor dont ses supérieurs étaient privés.
VII. – Mais quelque coupable pensée excita sa passion impatiente: il négligea son honneur, ses affaires, ses amis, le soin de son rang, et partit au plus vite pour éteindre le feu qui brûle dans son coeur. O ardeur trompeuse et téméraire qu'attend le froid repentir, ton printemps hâtif se flétrit toujours et jamais ne vieillit!
VIII. – Arrivé à Collatium, ce perfide prince fut bien accueilli par la dame romaine, sur le visage de laquelle la vertu et la beauté se disputent à qui des deux soutiendra le mieux sa gloire: quand la vertu faisait la fière, la beauté rougissait de honte; quand la beauté se vantait de sa pudique rougeur, la vertu dépitée la couvrait d'une pâleur argentée.
IX. – Mais la beauté, à qui cette blanche couleur fut aussi donnée par les colombes de Vénus, accepte le défi: alors la vertu réclame de la beauté ce vermillon qu'elle lui a donné au temps de l'âge d'or pour en parer ses joues argentées, et qu'elle appelait alors son bouclier, lui apprenant à s'en servir dans le combat, afin que, lorsque la honte attaquerait, le rouge défendit le blanc.
X. – Ce blason se voyait sur les joues de Lucrèce, discuté par le rouge de la beauté et le blanc de la vertu: chacune était la reine de sa couleur; depuis la minorité du monde leurs droits étaient prouvés; cependant leur ambition leur fait encore engager le combat, leur souveraineté réciproque étant si grande, que souvent elles changent de trône entre elles.
XI. – Le traître regard de Tarquin embrasse dans leurs chastes rangs cette guerre silencieuse des lis et des roses qu'il contemple sur le champ de bataille de ce beau visage; et là de peur d'y être tué, le lâche vaincu et captif se rend aux deux armées, qui aimeraient mieux le laisser aller que de triompher d'un ennemi si perfide.
XII. – Il trouve que son époux, cet avare prodigue qui l'a tant louée, a dans une tâche si difficile fait tort à sa beauté, dont l'éclat surpasse de beaucoup ses stériles louanges. C'est pourquoi Tarquin, dans son imagination, supplée à ce qui manquait au panégyrique de Collatin, dans la muette extase de ses yeux ravis.
XIII. – Cette sainte terrestre, adorée par ce démon, est loin de soupçonner le perfide adorateur; car de chastes pensées ne rêvent guère au mal. Les oiseaux qui n'ont jamais été pris à la glu ne craignent aucune embûche dans les buissons. C'est ainsi que Lucrèce, dans son innocence, fait un accueil respectueux à son hôte royal, dont le vice caché n'exprime aucune mauvaise intention au dehors.
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