Tout amoureux, de sa maîtresse,
Sur son cœur ou dans son tiroir,
Possède un gage qu'il caresse
Aux jours de regret ou d'espoir.
L'un d'une chevelure noire,
Par un sourire encouragé,
A pris une boucle que moire
Un reflet bleu d'aile de geai.
L'autre a, sur un cou blanc qui ploie,
Coupé par derrière un flocon
Retors et fin comme la soie
Que l'on dévide du cocon.
Un troisième, au fond d'une boîte,
Reliquaire du souvenir,
Cache un gant blanc, de forme étroite,
Où nulle main ne peut tenir.
Cet autre, pour s'en faire un charme,
Dans un sachet, d'un chiffre orné,
Coud des violettes de Parme,
Frais cadeau qu'on reprend fané.
Celui-ci baise la pantoufle
Que Cendrillon perdit un soir;
Et celui-ci conserve un souffle
Dans la barbe d'un masque noir.
Moi, je n'ai ni boucle lustrée,
Ni gant, ni bouquet, ni soulier,
Mais je garde, empreinte adorée,
Une larme sur un papier:
Pure rosée, unique goutte,
D'un ciel d'azur tombée un jour,
Joyau sans prix, perle dissoute
Dans la coupe de mon amour!
Et, pour moi, cette obscure tache
Reluit comme un écrin d'Ophyr,
Et du vélin bleu se détache,
Diamant éclos d'un saphir.
Cette larme, qui fait ma joie,
Roula, trésor inespéré,
Sur un de mes vers qu'elle noie,
D'un œil qui n'a jamais pleuré!
PREMIER SOURIRE DU PRINTEMPS
Tandis qu'à leurs œuvres perverses
Les hommes courent haletants,
Mars qui rit, malgré les averses,
Prépare en secret le printemps.
Pour les petites pâquerettes,
Sournoisement lorsque tout dort,
Il repasse des collerettes
Et cisèle des boutons d'or.
Dans le verger et dans la vigne,
Il s'en va, furtif perruquier,
Avec une houppe de cygne,
Poudrer à frimas l'amandier.
La nature au lit se repose;
Lui, descend au jardin désert
Et lace les boutons de rose
Dans leur corset de velours vert.
Tout en composant des solfèges,
Qu'aux merles il siffle à mi-voix,
Il sème aux prés les perce-neiges
Et les violettes aux bois.
Sur le cresson, de la fontaine
Où le cerf boit, l'oreille au guet,
De sa main cachée il égrène
Les grelots d'argent du muguet.
Sous l'herbe, pour que tu la cueilles,
Il met la fraise au teint vermeil,
Et te tresse un chapeau de feuilles
Pour te garantir du soleil.
Puis, lorsque sa besogne est faite,
Et que son règne va finir,
Au seuil d'avril tournant la tête,
Il dit: «Printemps, tu peux venir!»
On voit dans le musée antique,
Sur un lit de marbre sculpté,
Une statue énigmatique
D'une inquiétante beauté.
Est-ce un jeune homme? est-ce une femme,
Une déesse, ou bien un dieu?
L'amour, ayant peur d'être infâme,
Hésite et suspend son aveu.
Dans sa pose malicieuse,
Elle s'étend, le dos tourné
Devant la foule curieuse,
Sur son coussin capitonné.
Pour faire sa beauté maudite,
Chaque sexe apporta son don.
Tout homme dit: C'est Aphrodite!
Toute femme: C'est Cupidon!
Sexe douteux, grâce certaine,
On dirait ce corps indécis
Fondu, dans l'eau de la fontaine,
Sous les baisers de Salmacis.
Chimère ardente, effort suprême
De l'art et de la volupté,
Monstre charmant, comme je t'aime
Avec ta multiple beauté!
Bien qu'on défende ton approche,
Sous la draperie aux plis droits
Dont le bout à ton pied s'accroche,
Mes yeux ont plongé bien des fois.
Rêve de poète et d'artiste,
Tu m'as bien des nuits occupé,
Et mon caprice qui persiste
Ne convient pas qu'il s'est trompé.
Mais seulement il se transpose,
Et, passant de la forme au son,
Trouve dans sa métamorphose
La jeune fille et le garçon.
Que tu me plais, ô timbre étrange!
Son double, homme et femme à la fois,
Contralto, bizarre mélange,
Hermaphrodite de la voix!
C'est Roméo, c'est Juliette,
Chantant avec un seul gosier;
Le pigeon rauque et la fauvette
Perchés sur le même rosier;
C'est la châtelaine qui raille
Son beau page parlant d'amour,
L'amant au pied de la muraille,
La dame au balcon de sa tour,
Le papillon, blanche étincelle,
Qu'en ses détours et ses ébats
Poursuit un papillon fidèle,
L'un volant haut et l'autre bas,
L'ange qui descend et qui monte
Sur l'escalier d'or voltigeant
La cloche mêlant dans sa fonte
La voix d'airain, la voix d'argent,
La mélodie et l'harmonie,
Le chant et l'accompagnement,
A la grâce la force unie,
La maîtresse embrassant l'amant!
Sur le pli de sa jupe assise,
Ce soir, ce sera Cendrillon
Causant près du feu qu'elle attise
Avec son ami le grillon;
Demain le valeureux Arsace
A son courroux donnant l'essor,
Ou Tancrède avec sa cuirasse,
Son épée et son casque d'or;
Desdemona chantant le Saule,
Zerline bernant Mazetto,
Ou Malcolm le plaid sur l'épaule;
C'est toi que j'aime, ô contralto!
Nature charmante et bizarre
Que Dieu d'un double attrait para,
Toi qui pourrais, comme Gulnare,
Être le Kaled d'un Lara,
Et dont la voix, dans sa caresse,
Réveillant le cœur endormi,
Mêle aux soupirs de la maîtresse
L'accent plus mâle de l'ami!
Une femme mystérieuse,
Dont la beauté trouble mes sens
Se tient debout, silencieuse,
Au bord des flots retentissants.
Ses yeux, où le ciel se reflète,
Mêlent à leur azur amer,
Qu'étoile une humide paillette,
Les teintes glauques de la mer.
Dans les langueurs de leurs prunelles,
Une grâce triste sourit;
Les pleurs mouillent les étincelles
Et la lumière s'attendrit;
Et leurs cils comme des mouettes
Qui rasent le flot aplani,
Palpitent, ailes inquiètes,
Sur leur azur indéfini.
Comme dans l'eau bleue et profonde,
Où dort plus d'un trésor coulé,
On y découvre à travers l'onde
La coupe du roi de Thulé.
Sous leur transparence verdâtre,
Brille, parmi le goémon,
L'autre perle de Cléopâtre
Près de l'anneau de Salomon.
Конец ознакомительного фрагмента.
Текст предоставлен ООО «ЛитРес».
Прочитайте эту книгу целиком, купив полную легальную версию на ЛитРес.
Безопасно оплатить книгу можно банковской картой Visa, MasterCard, Maestro, со счета мобильного телефона, с платежного терминала, в салоне МТС или Связной, через PayPal, WebMoney, Яндекс.Деньги, QIWI Кошелек, бонусными картами или другим удобным Вам способом.