Ils tirèrent et tirèrent et Erec se hâta de les rejoindre, tous grognant tandis qu’ils tiraient de toutes leurs forces. Lentement, ils parvinrent à tourner le navire, le tenant fermement tandis qu’il se logeait de plus en plus profondément dans les rochers.
Alors que le bateau arrêtait de bouger, fermement coincé, Erec fut enfin satisfait.
« COUPEZ LES CORDES ! » cria-t-il, sachant que c’était maintenant ou jamais, sentant son propre navire commencer à vaciller.
Les hommes d’Erec tranchèrent les cordes restantes, dégageant son embarcation – et il était temps.
Le navire abandonné commença à craquer et à s’effondrer, son naufrage bloquant solidement la rivière – et un instant après, le ciel fut noirci par une nuée de flèches enflammées de l’Empire descendant sur la flotte d’Erec.
Erec avait manœuvré ses hommes hors du danger juste à temps : les flèches atterrirent toutes sur le navire abandonné, tombant à vingt mètres de la flotte d’Erec, et ne servirent qu’à mettre le feu à l’embarcation, créant un autre obstacle entre eux et l’Empire. Désormais, la rivière serait infranchissable.
« DROIT DEVANT À PLEINE VOILE ! » cria Erec.
Sa flotte avança avec tous leurs moyens, prenant le vent, mettant de la distance entre eux et leur blocus, et naviguant de plus en plus vers le nord, sans danger hors de portée des flèches de l’Empire. Une autre volée de flèches vint, et celles-là atterrirent dans l’eau, éclaboussant et sifflant tout autour du navire en pénétrant dans l’eau.
Tandis qu’ils continuaient à progresser, Erec se tint à la proue et observa, et il regarda au loin avec satisfaction en voyant la flotte de l’Empire s’arrêter devant le navire enflammé. Une des embarcations de l’Empire tenta intrépidement de l’enfoncer – mais tout ce qu’il obtint pour ses efforts fut de prendre feu ; des centaines de soldats de l’Empire poussèrent des cris, dévorés par les flammes, et sautèrent par-dessus bord – et leur bateau enflammé créa une mer de décombres encore plus grande. En le regardant, Erec se figura que l’Empire ne serait pas capable de le traverser avant plusieurs jours.
Erec sentit une main puissante serrer son épaule, et il jeta un œil pour voir Strom debout à côté de lui, souriant.
« Une de tes stratégies les plus inspirées », dit-il.
Erec sourit en retour.
« Bien joué », répondit-il.
Erec se retourna et regarda à nouveau vers l’amont de la rivière, les eaux qui serpentaient dans tous les sens, et il ne fut pas encore réconforté. Ils avaient gagné cette bataille – mais qui savait quels obstacles étaient à venir ?
Volusia, portant ses robes dorées, se tenait en hauteur sur l’estrade, les yeux baissés sur les centaines de marches d’or qu’elle avait fait ériger comme une ode à elle-même, étendit les bras, et se délecta de cet instant. Aussi loin qu’elle pouvait voir, les rues de la capitale où s’alignaient des gens, des citoyens de l’Empire, ses soldats, tous ses nouveaux adorateurs, tous s’inclinant devant elle, touchant le sol de la tête dans la lumière de l’aube. Ils psalmodiaient tous à l’unisson, un son doux et persistant, participant à l’office du matin qu’elle avait créé, comme ses ministres et commandants leur avaient ordonné de faire : la vénérer, ou être condamné à mort. Elle savait qu’actuellement ils l’adoraient car ils le devaient – mais bientôt, ils le feraient car ce serait tout ce qu’ils connaîtraient.
« Volusia, Volusia, Volusia », scandaient-ils. « Déesse du soleil et déesse des étoiles. Mère des océans et héraut du soleil. »
Volusia regarda au loin et admira sa nouvelle cité. Érigées partout se trouvaient des statues d’elle en or, exactement comme elle avait ordonné à ses hommes de les construire. Chaque coin de la capitale avait une statue d’elle, étincelant d’or ; partout où quelqu’un regardait, il n’avait d’autre choix que de la voir, de la vénérer.
Enfin, elle était satisfaite. Enfin, elle était la Déesse qu’elle savait être censée devenir.
Les chants emplissaient l’air, tout comme l’encens, qui brûlait à chaque autel dédié à elle. Hommes, femmes et enfants occupaient les rues, épaules contre épaule, tous inclinés, et elle sentit qu’elle le méritait. Cela avait été une longue et difficile marche pour arriver là, mais elle avait marché tout le long jusqu’à la capitale, avait réussi à la prendre, à détruire les armées de l’Empire qui s’étaient opposées à elle. Maintenant, enfin, la capitale était à elle.
L’Empire était sien.
Bien sûr, ses conseillers avaient une autre opinion, mais Volusia ne se souciait pas vraiment de ce qu’ils pensaient. Elle était, elle le savait, invincible, quelque part entre le ciel et la terre, et aucun pouvoir dans ce monde ne pouvait la détruire. Non seulement ils tremblaient de peur – mais en plus, elle savait que ce n'était que le début. Elle voulait encore plus de pouvoir. Elle projetait de visiter chaque corne et pointe de l’Empire et d’écraser tous ceux qui s’opposaient à elle, qui n’accepteraient pas son pouvoir unilatéral. Elle amasserait une armée de plus en plus grande, jusqu’à ce que chaque recoin de l’Empire se soumette à elle.
Prête à commencer la journée, Volusia descendit lentement de son estrade, une marche après l’autre. Elle tendit les mains, et alors qu’ils se précipitaient tous en avant, ses paumes touchèrent leurs paumes, une foule de fidèles l’adoptant comme la leur, une déesse vivante parmi eux. Quelques adorateurs, en pleurs, tombèrent face contre terre, des vingtaines d’autres formaient un pont humain en bas, impatients qu’elle marche sur eux. Elle le fit, posant le pied sur la chair moelleuse de leurs dos.
Enfin, elle avait son troupeau. Et à présent il était temps de partir en guerre.
*
Volusia se tenait haut sur les remparts entourant la capitale de l’Empire, regardant au-delà le ciel du désert avec un sentiment renforcé de destinée. Elle ne vit rien hormis des corps décapités, tous les hommes qu’elle avait tués – et un ciel de vautours, poussant des cris stridents, descendant en piqué, picorant leurs chairs. À l’extérieur de ces murs soufflait une légère brise, et elle pouvait déjà sentir la puanteur des chairs en décomposition, lourde dans l’air. Elle esquissa un grand sourire face au carnage. Ces hommes avaient osé s’opposer à elle – et ils en avaient payé le prix.
« Ne devrions-nous pas enterrer les morts, Déesse ? » s’éleva une voix.
Volusia jeta un regard pour voir un commandant de ses forces armées, Rory, un humain, grand, au large torse, avec un menton ciselé et une beauté éblouissante. Elle l’avait choisi, l’avait élevé au-dessus des autres généraux, car il était plaisant aux yeux – et encore davantage parce qu’il était un commandant brillant et gagnerait à n’importe quel prix – tout comme elle.
« Non », répondit-elle, sans le regarder. « Je veux qu’ils pourrissent sous le soleil, et que les animaux se repaissent de leur chair. Je veux que tous sachent ce qui arrive à ceux qui s’opposent à la Déesse Volusia. »
Il contempla la vue, reculant.
« Comme vous le souhaitez », répondit-il.
Volusia scruta l’horizon, et ce faisant, son sorcier, Koolian, vêtu d’un capuchon et d’une cape noire, avec des yeux verts luisants et un visage recouvert de verrues, la créature qui avait aidé à diriger l’assassinat de sa propre mère – et un des quelques membres de son cercle de proches en qui elle avait encore confiance – avança à côté d’elle, le scrutant lui aussi.
« Vous savez qu’ils sont là dehors », lui rappela-t-il. « Qu’ils viennent pour vous. Je les sens venir maintenant même. »
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